La
liberté d’information est un leurre, si l’information sur les faits
n’est pas garantie et si ce n’est pas les faits eux-mêmes qui font
l’objet du débat » Hanna Arendt.
« La propagande est à la démocratie, Ce que la violence est à la dictature ». Noam Chomsky
De la guerre sémantique : Les paramètres de départ: Les raisons de l’absence d’audibilité de l’opposition démocratique syrienne.
Primo: Les Etats-Unis et l´Union européenne, c’est à dire le bloc
atlantiste, contrôlent 90% de l´information de la planète et sur les 300
principales agences de presse, 144 ont leur siège aux Etats-Unis, 80 en
Europe et 49 au Japon. Les pays pauvres, où vit 75% de l´humanité,
possèdent 30% des médias du monde.
Deuxio: Israël représente le 3ème pays par ordre d’importance en
termes de couverture médiatique, en unité de bruit médiatique (UBM),
derrière les Etats-Unis (300 millions d’habitants) et la Chine (1,5
milliards d’habitants). Malgré les conditions de sa naissance
controversée, Israël a réussi à occuper le devant de la scène
médiatique, captant constamment l’attention de l’opinion occidentale,
réussissant le tour de force de placer sur la défensive tous ses
contradicteurs.
Les Européens, naturellement, assignés à un complexe de culpabilité
éternel du fait du génocide hitlérien. Les Américains, par
instrumentalisation d’un important groupe de pression pro-israélien
animé d’une volonté de domination hégémonique sur la zone pétrolifère du
Moyen-Orient. Le Monde arabe, enfin, par son indigence à maîtriser les
techniques de communication de la guerre psychologique moderne, doublée
d’un défaut d’un argumentaire accessible à l‘opinion occidentale.
Tertio: Toutes les grands chaines transfrontières arabes sont,
toutes, adossées à des bases militaires atlantistes: Al Jazera à la base
du Centcom à Doha, la saoudienne Al Arabia de Doubaï, à la base
aéronavale française d’Abou Dhabi, enfin la nouvelle chaine du Prince al
Walid Ben Talal, «Al-Arab», à la base navale américaine de Manama
(Bahreïn).
Les médias contestataires de l’ordre hégémonique occidental, Press Tv
(Iran), Russia Today et Mayadine de Ghassane Ben Jeddo, un ancien d’Al
Jazira, sont de peu de poids face à ces mastodontes. Sauf à s’incliner
devant le diktat occidental, aucun opposant syrien, si prestigieux
soit-il, ne saurait être audible encore moins crédible.
Songez à la précipitation de Bourhane Ghalioune, premier président de
l’opposition off-shore, à annoncer la rupture de l’alliance stratégique
entre la Syrie et l’Iran, sans contrepartie, en guise de gage aux
Israéliens et aux Américains. Songez à la fatwa d’un dignitaire
religieux de rendre licite l’assassinat de Bachar Al Assad,
prioritairement à un israélien, deux symptômes d’une grave perversion
mentale et morale
Dans leur bataille idéologique pour la conquête de l’imaginaire des
peuples, gage essentiel de la pérennité d’une nation, les États-Unis ont
développé un argumentaire reposant sur une double articulation:
-un argument intellectuel, le principe de la liberté de la circulation de l’information et des ressources,
-un argument pratique, le fait que les États-Unis soient la seule
grande démocratie au monde à ne disposer ni d’un ministère de la
culture, ni d’un ministère de la communication, preuve irréfutable,
selon eux, d’un régime de liberté.
Présenté comme l’antidote absolu au fascisme et au totalitarisme, le
principe de la liberté de l’information a constitué un des grands dogmes
de la politique des Etats-Unis de l’après-guerre, son principal thème
de propagande.
Certes, il n’y a ni ministère de la culture ni ministère de la
communication dans le gouvernement des États-Unis, mais, dans cette
bataille idéologique, les États-Unis ont pratiqué, non l’attaque
frontale mais l’entrisme, une stratégie de contournement périphérique,
Une diplomatie multilatérale instrumentalisant les organisations
internationales à vocation universelle ou spécifique, doublée d’une
diplomatie parallèle de ses agences spécialisées: la CIA (agence
centrale du renseignement) et les Fondations philanthropiques pour le
blanchiment des fonds.
Que ce soit l’ONU, L’UNESCO, le Conseil économique et social de l’ONU
ou l’Organisation interaméricaine, toutes auront inscrit dans leur
charte « le principe de la liberté de l’information». Toutes, peu ou
prou, auront fait office de tribune pour la propagation de la doctrine
américaine de la libre circulation de l’information. En deux ans, la
structure de la diplomatie multilatérale de l’après-guerre est
verrouillée par ce principe. Les États-Unis réussissent à le faire
figurer dans la charte des cinq grandes organisations internationales
(ONU, UNESCO, ECOSOC (Conseil Economique et Social), Organisation
interaméricaine et l’Assemblée générale de l’ONU).
