ELWATAN-ALHABIB
dimanche 18 juin 2017
 

Au cœur de la lutte US pour amender la réputation mondiale d’Israël








À l’ONU, les USA et Israël mènent une campagne d’intimidation dans le but de forcer la réhabilitation du standing international d’Israël.
L’administration Trump emploie des tons de menace sans précédent, ainsi que du « chantage » financier à l’encontre des Nations Unies et de ses agences afin de mettre fin à leur focalisation sur les abus des droits humains commis par Israël, selon des analystes et des dirigeants palestiniens.
Ils accusent les États-Unis de se joindre à Israël dans une campagne d’intimidation dirigée contre le secrétariat de l’ONU et de ses états membres afin de forcer la réhabilitation du standing international d’Israël.
Cette offensive survient suite aux nombreuses années de critiques subies par le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou parmi les cercles diplomatiques, pour avoir refusé de s’engager dans un processus de paix avec les Palestiniens.
Une indication précoce du succès de cette nouvelle campagne, relevée par les analystes, s’est réalisée par l’élection la semaine dernière de Danny Danon comme vice-président du forum le plus représentatif de l’ONU, l’Assemblée Générale.
Danon avait été Ambassadeur d’Israël auprès de l’ONU depuis 2015.
Il est connu pour être un opposant farouche de la solution à deux états et, avant de se diriger vers l’ONU à New York, appelait à l’annexion israélienne de la majeure partie de la Cisjordanie.
« Procureur » US pour Israël
Ce sont des opinions comme celle de Danon qui deviennent de plus en plus éminentes au sein du gouvernement israélien et qui ont alimenté un mouvement bourgeonnant de boycott, ainsi que des comparaisons de plus en plus fréquentes entre Israël et l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid.
« Les USA et Israël se livrent à de vrais ‘combats de rue’ à l’ONU, » a dit un diplomate occidental à al-Jazeera qui souhaite rester anonyme. « Washington roule des mécaniques et brutalise les gens. Les anciennes règles de la diplomatie ont été jetées par la fenêtre. »
Ce point de vue a été confirmé par Hanan Ashrawi, une ancien négociatrice palestinienne et membre du Comité Exécutif de l’OLP.
« L’administration Trump s’est faite très verbale et agressive en défense d’Israël », a-t-elle dit à al-Jazeera. « Cela profile des conséquences [néfastes] pour tous ceux qui semblent soutenir les Palestiniens ou critiquer Israël. »
Danon assumera son nouveau poste en septembre, (co-)présidant aux séances de l’Assemblée Générale, concourant à régler son agenda tout en supervisant l’application de son règlement et du protocole pendant ses réunions.
Nouveau shérif en ville
L’alliance devenant de plus en plus évidente entre Israël et les USA à l’ONU s’est vue soulignée cette semaine quand Danon escorta Nikki Haley, la porte-parole de Trump à l’ONU, lors d’une visite en Israël.
Au cours d’un discours donné devant le lobby US pro-israélien « AIPAC » en mars, Haley s’était engagée à devenir le « nouveau shérif en ville » à l’ONU.
En route vers Israël, Haley s’arrêta à Genève pour s’en prendre à l’une des principales agences de l’ONU, le Conseil des Droits de l’Homme (UNHRC), à cause de ce qu’elle a décrit comme leur « biais chronique anti-israélien ». Leur comportement, selon ce qu’elle a ajouté, « en fait une moquerie non seulement d’Israël mais du Conseil en lui-même. »
Elle a menacé que les USA se retireraient de l’UNHRC si celui-ci ne rendait pas compte de leurs critiques.
En avril, Haley émit un avertissement similaire quand elle assuma la présidence tournante du corps le plus puissant de l’ONU, le Conseil de Sécurité. Elle annonça aux autres membres que leurs débats moyen-orientaux mensuels allaient désormais se concentrer sur l’Iran, la Syrie, le Hamas et le Hezbollah, mais pas sur Israël.
