ELWATAN-ALHABIB
lundi 30 octobre 2017
 

Affaire Ramadan : l’ombre des réseaux islamophobes





Nouvelles accusations contre Tariq Ramadan : les deux journalistes à l'origine du "scoop" sont liés à Christophe Deloire, un fan de Zemmour proche de la mouvance antimusulmane. Révélations.


Panamza.com
Lundi 30 Octobre 2017


Bienvenue en France, l'une des rares démocraties où un "journaliste" pris en flagrant délit d'affabulation peut continuer à exercer -au point d'être relayé sérieusement par ses confrères. 

Connaissez-vous Jean-Michel Décugis (en bas, à gauche de l'image)? 

Salarié du Parisien et édité par Bernard-Henri Lévy, l'homme à l'origine de la révélation d'une seconde plainte et d'un troisième cas dans l'affaire Ramadan n'est pas exactement un modèle de déontologie journalistique. 




En 2013, Panamza lui avait consacré un long papier. Extraits : 

Jean-Michel Decugis, l'auteur de l'enquête du Point sur "la femme de polygame"… qui s'appelait Adbel. 

Abdel, un fixeur, avait piégé le journaliste du Point pour démontrer que les journalistes ne faisaient pas les vérifications nécessaires quand ils enquêtent sur la banlieue. 

En 2010, le journaliste Jean-Michel Décugis, assisté par une Sonia Imloul devenue depuis bouc émissaire de l'affaire, a bel et bien trompé -lui et ses deux co-auteurs- les lecteurs du journal en leur laissant penser qu'il avait rencontré ce personnage inventé de toutes pièces par Abdel El-Otmani. 

Il s'agissait d'un entretien réalisé par téléphone : Jean-Michel Décugis, "spécialiste des banlieues" selon Laure Adler, avait même décrit, dans son article intitulé "Un mari, trois épouses", le visage "légèrement scarifié" de cette femme. 
Le PDG du magazine n'avait pas condamné la malhonnêteté du procédé: pour Franz-Olivier Giesbert, il s'agissait simplement d'un "mauvais concours de circonstance", voire d'un "coup monté". L'Edition Spéciale de Canal+ avait également manifesté sa solidarité envers Le Point, présenté comme une victime de l'affaire. Même défense corporatiste pour l'hebdomadaire L'Express et le site Slate. Comble de l'ironie, la posture victimaire fut adoptée par Jean-Michel Décugis lui-même qui menaça plusieurs médias de porter plainte pour "diffamation". Le quotidien belge Le Soir avait pourtant posé la bonne question : "De fait, qui est le plus à plaindre, le journaliste piégé ou les lecteurs Point?" 

A l'inverse des sauveurs du Point, le sociologue Eric Fassin avait salué cette "ingénieuse supercherie" tandis que l'avocat Gilles Devers avait fustigé le magazine qui "nous roule dans la farine". 

Outre le racolage de ses couvertures islamophobes, Le Point est coutumier, comme le rappelle fréquemment le site Acrimed, de petits arrangements avec la vérité sous prétexte, parfois, de contacts privilégiés avec des sources policières. 

Quant à Jean-Michel Décugis, "grand reporter" présenté -sans rire- par Rue89 (sous la plume de l'une de ses anciennes élèves) comme un "enquêteur sérieux", l'auteur de ces lignes peut témoigner d'un incident révélateur à son sujet. Au printemps 2008, je suivais un cours relatif à "l'écriture journalistique" et dispensé par l'intéressé au Centre de Formation des Journalistes de Paris. Mon choix de sujet s'était porté sur le cas de ces immigrés clandestins, tel Baba Traoré, qui trouvaient la mort en fuyant la police. Lors de nos corrections, Jean-Michel Décugis ne cessait d'altérer certaines informations de mes papiers : ainsi, tel patronyme ne lui convenant pas, il décidait d'en changer. Même chose pour l'âge, le métier ou la ville de résidence des personnes interrogées. Il fallait être "efficace" et ne pas s'embarrasser d'une quelconque rigueur que personne ne viendrait vérifier derrière. Au début, j'avais cru que son intention consistait à tester la résistance et l'aplomb de ses étudiants avant de m'apercevoir qu'il nous encourageait bel et bien à ne pas nous soucier des détails, pourvu que l'article rédigé soit captivant. Le sensationnel au détriment du réel, en somme. 

Mon refus nous a conduit à une altercation verbale. A ma grande surprise, tous les autres étudiants de ce cours se sont pliés sans rechigner à la méthode Décugis. Si certains ironisaient dans les couloirs sur la malhonnêteté du procédé, la plupart n'y trouvaient simplement rien à redire. Pour cause : ce cours faisait l'objet d'une notation supervisée par Christophe Deloire, alors directeur du CFJ et actuel patron de Reporters sans frontières. Celui-ci avait fait venir le journaliste au CFJ pour le simple motif que ce dernier était auparavant son camarade à la rédaction du Point. Comme Décugis, Deloire aime les sujets sensationnalistes, quitte à déformer la réalité comme l'illustre son "enquête", chaleusement recommandée par l'ex-Frontiste Bruno Mégret et intitulée "Les islamistes sont déjà là". 

Si Jean-Michel Décugis n'a pas été sanctionné pour son bidonnage sur la "femme du polygame", contrairement à ce qui se serait produit en Angleterre ou aux Etats-Unis, la raison en est simple: aux yeux de nombreux cadres journalistes de l'Hexagone, l'important n'est pas de "tricher" mais de savoir justifier son éventuel recours au mensonge. 