L’ONU comptait à l’époque cinquante-cinq membres, le quart du nombre
actuel avec une majorité automatique pro-occidentale composée de pays
européens et latino-américains sous la férule états-unienne. Tous les
grands États du tiers-monde en sont absents. La Chine continentale est
boycottée au profit de Taiwan, l’Inde et le Pakistan, les deux nouvelles
puissances nucléaires d’Asie sont sous domination anglaise de même que
le Nigeria et l’Afrique du Sud, les deux géants de l’Afrique, nouveaux
candidats au titre de membres permanents du Conseil de sécurité des
Nations Unies, tandis que le Maghreb et l’Afrique occidentale se
trouvent, eux, sous contrôle français.
La Global Connection et les prédicateurs électroniques
Le dispositif médiatique mis en place pour mener de pair le combat
contre le communisme, sur le plan international, et le combat contre
l’athéisme, sur le plan arabo-musulman, a répondu à un objectif qui
relève dans la terminologie militaire du «tir de saturation tous
azimuts», dans une stratégie dite de «Global connection», visant à
enserrer la planète dans un maillage global de vecteurs multimédias à la
périodicité variable.
Aux radios profanes de l’époque de la guerre froide, -Radio Free
Europe, soutenue intellectuellement et matériellement par la puissante
Freedom House, et Voice of America, se sont ajoutés les nouveaux
vecteurs créés à l’occasion de la Deuxième Guerre contre l’Irak en 2005,
Radio Sawa (Ensemble), la chaine de télévision Hurra (Libre), avec en
superposition une vingtaine de grandes corporations radiophoniques
religieuses, notamment Trans World Radio (TWR), Adventiste World Radio
(AWR), FEBA Radio, IBRA Radio. Ces «prédicateurs électroniques disposent
de moyens financiers et techniques sans équivalent dans les deux tiers
des pays de la planète, qui sont autant d’instrument d’accompagnent de
la diplomatie souterraine américaine.
Le langage comme marqueur d’identité culturelle: contrôle du contenant et du contenu
Le bloc occidental maitrise non seulement le contenant (les vecteurs)
mais également le contenu (le langage) de sorte que la liberté
d’information, un des fondements de la démocratie, existe, mais
uniquement pour ceux qui en maitrisent les codes. La bataille de Syrie
en apporte quotidiennement la preuve.
L’individu n’est pas un moulin à paroles. Les mots ont un sens et ne
constituent pas une enfilade de paroles verbales. Les mots ne sont pas
neutres, ni innocents. Les mots tuent parfois. Cela est encore plus vrai
pour les Etats, particulièrement en période de guerre. Guerre
psychologique autant que guerre sémantique, la guerre médiatique vise à
soumettre l’auditeur récepteur à la propre dialectique de l’émetteur, en
l’occurrence la puissance émettrice en lui imposant son propre
vocabulaire, et, au-delà, sa propre conception du monde.
Dans ce contexte, le langage est un marqueur d’identité culturelle de
la même manière que les empreintes digitales, le code génétique, les
mesures anthropométriques sont des marqueurs biologiques et physiques.
L’accent, l’usage des termes, le ton révèlent l’identité culturelle de
l’être. Sous une apparence trompeuse, des termes généraux, lisses et
impersonnels, le langage est codifié et pacifié. Il devient alors un
redoutable instrument de sélection et de discrimination.
Un Plan social renvoie à une réalité immatérielle contrairement au
terme douloureux de licenciement massif. De même qu’ «externalisation et
sous-traitance» à des opérateurs fonctionnant en dehors des normes de
la législation sociale.
«Délocalisation» masque une opération visant à optimiser le rendement
en exploitant une main d’œuvre bon marché et surexploitée des pays
pauvres et souvent dictatoriaux, sans la moindre protection sociale.
«Privatisation», une opération qui consiste souvent à transférer à des
capitalistes des entreprises du service public souvent renflouées par
les deniers publics, c’est-à-dire les contribuables.
Même au niveau du discours politique le langage est aseptisé au point
que l’ancien Premier ministre socialiste Pierre Mauroy avait reproché
au candidat socialiste aux présidentielles de 2002, Lionel Jospin,
d’avoir gommé dans son discours le terme de «travailleurs». Dans le
langage convenu, l’on préfère le terme pudique de «Gens de condition
modeste» à celui plus parlant de «pauvres» de même pour le tandem
«Exclus et «exploités». Ou encore «Classes» (qui suggère idée de lutte)
et couches sociales. Couches comme couches de peinture.
