ELWATAN-ALHABIB
vendredi 4 mars 2016
 

Vous pensez que l’Europe connaît une crise des réfugiés ? Regardez mieux







refugee-camp

C’est extraordinaire mais pas tant que ça, en réalité, car c’est toujours la même histoire qui se répète. Les pays occidentaux n’ont presque pas de réfugiés comparativement aux pays limitrophes de la zone de conflit Irak/Syrie ! La Jordanie à elle seule, accueille plus de 10 % de sa population, en réfugiés, alors qu’elle n’a pas du tout les moyens de le faire ! Toutes proportions gardées, c’est comme si la France recevait 7 millions de réfugiés en 1 année ! Dans les faits, les pays les plus riches — immensément plus riches — font le moins, comme toujours, tout en étant à l’origine de la déstabilisation de la région et en se faisant passer pour les bienfaiteurs de l’Humanité ! Ahhh ces frères la truelle donneurs de leçons, humanistes laïcistes de pacotille. Sous cet angle, la volonté de remplacement des populations, même si elle existe politiquement, n’est pas si évidente.
Pour finir, il est assez intéressant de constater que le site Slate prend comme source et comme si de rien n’était, un travail du CFR  comme s’il s’agissait d’une analyse du HCR !

Du Liban au Pakistan en passant par la Turquie, une vague de migrants bien pire que celle que connaît notre continent met les gouvernements sous pression et les tissus sociaux à l’épreuve.
L’Europe n’est pas en première ligne de la crise des réfugiés. Les médias, qui diffusent à profusion des images de réfugiés qui sillonnent des champs hongrois et s’entassent sur des bateaux de pêche de fortune, veulent nous faire croire que c’est le cas, mais la réalité mondiale est toute autre. Comme le montrent les éléments ci-dessous, la grande majorité des personnes déplacées vivent dans des pays qui n’ont pas vraiment les ressources pour les accueillir – une tendance qui a peu de chances de reculer et qui est de mauvais augure pour l’avenir.
Pensez à la Jordanie. La monarchie hachémite est l’un des alliés de l’Ouest les plus sérieux au Moyen-Orient, un État arabe modéré et relativement stable, qui agit en fait comme un tampon entre Israël et des régimes moins enclins au compromis (l’Irak, la Syrie, l’Arabie saoudite). Elle dispose de très peu de ressources naturelles, en tout cas rien de comparable à la richesse pétrolière des monarchies du Golfe. Mais, malgré sa taille réduite et les limites de ses réserves, la Jordanie est inondée de réfugiés, portant le poids de deux coups du sort : la guerre civile syrienne, d’une part, et le conflit toujours en cours en Irak, d’autre part.
Elle accueillait près de 685.000 personnes déplacées internationalement mi-2015, un énorme fardeau pour un pays avec une population de 6,6 millions d’habitants. Le Bureau du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) rapporte que la Jordanie se situe en deuxième position au niveau mondial en matière de nombre de réfugiés (90) pour 1.000 habitants. Le premier pays est le Liban, avec un vertigineux 209 pour 1.000.


Le nombre de réfugiés rapporté au PIB par tête, en parité de pouvoir d’achat. (Source pour le PIB par habitant: Fonds monétaire international, Base de données des perspectives de l’économie mondiale. Source pour le nombre de réfugiés: HCR).


Nombre de réfugiés pour 1.000 habitants. (Source pour les populations nationales: Division de la population de l’ONU. Source pour le nombre de réfugiés: HCR)
Jusqu’ici, la Jordanie s’en est admirablement bien sortie. Mais pour combien de temps ? Peu nombreux sont les pays, même plus riches, qui sont en mesure de survivre à un déplacement de population aussi sismique sans s’exposer à d’énormes défis politiques et économiques. Selon le guide des conflits mondiaux du Council on Foreign Relations« l’afflux de réfugiés [en Jordanie] a fait baisser les salaires tout en faisant augmenter le prix des loyers et le taux de chômage, qui est passé de 14,5 à 22,1% entre 2011 et 2014 dans les zones comptant de fortes concentrations de réfugiés syriens. »
Le débordement syrien ne constitue sans doute pas un défi de taille comparable pour l’ordre interne de la Turquie, qui est bien plus grande et prospère. Mais malgré tout, les près de 2 millions de personnes déplacées qui y vivent constituent un nombre qui est loin d’être négligeable, et la plupart d’entre elles se trouvent dans une partie de la Turquie qui souffre déjà de turbulences politiques et économiques à cause de la guerre en Syrie et du renouveau du soulèvement kurde. Différents spécialistes estiment que les guerres en Afghanistan – à commencer par l’invasion soviétique en 1979 – et l’exode qu’elles ont entraîné, celui de millions d’Afghans qui ont franchi la frontière est de leur pays, ont joué un rôle majeur dans le processus de polarisation politique croissante du voisin pakistanais. Il n’est pas déraisonnable d’imaginer qu’un scénario semblable puisse se produire en Turquie et que les effets ressentis puissent être colossaux, le pays étant à la fois un membre important de l’Otan et un bastion de stabilité sur le flanc sud-est de l’Europe.
Le même type d’inquiétude vaut pour l’Afrique. Comme le montrent les chiffres du HCR, les conflits qui n’en finissent pas de consumer la République démocratique du Congo, le Soudan, le Soudan du Sud, la Somalie et la Centrafrique sont responsables de transferts massifs de personnes au sein d’un continent qui risque bien de doubler en population (jusqu’à atteindre le chiffre ahurissant de 2,4 milliards) d’ici à 2050. À moins que les guerres ne cessent, le nombre de gens qui fuient celles-ci risque fort d’atteindre des proportions faramineuses au cours des décennies à venir, avec un effet potentiellement dévastateur sur le développement. Ce qui serait particulièrement tragique, vu les conditions favorables à une solide expansion économique dont jouissent actuellement de nombreux États africains.