Panamza avait également évoqué en 2015 le cas de son ami (à droite de l'image ci-dessus) : le zemmourien Christophe Deloire, défenseur zélé de la version officielle du 11-Septembre, aujourd'hui à la tête de Reporters sans frontières. Extraits : 

Christophe Deloire avait antérieurement participé –en 2006- à un colloque international sur le "fascislamisme" organisé par le neoconservateur américain Frank Gaffney, ex-conseiller de George Bush et islamophobe ultra-sioniste proche du Likoud israélien. 

Ami (de longue date) de Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié (tous deux ex-collaborateurs occultes de la DGSE et de la DCRI mais également de la nébuleuse sioniste américaine), Christophe Deloire est aussi celui qui avait lui-même occulté, en tant que patron de RSF, l'implication des services secrets français et israéliens dans l'espionnage du web. 

Détail intéressant : le scoop de Décugis relatif à la seconde procédure judiciaire contre Ramadan avait été simultanément partagé par le quotidien Le Monde dont la journaliste-pigiste Besma Lahouri a également affirmé avoir pu consulter le dépôt de plainte. 

Et qui est Lahouri (dans l'image ci-dessus)? 

Une amie intime de Deloire. 

En 2008, l'auteur de ces lignes -alors étudiant au CFJ, avait observé Deloire, par ailleurs éditeur à Flammarion (et déjà hostile à Ramadan comme en témoigne son livre), se vantant de préparer un gros coup contre le footballeur Zinedine Zidane. L'instrument de la manoeuvre : un livre de Besma Lahouri. 

À son arrivée au CFJ (en janvier 2008), Deloire avait d'ailleurs tendance à vouloir sonder, tantôt habilement tantôt grossièrement, mes opinions politiques quant à l'islam, Charlie Hebdo ou Tariq Ramadan. L'objectif -maladroitement transparent- de l'individu alors réputé proche des "services" (notamment de la DGSE) : vérifier si ses élèves d'origine afro-maghrébine étaient de potentiels bons petits soldats du journalisme à la française ou de dangereux islamo-gauchistes susceptibles d'embarrasser un jour les autorités et les cercles atlantistes du pouvoir. 

Bref : il ne s'agit pas ici d'aborder l'instrumentalisation du scandale Ramadan (voir le one-man-show Hassen Chalghoumi) ou la sincérité (ou pas) des plaignantes mais de souligner l'homogéneité idéologique (pro-Israël, anti-islam, connexions politiques et policières) des avocats et des "journalistes" (telle la désinformatrice pro-israélienne Caroline Fourest) qui s'avèrent être à la pointe de "l'info" sur le cas Ramadan. 

Affaire à suivre…(bientôt, de nouvelles infos sur Panamza). 

HICHAM HAMZA 
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http://www.panamza.com/291017-ramadan-reseaux-islamophobes/ http://www.panamza.com/291017-ramadan-reseaux-islamophobes/

En savoir plus sur http://www.alterinfo.net/Affaire-Ramadan-l-ombre-des-reseaux-islamophobes_a133987.html#8G2QmVHAF0hxv8TG.99
 
samedi 28 octobre 2017
 

Appelons un chat un chat: l’Etat juif est un Etat d’apartheid






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Appelons un chat un chat: l’Etat juif est un Etat d’apartheid
Je n’ai pas le temps de commenter. Je dirai simplement que l’article que je vous propose est intéressant, non par ce qu’il nous apprend ou par la thèse qu’il développe mais par le fait que celui qui veut appeler un chat un chat est Neil Macdonald, un journaliste canadien reconnu qui s’exprime dans un important média, où il assume la fonction d’éditorialiste [ce qui n’est pas rien dans la presse anglo-saxonne). Ce média, c’est la Canadian Broadcasting Corporation, l’équivalent de feu l’ORTF en France.
Il va sans dire que seul un professionnel dont la carrière est déjà faite peut de permettre ce genre d’article.

Ne parlons plus de ‘terrain glissant’ – Israël est déjà un Etat d’apartheid : Neil Mcdonald

Depuis l’élection de Donald Trump, la colonisation se poursuit avec un enthousiasme renouvelé
par Neil Macdonald, CBC News (Canada)
Le moment est venu d’appeler un chat un chat. Il est temps d’être d’accord avec une longue liste de leaders politiques, universitaires et personnages publics israéliens de droite comme de gauche, dont trois anciens premiers ministres, un lauréat du prix Israël, deux anciens chefs du service de sécurité intérieure israélien, le Shin Bet, et un des principaux journaux du pays qui ont tous prévenu que l’Etat juif était en train de devenir, ou est déjà, un Etat d’apartheid.
Je choisirais cette dernière caractérisation.
Il est intéressant de constater que, dans le discours israélien, cette affirmation semble être devenue routinière, alors qu’elle reste sulfureuse en Occident, où des activistes pro-israéliens consacrent beaucoup d’anergie à scruter les médias, le monde universitaire et le discours politique, prêts à accuser d’antisémitisme ou d’incitation [à l’antisémitisme] dès que ce mot est utilisé.