Le langage est connoté. A l’instar du Syllabus papal du XIX me siècle
(2), qui prohibait l’usage de certains termes tels laïcité ou
séparation Eglise Etats, le seul langage licite à l’époque contemporaine
est le LQR «Lingua Quintae Respublicae», le langage en vogue sous la
Vème République Française, homologué, estampillé. En raison sans doute
du rôle moteur de la France dans les «guerres de libération» du Monde
arabe. (Cf. A ce propos Eric Hazan: LQR : La propagande du quotidien
(Raisons d’agir éditions)
Gare à quiconque recourt à un langage personnalisé, forgé dans un
vocabulaire qui lui est propre. L’homme risque l’ostracisme, aussitôt
mis à l’index, affublé d’une tare absolue, irrémédiable: «ringard»,
«tricard», etc. La Langue substitue aux mots de l’émancipation et de la
subversion, ceux de la conformité et de la soumission. L’on prône la
flexibilité au lieu de la précarité, dans un pays qui a érigé la rente
de situation en un privilège à vie, notamment au sein de la haute
fonction publique. Les Enarques ont une rente de situation à vie, mais
quiconque ose relever cette incongruité est accusé de faire le lit du
«populisme».
Il en est de même au niveau diplomatique: Problème du Moyen Orient ou
Question d’Orient. Pour un problème, la réponse est unique, le problème
ouvre la voie à des experts qui doivent techniquement apporter la
solution. Mais la question d’Orient est plus floue. Une question suggère
des réponses multiples, et induit l’absence de solution immédiate.
Selon que vous utilisez un terme ou l’autre vous serez classé «moderne
et dynamique» ou «ringard».
Un exemple «Le Figaro» du 28 Août 2004 titre en manchettes «L’aveu du président Bush»,
sans que le journal ne précise en quoi consistait cet aveu, à propos de
quoi. Dix ans auparavant, tout autre journal complaisant aurait titré:
«Le président Bush admet son échec dans ses prévision sur l’Irak». Mais
si par malheur un journaliste audacieux avait titré la stricte vérité
«Bush, le grand perdant de la guerre d’Irak», il aurait été aussitôt
accusé d’«anti-américanisme primaire». La «Novlangue» résulte de la
présence de plus en plus manifeste de décideurs- économistes et
publicitaires- dans le circuit de la communication, assurant une
installation en douceur de la pensée néolibérale.
Si la diffusion hertzienne est la moins polluante des armes sur le
plan de l’écologie, elle est, en revanche, la plus corrosive sur le plan
de l’esprit. Son effet est à long terme. Le phénomène d’interférence
opère un lent conditionnement pour finir par subvertir et façonner le
mode de vie et l’imaginaire créatif de la collectivité humaine ciblée.
Nulle trace d’un dégât immédiat ou d’un dommage collatéral. Point besoin
d’une frappe chirurgicale ou d’un choc frontal.
Dans la guerre des ondes règne le domaine de l’imperceptible, de
l’insidieux, du captieux et du subliminal. Qui se souvient encore de
«Tall Ar-Rabih» (La colline du printemps)? Près d’un siècle d’émissions
successives et répétitives a dissipé ce nom mélodieux, synonyme de
douceur de vivre, pour lui substituer dans la mémoire collective une
réalité nouvelle. “Tal AR-Rabih” est désormais mondialement connu, y
compris au sein des nouvelles générations arabes, par sa nouvelle
désignation hébraïque, Tel Aviv, la grande métropole israélienne. Le
travail de sape est permanent et le combat inégal. Il en est de même des
expressions connotées.
Génocide et Shoah
L’extermination d’une population en raison de ses origines s’appelle
en français «génocide».Il en est ainsi du génocide arménien en Turquie,
comme du génocide des Tutsis au Rwanda. Lui préférer l’expression
hébraïque du terme biblique de «Shoah» (holocauste) signe son
appartenance au camp pro-israélien.
Israël n’a jamais reconnu le caractère de «génocide» aux massacres
des Arméniens en Turquie au début du XXe siècle, sans doute pour marquer
le caractère unique des persécutions dont les Juifs ont été victimes en
Europe. D’abord en Russie, les «pogroms» de la fin du XIX me siècle,
puis en Allemagne et en France durant la Seconde Guerre mondiale
(1939-45).
Il en est aussi des termes antisémitisme et antiracisme. Arabes et
Juifs sont des sémites, mais l’antisémitisme ne concerne que les Juifs,
pour se distinguer des autres, alors que l’antiracisme englobe Arabes,
Noirs, Musulmans, Asiatiques etc. Le Président Jacques Chirac, lui-même,
en fustigeant «l’antisémitisme et le racisme» dans son discours
d’adieu, le 27 mars 2006, a consacré dans l’ordre subliminal un racisme
institutionnel.