Retrait du rapport sur l’apartheid
Israël et la Maison Blanche ont pesé sur d’autres agences essentielles de l’ONU.
En mars, la Commission Économique et Sociale pour l’Asie de l’Ouest a été contrainte de procéder au retrait d’un rapport d’experts, après que celui-ci ait conclu qu’Israël avait établi un régime d’apartheid à l’encontre des Palestiniens.
Ensuite le mois dernier, les USA ont condamné une résolution issue de l’agence culturelle de l’ONU, l’UNESCO, suite à ses admonestations pour qu’Israël respecte le droit international et mette un terme aux politiques qui modifient le caractère religieux et culturel de Jérusalem-Est, sous occupation [israélienne].
Bien que la résolution soit passée, la majeure partie des pays européens se sont abstenus, ou alors ont voté contre. Dès lors, Netanyahou a croassé: « le nombre de pays soutenant cette absurde résolution de l’UNESCO se rétrécit. »
Menace pour le budget de l’ONU
Tout ceci s’est produit sous fond de menaces aboyées par l’administration Trump, selon quoi elle est prête à imposer des réductionsdrastiques à sa contribution au budget de l’ONU. Washington est le plus grand contributeur net de l’ONU, assurant presque $13,5 milliards du budget de cette organisation d’une portée mondiale.
« L’élément essentiel derrière la promotion de Danon, c’est un chantage exercé par l’administration Trump, » affirme Ashrawi. « Elle menace de s’abstenir de son financement à l’ONU, et il est clair que certains états-membres en ont peur. »
Nathan Thrall, auteur d’un ouvrage récent sur la diplomatie israélo-palestinienne, « The Only Language They’ll Understand« , [« Le Seul Langage qu’Ils Vont Comprendre », NdT] déclare que la campagne a contraint les Palestiniens à s’abstenir d’amener des initiatives diplomatiques devant l’ONU.
Au cours des sept dernières années, le Président palestinien Mahmoud Abbas a mis l’accent sur la lutte pour obtenir la reconnaissance étatique auprès de l’ONU. Ceci comprenait le fait de rejoindre l’UNESCO en 2011. Les USA ont réagi en coupant leur financement pour l’UNESCO.
« Les Palestiniens ont peur de ce que peut faire Trump, » a dit Thrall à al-Jazeera. « Si les USA se mettent à faire tomber les institutions mondiales la direction palestinienne s’inquiète qu’elle en porterait la blâme, de la part d’autres pays. »
Les opérations de maintien de la paix et d’assistance humanitaire de l’ONU figureront parmi les premières à en pâtir. « Les Palestiniens ne veulent pas perdre d’amis quand ils en ont le plus besoin, » a ajouté Thrall.
L’enfant terrible de la droite
Danon, âgé de 46 ans, fut sélectionné pour devenir vice-président de l’Assemblée Générale par une faction régionale connue à l’ONU, portant le nom de « Western European and Others Group » [« Groupe des Européens Occidentaux et des Autres », NdT]. Celle-ci comprend la plupart des pays européens,  comptant en sus Israël, l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande.
L’élection des vice-présidents s’organise selon une rotation régionale, afin d’assurer une représentation géographique équitable.
Salah Bardawil, un responsable de haut rang du Hamas, a tweeté que l’élévation de Danon était « une marque de Caïn sur le front de l’ONU ».
Israël a été l’objet de douzaines de résolutions condamnant ses violations de la Charte de l’ONU – beaucoup plus que n’importe quel autre état-membre. Cependant pertinemment, le choix de Danon a perturbé les dirigeants palestiniens. Jusqu’à récemment, il n’était que l’enfant terrible de la droite israélienne.
Netanyahou avait viré Danon de son poste de Ministre de la Défense Adjoint pendant l’été 2014 au cours de l’attaque israélienne contre Gaza, à la suite de laquelle quelques 500 enfants palestiniens avaient été tués. Il décrivit alors Danon comme « irresponsable », parce qu’il avait dit que l’opération militaire d’Israël avait été trop clémente.
