Du Maroc à l’Iran, 19 pays forment la zone MENA (Middle East and North Africa). Une région absolument névralgique et pour cause.
1 – Israël qui fait partie de la zone, beigne à l’intérieur d’un ensemble de 18 pays musulmans. Il est inutile de revenir sur les modalités de la naissance et les ambitions de ce pays qui, en appui inconditionnel sur ses alliés traditionnels, n’est pas sans jouer directement ou indirectement un rôle majeur dans l’instabilité et l’insécurité de la région. Nonobstant la question centrale palestinienne qui impacte peu ou prou l’ensemble des 18 pays, rappelons à ce sujet l’opération Kadesh de 1956, les deux guerres du Sinaï, les évènements qui ont secoué le Liban ou les guerres en cours en Irak et Syrie principalement.
2 – En deuxième lieu, et parce que cette région embarque près des deux tiers des réserves mondiales de pétrole et la moitié des réserves en gaz, fait d’elle l’objet de toutes les convoitises et notamment de celles des grandes puissances occidentales qui ne font point mystère de leur volonté d‘assoir leur contrôle sur les ressources énergétiques et l’ensemble des voies qu’empruntent les flux de cette richesse stratégique non renouvelable dont la tendance est à l’épuisement. C’est donc dans le contexte du contrôle du détroit d’Ormuz, par lequel transite plus de 30% du trafic mondial des hydrocarbures et de celui de Bab Al Mandeb, l’un des couloirs maritimes le plus fréquenté au monde, qu’il y a lieu d’inscrire pour une grande partie la guerre au Yémen par exemple ou l’instabilité chronique de la corne de l’Afrique porte du Golfe d’Aden.
L’hégémonie occidentale sur l’ensemble des pays de la région ne s’exprime qu’en de rares occasions aussi franchement que ne le furent les conquêtes coloniales du XVI au XVIII ou l’impérialisme du XIX et XXème siècle. Son potentiel militaro-économique couplé à un schéma organique du monde qu’elle a elle-même façonné et imposé au sortir de la 2ème guerre mondiale lui confère aujourd’hui une puissance dominatrice dans une forme jusque-là méconnue dans l’histoire de l’humanité. Cette suprématie s’exerce à distance et à la carte sur les pays de la région et impose ce faisant une conduite ordonnée des affaires des nations. C’est la dictature du 2ème étage.
Parce que ressentie et subie directement à travers une oppression multiforme, la dictature du 1er(étage) est bien visible pour les peuples qui tentent de s’en émanciper. Il s’agit des pouvoirs en place dont la docilité à la dictature du dessus et la maitrise des populaces du dessous garantie une certaine sécurité, stabilité et pérennité. La qualité de cette stabilité et sa durée dans le temps sont généralement proportionnelles au degré de vassalité d’une part et au volume du flux des ressources aspirées par les maitres du dessus, bradés qu’elles sont par ceux du dessous.
Une dictature à double étage s’exerce ainsi sur les peuples. Dans ce cadre, et au même titre que pour l’Afghanistan, l’Irak entre autres, il est tenté en Libye d’imposer un pouvoir servile au niveau du 1er étage et il le sera. Plus compliquée sera la Syrie avec l’introduction d’autres intervenants étrangers dans la problématique. Mais dans tous les cas de figure il y a lieu de retenir que les centaines de milliers de morts et million de blessés et sans abris de ces guerres ont pour objectif la domestication des peuples à travers des pouvoirs vassaux. Pour autant, et sur les deux révolutions populaires réussies, ‘‘la tunisienne’’ fut dévoyée et ‘‘l’égyptienne’’ renversée et de quelle manière, ses dirigeants n’avaient nullement pris en considération, ou ignorait tout simplement l’ascendant des concepteurs du ‘‘full dominance’’ sur certaines institutions névralgiques de leur l’Etat ! A l’exception d’Israël, la liberté, le progrès, la justice sont interdits au peuples de la zone MENA par un ordre mafieux.
Il serait cependant inadmissible et un manquement grave à la vérité de ne pas pointer du doigt la responsabilité managériale pervers des dictatures du 1er qui, au profit d’une infime caste et par la rente, ont totalement affaiblit, disloqué leurs société et économie des décennies durant rendant possible cet ordre esclavagiste du 2ème étage sur eux même et sur leur peuple. Au-delà de la gabegie, d’une corruption pandémique, du retard ou plutôt de l’absence totale de prémices de développement, la mise sous tutelle étrangère de l’avenir des nations arabes et de leurs ressources constitue un crime majeur à imputer à la servitude de ceux du 1er.
Dans ce cadre, et loin de tout charlatanisme politique ou populisme béat est-il possible dans l’immédiatà un des peuples de cette région d’échapper à cette logique fonctionnelle du monde d’aujourd’hui ? Une véritable démocratie (pleine et entière) issue des urnes ou, quand bien même d’une révolution pacifique, est-elle viable actuellement dans les conditions de faiblesse extrême et de dépendance totale des économies et des finances de la grande majorité des pays appartenant à cet espace qu’est le MENA ? Le désastre est immense, il n’a d’égal que la responsabilité des pouvoirs locaux dans cette gigantesque et réelle tragédie de ces peuples pour qui la démocratie est interdite quand bien même lorsque le 1er étage est vaincu. Ceci nous amène très naturellement à penser que de véritables alternatives ne sont point à l’ordre du jour et que les initiatives de l’opposition algérienne par exemple, extrêmement limitées de par ailleurs, dévoilent une immaturité géopolitique réelle ou à défaut une grande appréhension à affronter les faits. Pourtant, il faudrait le croire et s’en convaincre, ILS NE SONT GRANDS QUE PARCE QUE NOUS SOMMES A GENOUX disait Etienne de la Boétie dans son ‘‘discours de la servitude volontaire’’. ALORS LEVONS–NOUS.