Jusqu’à présent, les pays occidentaux en général, les Etats-Unis en
particulier, auront exercé le monopole du récit médiatique, un monopole
considérablement propice aux manipulations de l’esprit, qui sera
toutefois brisé à deux reprises avec fracas avec des conséquences
dommageables pour la politique occidentale:
-La première fois en Iran, en 1978-1979, lors de la «Révolution des
cassettes» du nom de ces bandes enregistrées des sermons de l’Imam
Ruhollah Khomeiny du temps de son exil en France et commercialisées
depuis l’Allemagne pour soulever la population iranienne contre le Chah
d’Iran,
-La deuxième fois à l’occasion de l’Irangate en 1986, le scandale des
ventes d’armes américaines à l’Iran pour le financement de la
subversion contre le Nicaragua, qui a éclaté au grand jour par suite
d’une fuite dans un quotidien de Beyrouth «As-Shirah», mettant
sérieusement à mal l’administration républicaine du président Ronald
Reagan.
Les analphabètes secondaires
Hormis ces deux cas, les Etats-Unis auront constamment cherché à
rendre leurs ennemis inaudibles, au besoin en les discréditant avec des
puissants relais locaux ou internationaux, tout en amplifiant leur
offensive médiatique, noyant les auditeurs sous un flot d’informations,
pratiquant la désinformation par une perte de repères due à la
surinformation en vue de faire des auditeurs lecteurs de parfaits
«analphabètes secondaires», pour reprendre l’expression de l’allemand
Hans Magnus Einsenberger (3).
Non des illettrés, ou des incultes, mais des êtres étymologiquement
en phase de processus de «désorientation», psychologiquement conditionné
et réorienté dans le sens souhaité.
Pur produit de la phase de l’industrialisation, de l’hégémonie
culturelle du Nord sur le Sud, de l’imposition culturelle comme un
préalable à l’envahissement et à l’enrichissement des marchés,
«l’analphabète secondaire n’est pas à plaindre. La perte de mémoire dont
il est affligé ne le fait point souffrir. Son manque d’obstination lui
rend les choses faciles.
Une inversion radicale du schéma économique se produit et la loi de
l’offre et de la demande se décline désormais selon un mode radicalement
différent: la fabrication du désir de consommation détermine désormais
l’activité d’une entreprise. Ce n’est plus le consommateur qui commande
le rythme de la production mais le producteur qui orchestre désormais le
désir de consommation. Le contrôle de l’appareil de production parait
compter désormais moins que la maîtrise de la demande de consommation.
Le citoyen actif cède ainsi le pas au consommateur passif,
l’aventurier de l’esprit au téléphage, le journaliste à l’animateur de
divertissement, le patron de presse au capitaliste, entraînant du coup
le glissement du journalisme vers le règne de l’«infotainement»
néologisme provenant de la contraction de l’information et de
l’Entertainment (terme américain de divertissement).
La mondialisation des flux d’information permet ainsi la mise sous
perfusion éditoriale d’un organe de presse et par voie de conséquence la
sédentarisation professionnelle de l’information, stade ultime de
l’analphabétisme secondaire. Toutefois ce viol du monde par la publicité
et la propagande par la profusion des sons et des images, dans le
paysage urbain, sur les écrans dans la presse, au sein même des foyers,
se heurte à des résistances éparses mais fermes.
De même que le monopole du savoir par la technocratie est battu en
brèche, sur le plan international, par des contre-pouvoirs notamment les
acteurs paraétatiques (Greenpeace, Amnesty International, Human Right
Watch, Médecins sans frontières, Attac, démultipliant les sources
d’information non contrôlées, de même l’informatique a développé au
niveau de l’information une sphère d’autonomie contestataire à l’ordre
mondial américain. Chaque percée technologique s’est accompagnée d’une
parade.
A la cassette du temps de la révolution khomeyniste a succédé le fax
puis les sites Internet enfin le blog, le journal électronique en ligne,
le tweet, dont le développement s’est accéléré depuis la guerre d’Irak
et la dernière campagne présidentielle de George Bush jr (2004), des
parades qui retentissent comme la marque d’une revanche de l’esprit
contestataire et de la sphère de la liberté individuelle, en réaction au
matraquage de la propagande et la concentration capitalistique des
médias.