Songez à l’indignation et au venin dont a été accablé l’ancien Président Jimmy Carter, sous les auspices duquel l’accord de paix entre l’Egypte et Israël avait été signé, quand il a intitulé son livre de 2006 « Palestine: la Paix, pas l’apartheid. »
Soudainement, Carter était passé du statut de lauréat du prix Nobel de la paix et d’homme d’État à celui de vieil homme sous l’emprise des terroristes, du moins aux yeux des partisans d’Israël, dont une fraction importante de ses propres troupes, les Chrétiens évangéliques américains.
Un chat est un chat
Mais la réalité est la réalité, et un chat un chat. Comme l’avait dit feu Yossi Sarid, longtemps dirigeant du parti israélien Meretz et ancien ministre de l’éducation : « Ce qui agit comme un apartheid, est gouverné comme un apartheid et harcèle comme un apartheid, n’est pas un chat – c’est l’apartheid. »
En juin dernier, l’ancien premier ministre israélien Ehud Barak a réaffirmé la position qui est la sienne depuis des années : « si nous continuons à contrôler l’ensemble du territoire de la Méditerranée au fleuve Jourdain où vivent quelque 13 millions de personnes – huit millions d’Israéliens et cinq millions de Palestiniens… si une seule entité gouvernait toute cette région, nommée Israël, elle deviendrait inévitablement – c’est le mot clef, inévitablement – soit non juive, soit non démocratique. » Le pays est, répétait-il, « sur une pente glissante » qui se terminera en apartheid.
La ligne de séparation entre les personnalités israéliennes qui utilisent le terme ici et maintenant, plutôt que comme un avertissement pour ce qui pourrait arriver, semble porter sur la persistance d’un « processus de paix », avec sa promesse d’un Etat palestinien et son autogouvernement.
Et à l’époque où j’étais en poste à Jérusalem pour CBC News à la fin des années 1990, cela semblait vraiment de l’ordre du possible, même si c’était peu probable.
Depuis lors, le processus de paix – jamais enthousiaste – s’était complètement effondré. L’expansion des colonies juives en Cisjordanie s’est poursuivie et, depuis l’élection de Donald Trump, la colonisation s’est accélérée connaissant un regain d’enthousiasme.
Leur existence est en fait saluée à chacun de ses déplacements par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
« Nous sommes ici pour rester, pour toujours, » a-t-il déclaré il y a deux mois dans la colonie de Barkan où il commémorait le 50ème anniversaire de l’occupation de la Cisjordanie par Israël.
« Il n’y aura plus de démantèlement de colonies sur la terre d’Israël. » (La « Terre d’Israël » par opposition à l’Etat d’Israël est un terme utilisé par la droite israélienne pour parler du territoire situé entre le Jourdain et la méditerranée, et parfois même au-delà).
Ayelet Shaked et Naftali Bennett, respectivement ministres israéliens de la justice et de l’éducation, ont dit que les Palestiniens devaient comprendre qu’ils n’auront jamais un Etat. Le ministre de la défense, Avigdor Lieberman, lui-même colon, a dit qu’il n’y avait « aucun espoir » d’un Etat palestinien sur lequel il y aurait accord mutuel, mais il a mis en garde Naftali Bennett contre la promotion d’une annexion pure et simple :
« Ce que Bennett et son parti Foyer Juif proposent est un état binational classique », a déclaré Liberman il y a deux ans. « Ils doivent décider s’ils parlent d’un Etat binational entre le Jourdain et la Méditerranée … ou s’ils parlent d’un Etat d’apartheid ».
Sous-classe palestinienne
La logique de Lieberman semble être que tant que les Palestiniens sont simplement occupés et gouvernés par un ensemble de lois différent, avec beaucoup moins de droits que les Israéliens (par opposition au fait de leur refuser un Etat mais de leur donner le droit de vote dans une version élargie d’Israël, ce que la droite israélienne considère comme un suicide national), alors ce n’est pas vraiment l’apartheid.
Mais à ce stade l’annexion consisterait simplement à officialiser un fait accompli.
Ces dix dernières années, la doctrine du « Mur d’acier » de Ze’ev Jabotinsky a donné naissance à un véritable mur, parfois en acier, qui court à peu près le long des frontières de 1967 de Gaza et de la Cisjordanie. Les principales routes depuis Jérusalem vers Ramallah et Naplouse au nord, et vers Bethléem et Hébron au sud sont désormais coupées par des barrières fortifiées gigantesques. Les colons juifs, environ 750 000 personnes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ont une liberté complète de mouvement sur des routes qui leur sont réservées et sont effectivement interdites à la sous-classe palestinienne privée de ses droits.
Les colons soupçonnés de crimes jouissent de tous leurs droits devant les tribunaux israéliens ; les Palestiniens subissent les tribunaux militaires, l’emprisonnement pour une durée indéfinie sans inculpation (« détention administrative ») et les punitions collectives. Les colons ont le droit de porter des armes et de s’en servir en auto-défense; pas les Palestiniens. Les colons jouissent du droit de propriété. Les palestiniens revendiquent leurs propriétés. Et cetera.
Netanyahou présente tout cela comme une question de survie nationale, avertissant que toute terre concédée sera immédiatement occupée par des terroristes fondamentalistes déterminés à détruire l’État d’Israël, avec ses armes nucléaires, ses chars, ses avions de combat, ses systèmes de défense antimissile et ses plus 600 000 soldats d’active et troupes de réserve.
Sa définition du terrorisme est nuancée; lors d’une manifestation commémorant il y a quelques années le 60ème anniversaire de l’attentat à la bombe de l’hôtel King David par des combattants de l’Irgoun, considéré comme un acte terroriste par le gouvernement britannique, Netanyahou a qualifié les auteurs de combattants militaires légitimes et a prévenu le gouvernement britannique indigné de surveiller son langage.
Mais dès lors, une vision du monde élastique est apparemment nécessaire pour maintenir le statu-quo; quand le Fatah de Mahmoud Abbas a signé récemment un accord de réconciliation officielle avec les « terroristes » du Hamas qui gouvernent Gaza, Israël et les Etats-Unis s’y sont opposés, affirmant qu’une telle entente met en danger, mais oui, le processus de paix. Le fait que les terroristes actuels tendent à devenir les hommes d’État de demain (les poseurs de bombes de l’Irgoun rejoignirent le gouvernement israélien naissant et l’ancien chef de l’Irgoun, Menahem Begin, devint Premier ministre) n’est apparemment pas pertinent dans ce contexte.
En tout cas, la pente glissante dont parlait Ehud Barak est maintenant dans le rétroviseur. Le chat de Yossi Sarid est arrivé. Reconnaissons ce fait, laissons tomber les faux-semblants et avançons.