A l’intérieur de cet espace, existe au moins cette exception qui confirme la règle, l’Iran. Cette nation résiste non sans douleurs depuis près de 40 ans à toutes les sanctions du deuxième étage chassé qu’il fut par la révolution de 1979. Inutile de s’installer dans un discours sur la méthode, il faut juste reconnaitre et convenir que cette résistance n’est aujourd’hui encore possible que pour deux raisons fondamentales.
1 – Une économie assez consolidée, plurielle, arcbouté sur l’agriculture et l’agroalimentaire, l’artisanat (Tapis persan), l’industrie pétrolière et pétrochimique, de l’armement (Présentation en 2018 d’un avion de combat de fabrication Iranienne, missiles balistiques) de l’automobile, de l’électronique de pointe, des industries aérospatiales etc…
2 – Un front populaire qui associe la grande majorité du peuple iranien à leurs dirigeants.
La confiance entre administrés et administrateurs constitue essentiellement cet axe autour duquel la résistance iranienne puise l’ensemble des ressorts qui lui permettent encore de continuer à faire face aux velléités déstabilisatrices externes. Cette résistance qui s’exprime notamment à travers la solidarité, l’abnégation, l’altruisme qui anime la majorité du peuple est aussi à l’origine de cette formidable poussée qui a fait faire aux Iraniens un bond remarquable dans la maitrise des technologiques avancées. Relever le défi et arriver jusqu’à fissurer une cohésion atlantique, malmenée il est vrai par ‘‘le New Empire’’ comme dirait Peter Dale Scott, ne peut être que l’œuvre d’un peuple qui refuse la soumission. Mourir debout, une qualité très algérienne. Pour autant, et depuis la tribune de l’ONU, le nouveau président US, accentue la pression par de nouvelles sanctions destinées à affamer encore plus la population iranienne qu’il appelle ainsi à se soulever contre le pouvoir en place faisant ainsi la démonstration absolue que la survie ‘‘ du pouvoir iranien’’ est moins entre les mains de son armée qu’entre celles de son peuple, ce qui est valable pour tous les pouvoirs en exercice dans la zone.
Par ailleurs, il faut se persuader que même sous l’opulence, les peuples d’une manière générale n’acceptent pas, ils ne donnent que l’impression d’être soumis au dictat. Dans la grande majorité de la zone MENA, la dichotomie entre dirigeants et populations est réelle. Dormante par endroit, nerveuse dans d’autres, en ébullition ailleurs, l’expression des laissés pour compte attend son heure. Quoi que l’on dise, et compte tenu de toutes les négligences somme toute humaines ayant conduit à leur échec, l’âme des révolutions dites du ‘‘printemps arabe’’ ne constitue pas moins que l’émanation du rejet des dictatures du 1er étage
Il est clair que les évènements en cours en Libye ou l’invasion de l’Irak ne furent rendus possibles que par la dualité large et profonde qui caractérisait les relations entre les peuples et leurs dirigeants. Affirmer que l’unité de la nation constitue fondamentalement le rempart essentiel face aux tentatives de déstabilisation internes pouvant ouvrir les portes aux agressions externes est une évidence. Quels seraient les dirigeants qui ne souhaiteraient bénéficier de cet apport hautement stratégique ? Quel programme de développement global d’un pays pourrait faire l’économie du soutien populaire ?
Compte tenu de ce qui précède, il apparait nettement que la construction d’un front populaire constitue une profondeur stratégique, une carapace essentielle contre les dangers externes et un ressort sans équivalent pour amortir les charges souvent lourdes induites par la mise en œuvre d’un programme de redressement national. Mais pour autant, ce front ne saurait exister juste parce que l’on a voulu qu’il soit, il lui faut son bâti, une structure bien moins technique que politique pour relancer l’espoir, que le bon sens populaire saura évaluer. Pour le moment c’est le brouillard et il est épais. Les mesures de changement opérées, bien qu’importantes, n’éclairent nullement les objectifs poursuivis lorsque le silence se fait autour d’une cacophonie sans précédent d’un exécutif éclaté ou chacun défend son département en enfonçant celui du voisin. L’inexistence de synergie au sein de l’équipage est le fruit de l’incompétence managériale et technique avérée qui justifie l’absence d’un chef d’équipe destiné au cérémonial. Nous savons que les Algériens, du moins en ce qui concerne au moins ceux dont on est proche, suivent avec beaucoup d’attention et surtout de discernement l’évolution politique en cours et assurent qu’ils ne sauraient jamais être loin du peuple, leur vivier naturel.
BERKAT Rachid
DJEDDOU Mayara
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