De la Syrie
Ce propos est explicatif. Il ne comporte pas justificatif. Au-delà
d’un régime contestable, il importe de pérenniser la Syrie. La
destruction d’un régime, si critiquable soit-il, ne justifie pas le
démantèlement d’un pays, qui constitue un joyau de la civilisation, un
foyer de la coexistence interconfessionnelle et du nationalisme militant
Pour qu’une Syrie laïque et démocratique puisse voir le jour, il
importe de clarifier les termes du débat, de démasquer les conspirateurs
et de mettre un terme à l’enfumage médiatique qui brouille les enjeux.
Sur les enjeux de la bataille de Syrie Cf. à ce propos La bataille de Syrie et la capture par l'Iran d'un drone américain sophistiqué
D’affirmer haut et fort:
-Que le pouvoir syrien est une dictature hideuse, de même que les
principaux bailleurs de fonds régionaux de l’opposition off-shore.
-Que la fin ne justifie pas les moyens. Qu’à ce titre, les ennemis de mes ennemis ne sont pas nécessairement mes amis.
-Qu’il est malsain de substituer une dictature par une autre
dictature de surcroît propulsée par les forces obscurantistes,
répressives et régressives.
Malsain de substituer une minorité autocratique par une majorité
tyrannique éradicatrice. Cela vaut pour la Syrie comme pour Bahreïn, en
schéma inversé. S’il est malsain que la minorité alaouite exerce son
hégémonie sur la Syrie, il est tout aussi malsain que la minorité
sunnite de Bahreïn exerce son emprise sur la majorité chiite de l’ile.
Malsain de justifier les dérives terroristes du combat au prétexte de
combattre une minorité (les Alaouites en Syrie), tout en justifiant ces
mêmes dérives d‘un pouvoir minoritaire sunnite combattant la majorité
chiite au Bahreïn.
Si le danger d’un croissant chiite existe sur le Monde arabe, le
danger est tout aussi important d‘un croissant salafiste sur les
démocraties arabes. Gardons-nous de tout manichéisme. Un chiite n‘est
pas malfaisant du fait même de son appartenance chiite et un sunnite
bienfaisant selon ce même principe. Le sunnite peut être mécréant s’il
enfreint les prescriptions de sa religion, et le chiite croyant s’il
respecte les siennes. Les guerres de religion sont d‘un autre âge et
l’Europe en a lourdement payé le prix. Faisons en l’économie en tirant
profit des expériences d’autrui.
Pour mémoire
Au pouvoir en Iran et en Irak, par effet d’aubaine dans ce dernier
cas, disposant de surcroît d’une redoutable capacité de nuisance au
Liban, les Chiites constituent le groupement ethnico-religieux qui a
enregistré, en trente ans, la plus forte progression sur la plan de la
dissuasion militaire et de l’autosuffisance technologique mettant en
échec les menées hostiles du camp atlantiste.
En contrechamps, l’Islam Wahhabite scellait sa soumission à l’axe
israélo-américain, sans la moindre contrepartie sur le plan palestinien,
ni au niveau de la sécurisation de l’espace national arabe,
s’inscrivant dans les annales de l’histoire comme le plus gros
exportateur de djihadisme erratique. L’ingratitude ne constitue pas
toujours la forme la plus achevée de l’intelligence politique.
Foin de dichotomie sunnite-chiite. C’est le patriotisme,
l’attachement aux valeurs démocratiques, le souci du bien commun, qui
doivent être déterminant et non l’appartenance religieuse. Telles sont
les règles de base du combat démocratique. A ce titre toute opposition
n’est pas légitime, dès lors qu’elle prend appui sur l’ancien pouvoir
colonial équarisseur de son propre pays, à l’origine de ses plus grands
malheurs. Songez à un Français naturalisé syrien qui ordonnerait la
libération de la Corse, de la Bretagne ou du Pays Basque, comment il
serait accueilli par les Français !!!) Paroles d‘Evangile: Ne faites
pas à autrui ce que vous ne voulûtes pas que l‘on vous fit.
Toute opposition n’est pas légitime dès lors que cette opposition est
le fait d’un mercenariat commandité par des puissances régionales et
extra régionales en vue de faire office de contre révolution, et de
contrefeux à leurs propres turpitudes.
C’est en Syrie (à Deir ez Zor) qu’a été édifié le mémorial du
génocide arménien. C’est Damas qui abrite la Mosquée des Omeyyades et le
siège des patriarcats des Eglises d‘orient, à l’exclusion de l’Eglise
maronite. C’est la Syrie enfin qui a donné l’exemple du combat
nationaliste avec la mémorable posture de Youssef al Azmeh, ministre de
la défense, tué les armes à la main, face aux envahisseurs français,
dans la bataille de Maysalloun, acte fondateur du nationalisme syrien
contemporain. Une attitude dont elle paiera le prix par son
démantèlement par les deux Co-parrains de l’offensive la France et la
Turquie.