traduit de l’anglais par Djazaïri
source:https://mounadil.wordpress.com/2017/10/27/appelons-un-chat-un-chat-letat-juif-est-un-etat-dapartheid/

En savoir plus sur http://reseauinternational.net/appelons-un-chat-un-chat-letat-juif-est-un-etat-dapartheid/#gm2lXydH05PqSwZR.99
 
vendredi 27 octobre 2017
 

Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou : « L’“État islamique” sera de plus en plus un phénomène occidental »






ENTRETIEN RÉALISÉ PAR PIERRE BARBANCEY
MARDI, 24 OCTOBRE, 2017
L'HUMANITÉ
Chassé de Raqqa (Syrie), le 17 octobre, l’« État islamique » a déjà commencé sa mutation. Photo : Erik De Castro / Reuters
Chassé de Raqqa (Syrie), le 17 octobre, l’« État islamique » a déjà commencé sa mutation. Photo : Erik De Castro / Reuters
Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou publie un ouvrage (1) qui marque une rupture avec les études consacrées jusque-là à Daech, récemment défait à Raqqa. S’intéressant à sa généalogie, ses liens avec al-Qaida, il pointe son immersion dans un monde postcolonial marqué par la violence politique.
Que représentent les chutes de Mossoul et Raqqa pour l’« État islamique » (EI) ?
Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou Professeur d’histoire internationale au Graduate Institute à GenèveMohammad-Mahmoud Ould Mohamedou Un micro-récit tactique surjoué par ses adversaires et moins conséquent que le macro-récit stratégique qui anime le groupe. Le focus médiatisé sur cet épisode retient, à tort, plus l’attention des décideurs politiques au niveau international et régional, et, partant, leurs populations invitées à ne comprendre – c’est-à-dire donc ne pas vraiment comprendre – la question de l’« État islamique » que dans une logique militaire et sécuritaire, là où le problème est sociétal et historique. D’une part, des défaites d’appareils étatiques sont présentées comme des victoires, puisqu’un groupe armé, quelle que soit sa force, n’aurait en réalité jamais dû prendre le contrôle durant trois longues années (de l’été 2014 à l’automne 2017) de villes si importantes et d’aires si larges face à des coalitions internationales si puissantes et des adversaires si farouches (peshmergas, milices chiites, forces paramilitaires irakiennes et syriennes). D’autre part, et de manière plus importante, l’EI avait en réalité déjà entamé une nouvelle transformation avant les épisodes de reconquête de ces villes, relativisant donc plus en avant l’importance de ce récit de « victoire finale ». À la mi-2015, l’EI opère une mutation et se replace de plus en plus dans cet espace transnational (Paris, Bruxelles, Londres…), qui avait été le propre d’al-Qaida de Ben Laden il y a quinze ans, mais en lui donnant, cette fois-ci, une assise locale plus forte avec l’implication de nationaux de ces pays. En se repositionnant aujourd’hui dans l’évanescence du transnational et en reprenant sa place d’insurrection irakienne et syrienne, l’EI va pouvoir marier des dynamiques qu’elle contrôle en réalité bien mieux que la gestion de la chose administrative à Raqqa et Mossoul et jouer sur ce tableau martial avec plus d’agilité. De débâcle, il n’y a en donc en réalité point, simplement un déplacement de terrain.
Le sous-titre de votre ouvrage est « Violence politique et transformation de l’ordre mondial ». Avant d’en venir à la création même de l’EI, comment ces deux notions sont-elles liées ?
Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou Intrinsèquement et historiquement. Au-delà des architectures de construction de la paix mondiale et des dynamiques de « plus jamais ça » d’après-guerre en Europe, l’ordre mondial contemporain est indélébilement fondé sur une violence initiale, à savoir la dépossession coloniale, que l’on a présentée comme ayant été résolue et transcendée mais qui en réalité a été normée et habillée différemment durant la période postcoloniale (exigence de bonne gouvernance, conditionnalités démocratiques, interventionnisme à répétition, injonctions de « stabilité », partenaires sécuritaires/régimes autoritaristes et à terme « guerre contre le terrorisme ») depuis la fin des années 1980, dès que l’interlude de la guerre froide prend fin et que l’on se retourne vers le Sud pour le rediscipliner. Cet ordre est assis dans une nouvelle violence politique, aux forts relents sociaux et économiques, qui est venue s’ajouter dans un contexte postmoderne et postmondialisation. L’émergence, le développement et le futur de l’EI sont plus profondément liés à la symbiose de ces deux ordres fabricateurs de désordre et non pas, comme le débat ambiant en Occident insiste à le faire, à l’islamisme radical ou simplement l’islam à la suite de lectures à la parole raciste de plus en plus libérée et au contenu scientifique absent.
Vous proposez de lire ce qui se passe aujourd’hui à l’aune de l’histoire du monde arabe. On a tendance à parler aujourd’hui de « monde arabo-musulman ». Est-ce juste  ?
Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou En réalité, j’invite plus à une lecture de l’EI comme une organisation qui sera de plus en plus occidentale… À l’évidence, ces deux dimensions arabe et musulmane sont importantes pour l’EI mais elles se jouent sur des temporalités différentes. Au départ, le géniteur de l’EI est une organisation, al-Qaida, qu’Oussama Ben Laden porte à une dimension transnationale (arabe, asiatique, africaine et européenne) qui dépasse à la fois le tropisme arabe, et ceci est important puisque le leadership originel est saoudien (Ben Laden), égyptien (Aymen El Zawahiri) et palestinien (Abdallah Azzam), et à une dimension confessionnelle puisque Ben Laden refuse explicitement d’attaquer les chiites en Irak (et Zawahiri intime à Abou Moussab El Zarkawi d’arrêter de le faire en 2006). Ce mouvement d’islamisme radical mondialisé est présent à la naissance de l’EI en Irak, mais, par la suite, et dans le contexte des conflits en Syrie et en Irak, la question identitaire émerge, également avec l’arrivée de combattants d’autres pays arabes (tunisiens, saoudiens, libyens…), et les dirigeants des factions du groupe en Irak et en Syrie sont de plus en plus motivés par un retour au local et à des questions néo-baasistes (référence aux partis Baas rivaux de Bachar Al Assad à Damas et Saddam Hussein à Bagdad – NDLR) et tribales. Le rajout des combattants étrangers venus d’autres régions renforce paradoxalement cet aspect identitaire censé avoir été transcendé au sein d’une communauté de religion. Il y a de plus des références chez Ben Laden à la mythologie guerrière de l’histoire arabe et musulmane, que l’on retrouve ensuite mises en scène avec l’EI.
Vous dites qu’al-Qaida est arrivé à son but et a muté. Pourquoi existe-t-il encore des groupes se revendiquant de cette organisation ?
Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou Comprenons que ce que Ben Laden a cherché à mettre en place, c’est non pas une organisation mais un mouvement ; très précisément une « base » (qaida en arabe) pour mener le combat transnationalement. Il est, à cet égard, révélateur que le nom initial du groupe en 1988 soit al-Qaida al-Askariya (la base militaire). Ce projet de violence politique, mise à jour par le biais d’une militarisation résultant de l’expérience en Afghanistan durant le conflit avec l’Union soviétique durant les années 1980, est ensuite patiemment travaillé durant les années 1990, culminant avec les attentats du 11 septembre 2001. Au lendemain de ce premier acte, le groupe entame une deuxième période durant laquelle il dissémine son action – c’est l’époque des franchises régionales en Afrique du Nord, au Golfe et en Irak, notamment – afin de l’inscrire dans la durée et peser, façon Sun Tzu (général chinois du VIe siècle av. J.-C., auteur de l’ouvrage de stratégie militaire le plus ancien connu, l’Art de la guerre – NDLR), sur ses adversaires en élargissant son champ d’action. Enfin, dans un troisième moment, et en se rendant paradoxalement elle-même obsolète, al-Qaida passe de facto le bâton à une de ces franchises, l’EI, qui la dépasse et la déplace. Au final, si les groupes tels al-Nosra (désormais Jabhat Fatah al-Sham) en Syrie ou Aqmi au Maghreb se réclament d’al-Qaida, c’est bien en réalité cet EI formellement en compétition avec elle, et dont Zawahiri dénonce en 2013 le coup de force, qui est son véritable héritier.
Comment en est-on arrivé à l’EI ?
Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou Le déficit de théorisation de l’EI dans les sciences sociales est le pendant du marketing réussi médiatiquement et politiquement de la guerre contre le terrorisme. À ne parler que « terrorisme », « sécurité », « radicalisme » et « extrémisme », l’université a perdu de vue l’essentiel ici, à savoir l’analyse de l’histoire et l’élaboration de la conceptualisation. Lorsque ce groupe apparaît en avril 2013 en tant qu’« État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) puis devient l’« État islamique » en 2014, le récit précédemment adopté en 2001 pour al-Qaida est remis en selle et le seul tropisme qui est mis en avant est celui de la nouveauté et de la dangerosité. Aussi l’on manque de voir deux notions essentielles à notre compréhension de l’histoire de ce mouvement et, partant, de la nature de la violence mondialisée contemporaine. Premièrement, la filiation par rapport à al-Qaida est complexe et dénote à la fois un remplacement générationnel, comme on l’a noté, mais également une redéfinition du projet, en ce sens que le recentrage territorial et la contiguïté de l’EI s’opposent à la fluidité d’al-Qaida. En se « rebootant » ainsi, l’EI offre un nouveau produit plus fort et une destination circonscrite à sa soldatesque, là ou al-Qaida leur demandait un travail d’auto-organisation (la cellule de Hambourg, les franchises, etc.) différent. La seconde idée essentielle est celle de la nature hybride de l’EI. J’identifie dans mon ouvrage sept identités différentes du groupe : héritier d’al-Qaida, insurrection islamiste irakienne, rébellion militaire irakienne néo-baasiste, soulèvement syrien post-2011, groupe islamiste régional, mouvement transnational islamiste et, aujourd’hui, tremplin pour des individualités occidentales radicalisées diverses.
Comment ce mouvement transnational généré par al-Qaida a pu se traduire par la suite par des départs massifs notamment de l’Europe vers les territoires tenus par l’EI ?
Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou Du maelström des deux conflits au Levant, en Irak et en Syrie naît en 2012-2013 un vortex qui s’installe comme une nouvelle destination pour les islamistes radicaux. À la perte du leader Ben Laden, un an et demi plus tôt, et celle de compétitivité de la marque de son organisation se substituent non pas une nouvelle figure mais un espace et un projet nouveau mené par l’entité de remplacement/déplacement qu’est l’EI. Ce qui se passe par la suite est un phénomène unique et dont il faut prendre l’ampleur, non pas simplement de façon sécuritaire mais historique. Des milliers de personnes émigrent de par le monde, littéralement du Chili à la Chine, vers un double lieu (Raqqa-Mossoul) à cheval sur deux pays et géré par un groupe armé aux velléités d’étatisation. On peut noter trois facteurs qui se rejoignent en ce sens : le momentum de l’après-Ben Laden, qui est un moment d’émancipation pour sa soldatesque, le projet ultramédiatisé et mondialisé de l’EI, et la nature déjà internationalisée des conflits en Irak depuis 2003 et en Syrie depuis 2011.
Faut-il prévoir une mutation de l’EI comme cela s’est passé pour al-Qaida ?
Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou Elle est déjà entamée. Mais cette mutation ne va pas cette fois-ci se situer à un niveau d’évolution linéaire prévisible du type « État islamique 2.0 » avec des tentatives de remettre en selle ce qui sera perdu à Mossoul ou à Raqqa. Chaque nouvelle génération de groupe terroriste apprend de la précédente. De la même manière que l’EI a transformé le modèle al-Qaida, l’EI à venir sera qualitativement différent. Cette différence viendra d’un approfondissement de deux caractéristiques naissantes et qui vont éclore plus complètement, à savoir l’hybridité de l’entité et sa nature proto-occidentale. Les différentes identités de l’EI vont pouvoir accommoder d’autres sous-versions, régionalisées à l’image des wilayas (« départements ») en Libye, au Sinaï, au Nigeria, mais également de nouvelles interprétations simplement inspirées par l’EI et plus précisément par sa mécanique et son imagerie. À ceci s’ajoutera fort probablement un déplacement de cette violence vers les mégalopoles urbaines über-« tribalisées » en Occident. Le drapeau de l’EI sera ainsi plus important que l’EI, en un sens. Un symbole de rébellion extrême, un vecteur de violence et un épouvantail sanglant dans la cité postmoderne.
Votre dernier chapitre s’intitule « Le boomerang du colonialisme ». La clé réside-t-elle dans la fin des politiques néocoloniales ? La politique de reconstruction qui se prépare ne porte-t-elle pas en germe une nouvelle forme de dépendance économique ?
Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou Le silence sur l’épisode colonial dans le commentaire sur le terrorisme contemporain est le texte. Depuis 2001, une lecture anhistorique et culturaliste a abouti à une forme de simplification à l’extrême d’une séquence historique de violence qui, à l’évidence, a un soubassement colonial et postcolonial conséquent. Faire l’impasse sur ceci, comme on le fait en France et au Royaume-Uni notamment, est plus qu’une cécité ; c’est précisément une posture révélatrice d’un évitement d’une histoire en passe de rattraper ces pays. Or, réellement traiter le terrorisme dans les zones de conflits, tel le Levant ou le Sahel, c’est effectivement marquer une rupture avec cette dépossession à ne pas en finir qui s’y joue avec toujours de nouveaux visages mais avec des intérêts économiques et stratégiques familiers.
(1) À paraître le mois prochain : A Theory of Isis – Political Violence and the Transformation of the Global Order (Une théorie de l’« État islamique » – Violence politique et transformation de l’ordre mondial, non traduit ), Pluto Press, Londres et University of Chicago Press, États-Unis.
 
