ELWATAN-ALHABIB
mardi 20 août 2019
 

La répression de la Chine contre les Ouïghours se poursuit jusqu’en Egypte, avec l’assentiment du Caire








« L’autonomie avec laquelle les autorités chinoises ont été autorisées à agir en Egypte est sans précédent ». Ce dur constat que fait Darren Byler, spécialiste du Xinjiang, ajoute aux malheurs qui s’abattent sans discontinuer sur la minorité musulmane la plus persécutée de Chine, les Ouïghours, en faisant naître en eux un profond sentiment d’amertume : celui d’avoir été trahis par leurs coreligionnaires du pays des pharaons.
C’est, en effet, une bien cruelle désillusion qui attendait, en Egypte, des milliers de réfugiés issus de la province autonome du Xinjiang. Après avoir fui les affres d’une répression implacable, allant crescendo depuis cinq ans, afin de trouver un abri sûr sur une terre d’islam, là où le seul fait de lire le Coran ne constituerait pas un crime de lèse-majesté, quelle ne fut pas leur stupeur de réaliser qu’ils s’étaient aventurés en terrain miné…
Le havre de paix et de sécurité idéalisé s’est rapidement transformé en un véritable enfer, qui était inimaginable même dans leurs pires prédictions. C’est totalement impuissants et accablés qu’ils ont subi ou assisté à une vague d’arrestations de jeunes étudiants ouïghours, orchestrée avec zèle par les autorités égyptiennes.

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D’une rare complaisance et sans le moindre état d’âme envers une communauté musulmane turcophone dont Pékin essaie de broyer la croyance, les différences et la résistance, à coups de restrictions de plus en plus drastiques et en usant de la manière forte, le gouvernement égyptien a consenti à ce que la police chinoise procède à des interrogatoires sur son propre sol.
Mais comment refuser à la Chine, l’un des plus gros investisseurs en Egypte, ce petit plaisir, quand on s’appelle Abdel Fattah al-Sissi, que l’on dirige son pays d’une main de fer et que l’on mène une véritable chasse aux sorcières contre une frange de sa population : les Frères musulmans ?
En 2017, plus de 90 Ouïghours furent interpellés sans ménagement dans ce pays-frère, ou du moins le croyaient-ils naïvement, parmi lesquels figuraient de nombreux étudiants en théologie islamique à l’université Al-Azhar. La communauté ouïghoure d’Egypte, qui a compté jusqu’à 6 000 membres, ne réunit plus que 50 familles, assure Abdulweli Ayup, un linguiste ouïghour basé en Norvège, qui a effectué des recherches sur les Ouïghours en Egypte.
Alors que Pékin se retranche derrière le paravent de la lutte anti-terroriste pour déployer son vaste arsenal de mesures de rétorsion contre les Ouïghours, jusqu’à interner un million d’entre eux dans l’enfer concentrationnaire de camps de « rééducation », sans doute pour leur imposer de faire leur autocritique, il en faudrait plus pour émouvoir Al-Sissi.
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Que valent à ses yeux des milliers de vies humaines, de surcroît de confession musulmane, face aux juteux échanges commerciaux noués avec la deuxième puissance économique mondiale, et aux gigantesque projets d’infrastructures qui en découleront ? Pas grand-chose, manifestement.
    Camp de “rééducation” où sont incarcérés les Ouïghours
Les relations entre Le Caire et Pékin sont à ce point au beau fixe qu’elles ont favorisé la signature d’un accord sur « la lutte contre le terrorisme » en 2017trois semaines avant l’interpellation de centaines d’étudiants ouïghours sur le territoire égyptien.
Selon plusieurs ONG, les étudiants ouïghours arrêtés sont envoyés à Tora, une prison au sud du Caire, où sont détenus de nombreux prisonniers politiques. Après 60 jours de détention, plusieurs étudiants ont pu quitter l’Egypte pour la Turquie, importante terre d’immigration ouïghoure.
« Pour les Ouïghours, c’est un cauchemar qu’un frère musulman puisse inviter des responsables chinois pour les interroger », s’est insurgé Abdulweli Ayup, en relatant le sort réservé à Ahmed, 26 ans, lequel s’était confié auprès de l’AFP.
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Arrêté en juillet 2017, en plein jour, cet étudiant ouïghour tremble encore à l’évocation des fourgons noirs qui stoppèrent net devant la mosquée Moussa Ibn Nassir. Menotté et les yeux bandés, ce dernier a été interrogé par des policiers égyptiens et, avec effarement, par des fonctionnaires chinois, derrière les murs du commissariat du Caire. « J’avais tellement peur qu’ils nous livrent aux autorités chinoises », se souvient-il péniblement.
Durant ses 11 jours de garde à vue, des Chinois l’ont harcelé de questions au sujet de son père resté au Xinjiang. « Où est-il et comment vous envoie-t-il de l’argent? », lui a-t-on demandé avec insistance. Relâché, Ahmed s’est enfui pour Istanbul. Il a alors appris avec effroi que son père était porté disparu : « Je ne sais toujours pas s’il est mort ou vivant ».
Le cri d’indignation poussé par Sara Leah Whitson, la directrice de HRW pour le Moyen-Orient, se perd hélas dans l’immense désert de l’indifférence. « Les autorités égyptiennes devraient arrêter cette scandaleuse rafle de Ouïghours », ne cesse-t-elle d’exhorter, ajoutant : « Elles doivent rendre publics le lieu et les motifs de leur détention et leur donner accès à des avocats».
 
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