Rappeler ces vérités n’implique pas caution du régime, mais répond à un devoir de vérité.
Sur la problématique de l’opposition syrienne, Cf. à ce propos: La controverse à propos Basma Kodmani
La Dissension sociale ou «la théorie du combat des chiens»
Le Liban a été le banc d’essai de la théorie de la dissension sociale
connue sur le plan journalistique par la «théorie du combat des
chiens», mise en œuvre par l’universitaire américain Peter Galbraith,
fils de l’économiste américain John Kenneth Galbraith et interface de
l’ancien premier ministre pakistanais Benazir Bhutto pour le compte de
la CIA.
La théorie vise à exacerber les antagonismes ethnico-religieux en vue
d’imploser les pays constitués d’un tissu démographique pluraliste de
mosaïque humaine. Ce plan a été ultérieurement appliqué en Bosnie, puis
en Afghanistan et en Irak, enfin en Syrie. Véritable expérimentation à
grande échelle en 1975 au Liban, elle a longtemps été présentée par des
Libanais en guise d’excuse absolutoire à leur turpitude comme étant «la
guerre des autres» au Liban. Si tel a été le cas, elle l’aura été avec
la complicité et l’avidité des Libanais.
Point n’était besoin d‘être stratège pour déduire que la chute de
Saigon et de Phnom Penh, les 15 avril et 30 avril 1975, les deux
bastions américains en Asie, coïncidant avec la révolution des œillets
au Portugal et l’indépendance des colonies portugaises en Afrique,
déviaient immanquablement le champ de la confrontation soviéto-américain
vers le Moyen Orient, particulièrement son maillon faible, Le Liban.
Ce schéma s’est appliqué à l’identique à la Syrie: Point n’est besoin
d’être sorcier pour expliquer que la perte de l’Egypte et de la
Tunisie, les deux piliers sud de l’Union Pour la Méditerranée, en
superposition à la fermentation de Bahreïn et du Yémen, les deux balises
sécuritaires de l’Arabie saoudite, allaient immanquablement dévier le
flux révolutionnaire vers la Syrie, maillon intermédiaire de l’axe de la
contestation à l’hégémonie israélo américaine.
Le décor était bien planté. Mais, il n’est pire aveugle que celui qui
ne voir. Pire sourd que celui qui ne veut entendre. Juste retour des
choses, ce sont désormais les Libanais s’emploient à participer à la
déstabilisation de la Syrie, alors qu’auparavant c’étaient les Syriens
qui soufflaient le feu au Liban.
La désinformation et la désorientation.
La surcharge d’information aboutit à la désinformation. Dès la
décennie 1970, le Liban assurait l’édition et la distribution de près de
trois mille publications toutes périodicités confondues, alors que
cinquante stations radio opéraient dès le début de la guerre civile sur
le champ de bataille médiatique libanais, tandis que, parallèlement, le
reste du monde arabe était engourdi par le journalisme institutionnel
des fonctionnaires poussifs d’organismes bureaucratiques.
La désorientation est propice aux rumeurs, à l’intoxication, et,
faute d’éducation civique, à une perte de repères. L’une des rumeurs
les plus célèbres de la guerre du Liban a été celle relative au
débarquement de «Somaliens aux queues vertes» en renfort de la coalition
palestino-progressiste.
Rumeur qui a témoigné du désarroi des Chrétiens à l’époque, le
printemps 1976, à la suite de la perte de leur place forte dans le
secteur hôtelier de Beyrouth et de la volonté de leur tuteur de
maintenir la mobilisation face au danger extérieur.
Le média au Liban et dans les pays arabes a cessé, dans la majorité
des cas, d’être un instrument de combat pour la démocratisation de la
vie publique et sa moralisation, mais un générateur de recettes, un
instrument de combat dévoyé pour la cause d’autrui. Cela vaut aussi
pour les autres médias. Dans le cas de la Syrie, Al Jazira s’est
particulièrement distinguée.
Il n’est que de songer au parcours d’Al Watan al Arabi, le chantre de
l’Irak bassiste durant la guerre irako iranienne, hyper royaliste dès
le début de la tempête du désert, en 1990 contre l’Irak, son
propriétaire glanant au passage pour prix de son revirement la coquette
somme de cinq millions de dollars agrémentés de d‘avantages matériels
annexes, sonnantes, trébuchantes et consistantes.
Songer aux alliances rotatives du groupe An Nahar avec le
milliardaire Michel el Murr, un des principaux bailleurs de fonds des
milices chrétiennes, puis avec le général Michel Aoun, le dirigeant de
la plus importante formation chrétienne qu’il désertera pour se donner,
après une brève idylle pour cause d’impécuniosité au milliardaire libano
saoudien Rafic Hariri, avant de se jeter dans le giron du Prince Walid
Ben Talal, un deuxième milliardaire libano saoudien, son actuel
actionnaire.