mercredi 25 octobre 2017
 

Extrême-Droite: philosémitisme et islamophobie






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Extrême-Droite: philosémitisme et islamophobie
La digue intellectuelle et morale qui contrariait la montée de l’extrême-droite en Europe est en passe d’être bientôt contournée, voire retournée par les partis représentatifs de ce courant de pensée.
Cette digue, c’était l’antisémitisme professé plus ou moins ouvertement par ces mouvements, un antisémitisme qui n’avait en principe plus droit de cité depuis la deuxième guerre mondiale et la déportation quasi-systématique des Juifs européens par le Troisième Reich.
Cette marginalisation de l’extrême-droite était-elle basée sur un principe humaniste intangible, à savoir l’égalité foncière de tous les hommes, qui avait été bafoué par le régime nazi ? Ou reposait-elle sur la stigmatisation d’un crime contre une population particulière sans qu’il en découle un principe général applicable à toutes les populations minoritaires ?
On a longtemps pu croire à la réalité du principe intangible. Mais ces dernières années nous ont au contraire apporté la preuve, s’il en fallait une, que tel n’était pas le cas et que c’est au contraire le caractère relatif du souvenir du sort des Juifs qui prévaut.
Cette démonstration nous est apportée par l’évolution de l’extrême-droite européenne qui a renoncé, à un rythme différent selon les pays, à l’antisémitisme qui le caractérisait, pour passer au « philosémitisme », tout en élaborant son discours islamophobe.
En soi, cela ne suffit pas à gagner des électeurs. Mais ça suffit à vous ouvrir la porte des studios des radios et des télévisions sans lesquels les messages politiques restent lettre morte dans les sociétés de communication de masse que sont les nations occidentales.
L’islamophobie n’a par contre évidemment pas cette vertu d’endiguement que possède l’antisémitisme.
L’article que je vous propose fait le point sur cette thématique du nouveau philosémitisme et de l’islamophobie qui caractérisent l’extrême-droite européenne actuelle.
On reprochera peut-être à l’auteur sa grande naïveté, ou pseudo naïveté car si je veux bien croire que l’extrême droite instrumentalise les juifs et le sionisme à ses propres fins, il aurait peut-être dû se poser la question du rôle du lobby sioniste et de l’entité sioniste elle-même dans l’ascension de l’extrême-droite et dans la promotion des discours islamophobes produits dans des cercles qui vont au-delà de cette mouvance politique.
Ce qui vaut pour l’Europe vaut aussi pour ses développements américain et australien.