Blocage de Salam Fayyad
Lorsque Netanyahou annonça la nomination de Danon comme Ambassadeur un an plus tard, des analystes israéliens décrivirent cette décision comme une « cruelle plaisanterie ».
Ashrawi nota que la façon dont Danon était considéré à l’ONU contrastait sévèrement avec celle dont bénéficiait Salam Fayyad, l’ancien Premier Ministre palestinien.
Des efforts de la part du Secrétaire-Général US Antonio Guterres en vue de désigner Fayyad, un Palestinien modéré, comme émissaire de l’ONU en Libye furent bloqués par les USA en février. Haley qualifia le geste comme anti-israélien, et ajouta: « Les États-Unis agiront et ne feront pas que parler, en soutien de nos alliés. »
Même avant Trump, des signes apparaissaient indiquant qu’auprès de l’ONU, les vents de la fortune changeaient pour Israël.
L’année dernière, Danon atteignit un rang historique en devenant le premier Ambassadeur israélien auprès de l’ONU à présider un comité permanent – gérant paradoxalement le droit international, sujet qui assène le plus de critiques à l’encontre Israël. Encore une fois, Danon a reçu le soutien du Western European and Others Group.
Toutefois, les relations entre Danon et l’administration US précédente étaient tendues. Fin 2012, il accusa le Président Barack Obama de n’être « aucunement un ami d’Israël ».
Un siège au Conseil de Sécurité?
Par contraste, Danon a reçu l’adhésion enthousiaste de l’administration Trump, a observé Thrall.
« Pour le moment, Israël s’en sort diplomatiquement bien. Il y a des rumeurs selon lesquelles ils aspirent à un siège au Conseil de Sécurité. Le climat est tel, que certains politiciens israéliens semblent même croire que c’est peut-être réalisable. »
Interviewé par l’agence de presse des colons [israéliens] Arutz Sheva le mois dernier, Danon a dit qu’il y avait un « nouvel esprit » à l’ONU. « Ils ne se concentrent plus seulement sur Israël. L’ONU n’est plus le terrain de jeu palestinien. Il se passe quelque chose. »
De sa relation avec Haley, il a déclaré au magazine orthodoxe juif Mishpacha en avril, « quand il s’agit d’Israël, nous partageons les mêmes points de vue. »
Se faire de nouveaux amis
Bien que l’organisation mondiale ait été considérée comme traditionnellement hostile envers Israël, des experts ont cité plusieurs facteurs expliquant le changement de vent qui favorise Israël.
Ces dernières années, Israël a conclu des alliances stratégiques avec des états puissants à l’ONU, en sus de son allié principal à Washington.
Israël s’est souvent attiré des faveurs par le biais de ventes d’armes et d’échange de renseignements.
Le diplomate, qui a travaillé en Israël, affirme: « Israël a lancé des sondes vers les économies émergentes des BRICS [Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud], ainsi que vers le Mexique. Cela commence à livrer des dividendes diplomatiques. » De la même manière l’Europe, qui vit un désarroi croissant, a abandonné l’idée même d’apparence de contrepoids face à Washington.
Gagner des pays européens au bord israélien n’en est devenu que plus facile.
Thrall a noté: « Le calcul apparent dans des pays comme le Royaume-Uni, c’est que le meilleur moyen de jouir des faveurs des USA réside dans la bienveillance envers Israël. »
Quant à l’ONU, englué dans des difficultés financières, il vacille face à la menace de pénalités supplémentaires de la part des USA et de leurs alliés, si l’organisation continue à être vue comme anti-israélienne.
« Israël et les USA sont prêts à violer l’ordre international de façon à parvenir à leurs objectifs, » a dit le diplomate. « Les gens ont peur de ce qu’ils sont capables de faire. »


Article original en anglais :
Inside the US Fight to Fix Israel’s Global Standing

 
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