Le Liban a été ainsi le principal bailleur de fonds de sa guerre
d’autodestruction, qu’il a financée en superposition aux transferts
mercenaires de ses parrains régionaux. La Syrie aussi. Il est de
privilèges qu’il est sain de décliner sans état d’âme.
Le conditionnement de l’opinion: Le syndrome Ahmad Chalabi
Al Jazira s’est particulièrement distinguée dans le cas de la
Syrie.Réédition d’un scénario éculé, le dispositif en vigueur à
l’encontre de la Syrie a été identique à celui mis en place à propos de
l’Irak, justifiant une fois de plus le constat de Pierre Bourdieu sur
«la circulation circulaire de l’information», tant au Qatar, à travers
Al Jazira, qu’en France, via le quotidien Libération.
Ainsi Ahmad Ibrahim Hilal, responsable de l’information sur la chaîne
transfrontière qatariote, a agi depuis les combats de Syrie, il y a un
an, en couple et en boucle avec son propre frère Anas Al Abda, proche du
courant islamiste syrien et membre du CNT, au diapason du tandem
parisien formé par Basma Kodmani, porte-parole du CNT et sa sœur Hala
Kodmani, animatrice du cellule oppositionnelle syrienne à Paris et
chargée de la chronique Syrie au quotidien français Libération dans une
fâcheuse confusion des genres.
Ce dispositif a été amplifié en France au niveau arabophone par Radio
Orient, la radio du chef de l’opposition libanaise, Saad Hariri, qui
plus est partie prenante du conflit de Syrie. Du jamais vu dans les
annales de la communication internationale qu’un chef de l’opposition
d’un pays ami dispose d’une radio opérant depuis sa capitale contre le
propre gouvernement du pays supposé allié de la France.
Un tel dispositif a frappé de caducité le discours médiatique
occidental, au même titre que le discours officiel syrien, en ce qu’il
est obéré par «le syndrome Ahmad Chalabi» du nom de ce transfuge irakien
qui avait alimenté la presse américaine des informations fallacieuses
sur l’arsenal irakien, via sa nièce journaliste en poste dans l’une des
principautés du golfe, implosant la crédibilité de l’employeur de la
journaliste vedette du New York Times, Judith Miller, passée à la
postérité comme étant «l’arme de destruction massive de la crédibilité
du New York Times dans la guerre d’Irak». Pour une étude plus fouillée
voir à ce propos : Al Jazeera la fin d'une Légende
Le média perd ainsi sa fonction initiale de véhicule d’information,
d’un vecteur propagateur de nouvelles pour devenir un instrument de
combat dévoyé pour la cause d’autrui. Sous l’apparence de l’indépendance
et du professionnalisme, Al Jazira a épousé les oscillations de la
diplomatie qatariote, d’abord enthousiaste à l’égard de l’élan populaire
arabe, plus réservée lorsque les flammes de la contestation ont atteint
les rivages pétro monarchiques. De prescripteur de l’ordre médiatique
arabe, Al Jazira s’est mû en lanceur d’alerte des menées contre
révolutionnaire arabe.
Signe d’un désaveu, sa couverture parcellaire du soulèvement arabe
provoquera une cascade de démission au sein de l’équipe rédactionnelle,
dont plusieurs vedettes de la chaine, notamment Ghassane Ben Jeddo,
l’ancien directeur du bureau de Beyrouth de la chaine qatariote.
Le conditionnement de l’opinion
Outre Al Jazira et la chaine transfrontière saoudienne «Al Arabica»,
les deux coproducteurs de la dramaturgie de l’épopée de la bataille de
Bab Amro (Homs) qui se devrait d’être «Le Stalingrad» de la bataille de
Syrie, en février 202, deux autres vecteurs ont joué un rôle majeur dans
le conditionnement de l’opinion arabe et occidentale, la firme Quantum
et MCC.
Emanation régionale depuis Doubaï de la firme publicitaire américaine
de dimension internationale, Saatchi and Saatchi, Quantum passe pour
avoir été le Maître d’œuvre de la révolution colorée au Liban et des
mots d’ordre sur le «désordre créateur» dans les autres pays arabes,
alors que MCC du libanais pro haririen Jinah Hammoud, en tandem avec son
compère le député faussement humanitariste Oukab Sakr, assumaient
depuis la Turquie, la fonction de producteur de documentaires prêts à la
diffusion au sein des grands médias de consensus.