La montée de la nouvelle extrême-droite : les ‘philosémites’ européens utilisent les Juifs pour combattre les Musulmans

L’extrême-droite redéfinit les Juifs comme les ‘victimes exemplaires de la menace de l’Islam,’ ainsi que l’affirme un analyste, le soutien à Israël en étant le corollaire. Mais l’antisémitisme reste très présent.
Par Michael Colborne, Haaretz (Sionistan) traduit de l’anglais par Djazaïri
Il y a près d’une trentaine d’années, Heinz-Christian Strache était arrêté lors d’une marche aux flambeaux avec une organisation inspirée de la Jeunesse Hitlérienne. Mais ces jours-ci, le dirigeant du mouvement autrichien d’extrême droite Parti de la Liberté, – qui, après le scrutin de dimanche, devrait entrer dans le nouveau gouvernement de droite de l’Autriche – a l’air de vouloir devenir le meilleur ami d’Israël.
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Heinz-Christian Strache du FPÖ (Parti de la Liberté Autricien)
Heinz-Christian Strache du FPÖ (Parti de la Liberté Autricien)
Strache s’est rendu à plusieurs reprises en Israël au nom du Parti de la Liberté, mais les responsables gouvernementaux d’Israël ont évité de rencontrer le chef d’un parti dont le premier dirigeant était un ancien officier SS. Strache a même écrit au Premier Ministre Benjamin Netanyahou plus tôt dans l’année, promettant de transférer l’ambassade d’Autriche de la banlieue de Tel Aviv vers Jérusalem, et de soutenir le droit d’Israël à construire dans les colonies de Cisjordanie.
Israël a « le droit de construire partout où c’est nécessaire sur la terre d’Israël, » écrivait Strache.
Strache est loin d’être le seul leader européen d’extrême droite qui soit perçu comme étant devenu un adepte du prétendu philosémitisme. Selon Geert Wilders, porte-drapeau des islamophobes néerlandais, Israël est « la première ligne de défense de l’Occident » contre l’islam. Selon sa propre compte, Wilders a visité Israël plus de 40 fois. En France, la dirigeante du Front National d’extrême droite, Marine Le Pen, a déclaré aux membres de la plus importante communauté juive d’Europe que son parti était «le meilleur bouclier pour vous protéger».
Mais que ce soit en Autriche, en Allemagne, en France ou même en Bulgarie – où un parti ouvertement d’extrême-droite fait partie du gouvernement depuis mai – les dirigeants d’extrême droite utilisent les communautés juives, réelles ou imaginaires, comme des instruments pour diaboliser les musulmans et les autres minorités.
Cette évolution des extrémistes de droite vers le philosémitisme est cependant en grande partie une nouveauté, compte tenu en particulier du fait que beaucoup de ces partis comportent encore beaucoup d’éléments antisémites qui ne cessent de se manifester.
« Les positions pro-israéliennes et le philosémitisme sont relativement récents au sein de la droite radicale européenne, même pour la partie occidentale de l’Europe », a déclaré à Haaretz par courrier électronique Cas Mudde, professeur de sciences politiques à l’Université de Géorgie (USA).
Mudde, qui étudie les mouvements d’extrême droite en Europe, note également que les partis d’extrême droite comme le Parti de la liberté et le Front national qui ont adopté des positions philosémites «les ont développées dans le cadre de leur programme islamophobe».
Il y a plus de dix ans, Mudde écrivait dans une étude sur les partis populistes de la droite radicale en Europe, soulignant la position de nombreux extrémistes de droite sur les Juifs. Les Juifs, dit Mudde, sont considérés comme incarnant une modernité à défendre. D’autre part, l’importante minorité Rom d’Europe est considérée comme une population barbare vivant en marge de la modernité, tandis que les Musulmans sont considérés comme des barbares vivant dans la modernité – l’ennemi déjà présent à l’intérieur, selon l’extrême droite.
Par conséquent, le «tournant philosémite» de nombreux partis d’extrême droite, selon les mots du sociologue Rogers Brubaker, provient directement des préoccupations de ces partis à l’égard de l’islam. Ecrivant plus tôt cette année, Brubaker soutient que l’extrême droite en est venue à redéfinir les juifs en tant que «Européens» et «victimes exemplaires de la menace de l’islam»
L’antisémitisme fait encore rage
Mais tout le monde dans ces nouveaux partis philosémites ne semble pas avoir reçu la consigne. Avant les élections présidentielles françaises d’avril et de mai, Marine Le Pen a dû repousser les accusations selon lesquelles deux de ses compagnons de route étaient des sympathisants nazis qui organisaient des soirées «pyjama rayé» – en référence aux vêtements que les Juifs étaient obligés de porter dans les camps de concentration.
En Autriche, Strache fait semblant de dénoncer l’antisémitisme qui règne encore dans son parti ; ce mois-ci, il a dû suspendre un conseiller local du Parti de la Liberté qui a fait un salut nazi. En plus de cela, des militants autrichiens ont récemment publié une liste de ce qu’ils disent être plus de 60 incidents antisémites et racistes impliquant des personnalités du Parti de la liberté depuis 2013.
« S’il [le Parti de la Liberté] a vraiment changé d’idéologie, est une question à laquelle lui seul peut répondre, » a déclaré la politologue Alexandra Siegl à l’Agence France-Presse.
Mais parfois le masque semble glisser un peu. Quelques jours avant le vote autrichien qui a vu le Parti de la Liberté égaler son meilleur résultat, Strache a interrogé les motivations de l’un des donateurs du futur Chancelier Sebastian Kurz – l’homme d’affaires juif Georg Muzicant, fils de l’ancien président de la communauté juive de Vienne.
Strache a déclaré que le soutien financier de Muzicant pour Kurz était une preuve de Verstrickungen – enchevêtrements – un mot dans ce contexte impliquant une conspiration juive. Pour sa part, Kurz a déclaré que les commentaires de Strache étaient « déshonorants », bien qu’il semble toujours susceptible de former un gouvernement de coalition avec lui.
Fort en Bulgarie
En Bulgarie, sur les frontières souvent oubliées de l’Europe, un parti d’extrême-droite siège déjà dans un gouvernement de coalition – un parti qui utilise l’expérience de la Bulgarie pendant l’Holocauste pour attaquer les minorités les plus dénigrées du pays.
Les Patriotes Unis de Bulgarie, une coalition de trois partis d’extrême-droite, se sont frayés un chemin jusqu’au gouvernement après que les élections de cette année ont laissé le Premier Ministre Boyko Borisov, qui sortait de son troisième mandat, sans autre partenaire possible pour une coalition.
Patriotes Unis et leurs dirigeants islamophobes et anti-Roms sont de fiers promoteurs du rôle de la Bulgarie dans la sauvetage des Juifs des camps de la mort en Allemagne. En mars 1943, Boris III, le roi de la Bulgarie alliée aux nazis, refusa que les 50 000 Juifs bulgares soient déportés dans les camps. Presque tous ont survécu à la guerre et, avec le temps, sont partis pour Israël.
Aujourd’hui, il y a à peine 2 000 Juifs en Bulgarie et seulement deux synagogues an activité. Pourtant, les leaders de la communauté juive ont alerté cette année sur une augmentation des propos et des incidents antisémites, notamment la destruction de pierres tombales juives dans le cimetière central de Sofia le mois dernier et des manifestations en mémoire d’un général nazi notoire, Hristo Lukov.
Rien de tout cela n’a découragé les patriotes unis.
« Les Juifs en Bulgarie sont un exemple d’intégration réussie », a déclaré un député de Patriotes Unis au parlement bulgare à l’occasion de Rosh Hashanah, en lisant une déclaration du parti. Les Juifs, a déclaré le député, sont « un exemple que tous les groupes minoritaires de notre patrie devraient suivre », faisant un reproche subtil aux Roms et aux Turcs de Bulgarie, qui représentent ensemble près de 20% de la population bulgare.
Mais l’approche de l’histoire des Juifs en Bulgarie par Patriotes Unis occulte quelques points essentiels. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Juifs bulgares ont été forcés de porter des étoiles jaunes, de respecter des couvre-feux stricts et de remettre bijoux et autres objets de valeur. Et pendant la guerre, la Bulgarie a occupé la Macédoine, la Thrace et une partie de la Serbie – et n’a rien fait pour empêcher 11 000 juifs de ces régions d’être envoyés à la mort.
Ce n’est pas quelque chose dont Patriotes Unis aime parler.
Dans une déclaration, le parti a affirmé qu’aujourd’hui « les ennemis de la Bulgarie, activement soutenus par bezrodnitsi  » – un terme poétique pour les gens qui se sont éloignés de la nation – « tentent de lancer une accusation honteuse contre les Bulgares » en attirant l’attention sur ces 11 000 Juifs qui ont été déportés vers la mort.
C’est une attitude qui déconcerte la communauté juive actuelle de la Bulgarie. Tom Junes, historien et membre de la Fondation d’Etudes Sociales et Humaines de Sofia, un think-tank non gouvernemental, a rapporté à Haaretz quelque chose qu’un collègue juif bulgare lui avait dit : « Si j’ai cinq enfants et que tu en tues un, Je suis censé te remercier de ne pas avoir tué les quatre autres?
Patriotes Unis devra s’habituer à entendre plus de questions comme celle-ci. Le 75e anniversaire du refus de Boris III d’expulser les Juifs de Bulgarie tombe en mars, juste au moment où la Bulgarie assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, suivie, par coïncidence, par l’Autriche. Certains des politiciens d’extrême droite les plus fervents d’Europe pourraient se retrouver eux-mêmes et leur philosémitisme ostensible, à être plus observés que ce à quoi ils s’attendaient.
source: https://mounadil.wordpress.com/

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