Mention spéciale doit être réservée dans ce domaine à l’ancien
journal de référence de la presse française, le journal Le Monde, dont
l’un des plus gros pourvoyeurs d’information sur la Syrie, n’est autre
qu’un ancien diplomate français en poste à Damas dans la décennie 1980,
Boris Glassman, dont le pseudonyme, Ignace Leverrier, d’une grande
limpidité, se fait par double référence à son patronyme (Glassman – Al
Kazzaz) et, sans doute, au fondateur de la congrégation des pères
jésuites, réputée pour son sens de la dissimulation. Cet ancien
diplomate français s’est mû en propagateur officieux des thèses de
l’opposition pro-islamiste, sous couvert d’expertise.
Combattre le discours disjonctif occidental et la confusion mentale arabe
La bataille de Syrie n’est pas un combat de la démocratie contre une
dictature, mais une combat biaisé de dictatures policées de vernis
occidental contre une dictature basique tant il est vrai que «la
propagande est à la démocratie ce que la violence est à la dictature»
(Noam Chomsky).
La bataille de la démocratie en Syrie se gagnera par les patriotes
Syriens, dans la clarté, et non par de mercenaires dévoyés, dans la
dissimulation. Sinon la bataille ne se gagnera pas et la Syrie se perdra
tant il est vrai que «La liberté d’information est un leurre, si
l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce n’est pas les
faits eux-mêmes qui font l’objet du débat» (Hanna Arendt)
Le triomphe d’une Syrie laïque et démocratique suppose de combattre à
la fois le discours disjonctif occidental et la confusion mentale
arabe. Un discours disjonctif qui module les principes universels en
fonction des intérêts immédiats des Occidentaux, qui consiste à
combattre, par exemple, les Islamistes au Mali et à les soutenir en
Syrie. Une confusion mentale arabe, qui consiste à s’allier, par
exemple, avec ses propres bourreaux pour un gain immédiat au risque
d’accentuer sa propre servitude et compromettre son avenir.
Telles sont les règles de base du combat démocratique. Telle a été
l’ambition que j’ai nourrie dans ma démonstration en formulant le vœu
qu’un large front des forces démocratiques arabes se constitue pour
mener le combat, nécessaire, de la démocratisation du Monde arabe,
contre tous els autocrates arabes, les faussaires, les mystificateurs,
les usurpateurs, tous les fossoyeurs de la cause nationale arabe.
Référence
1-Texte de l’intervention de René Naba à la Conférence Internationale
sur la Syrie qui s’est tenue à Genève les 28 et 29 Janvier prochains, à
l’initiative de l’Institut scandinave pour les Droits de l’Homme et de
la Ligue syrienne pour les Droits de l’Homme. Près de trente-cinq
formations politiques de l’opposition syrienne et une centaine de
personnalités politiques européennes et arabes participeront à cette
conférence dont l’objet est la «Promotion d’un Etat laïc et démocratique
en Syrie». Parmi les participants figuraient notamment deux opposants
syriens de premier plan Haytham Mannah et Michel Kilo, l’économiste Aref
Dalila, le journaliste Fayez Sarra, l’activiste jordanien Leith
Choubeilat, Nader Farjani, Directeur du rapport sur le développement
économique arabe, l’avocat français William Bourdon et le journaliste
anglais Jonathan Steele (The Guardian), ainsi que des syndicalistes
scandinaves.
Animateur du blog www .renenaba.com René Naba, écrivain journaliste
est l’auteur de «Media et démocratie: la captation de l’imaginaire, un
enjeu du XXIe siècle, Golias, automne 2012
2- Syllabus: Liste des idées condamnées par le Pape Pie IX en 1864.
Par analogie, l’ensemble des idées que l’idéologie dominante interdit
d’exprimer.
3- «Analphabètes secondaires», l’expression est de l’allemand Hans
Magnus Eisenberger, auteur de «Médiocrité et Folie» Editions Gallimard
1991. Cf. à ce propos «Aux ordres du Nord, l’ordre de l’information» de
Jacques Decornoy, dans le bimestriel du journal Le Monde « Manière de
voir » N° 74 « Les 50 ans qui ont changé notre monde».
A propos de l’un des organisateurs de ce colloque, Haytham Mannah, à
l’intention du lectorat arabophone pour aller plus loin, voir à ce
propos
http://www.al-akhbar.com/node/175623
dont voici la substance en français: Haytham Mannah et ses compagnons de lutte, dissiper les illusions
Haytham Mannah dispose de trois qualités qui l’habilitent à devenir une personnalité symbolique
- Un combattant de la première heure des Droits de l’Homme
-un patriote syrien à l’attachement inébranlable envers son pays et à sa souverainneté malgré les pressions et sollicitations
-Un intellectuel proche du peuple