L’infographie ci-dessus montre d’où sont venus les réfugiés et où ils sont allés. Pays d’origine et de destination sont classés annuellement par nombre de réfugiés qu’ils ont «créés» et absorbés, respectivement, selon les données du HCR. (La visualisation englobe généralement les 20 premières places de ces classements.) Les lignes au milieu indiquent quels pays produisent et accueillent à la fois des réfugiés: l’Iran, le Pakistan et le Soudan, entre autres. (Source: Rapport statistique HCR 2015. À propos des pays d’origine ci-dessous: 1. L’infographie ne tient pas compte des réfugiés palestiniens assistés sous le mandat du HCR pour cause de données manquantes. 2. L’Ethiopie englobe l’Érythrée jusqu’à son indépendance en 1993. 3. La Serbie englobe le Monténégro jusqu’à son indépendance en 2006. 4. Le Soudan englobe le Soudan du Sud jusqu’à son indépendance en 2011. 5. « Unknown origin » se réfère aux réfugiés dont le pays d’origine est inconnu. En termes d’asile, les données relatives à l’ancienne Yougoslavie ainsi qu’à la Serbie et au Monténégro ont été reportées à la Serbie.)
L’Éthiopie, dont l’économie est l’une de celles qui croît le plus rapidement au monde, en est un parfait exemple. Le HCR la classe cinquième des pays qui accueillent le plus de réfugiés au niveau mondial, et première d’Afrique subsaharienne. Que se passerait-t-il –pour l’économie, pour les Éthiopiens, pour les réfugiés fraîchement arrivés– en cas de catastrophe? On risque d’avoir la réponse bientôt: le pays est confronté à une famine qui pourrait bien voir 15 millions de personnes manquer de nourriture cette année et de nombreux travailleurs du secteur agricole, qui représentent 80 % de l’emploi, perdre leurs revenus.
Rien de tout cela ne signifie que ce qui se passe plus au nord, en Europe, n’est pas une urgence. Mais Bruxelles a la possibilité de s’attaquer au problème. En fait, le défi que posent les réfugiés pourrait bien donner à l’Europe un élan positif qui la pousserait à rattraper son retard sur les devoirs qu’elle a négligés depuis longtemps: renforcer les contrôles sur ses frontières extérieures, approfondir l’intégration politique et amorcer sérieusement une politique étrangère et de sécurité commune. Si c’est fait comme il faut –aux yeux des électeurs–alors ces étapes pourraient donner à l’idée européenne un nouveau souffle et même stimuler la croissance; réfugiés et migrants pourraient contribuer à compenser le vieillissement des sociétés européennes et le recul de entrepreneuriat.
En revanche, il y a relativement peu de choses que la Jordanie, l’Éthiopie et les autres pays qui accueillent la majeure partie des personnes déplacées du monde peuvent entreprendre pour ralentir ou empêcher une crise. En tout cas, ils ne peuvent pas faire le nécessaire tous seuls. Les pays les plus riches du monde –y compris ceux, comme les États-Unis, le Canada et le Japon, que la géographie protège en partie de la pleine force des motifs migratoires– doivent se faire à l’idée que la magnitude des déplacements actuels requiert une approche globale. Ce qui implique un partage plus équitable des responsabilités qui consistent à donner aux réfugiés un toit, à mettre de l’argent sur les comptes malheureusement sous-alimentés du HCR et à travailler pour créer et soutenir la paix et la prospérité dans les pays qui les désirent.
Le monde d’aujourd’hui est trop petit pour qu’on en laisse une partie, quelle qu’elle soit, sombrer dans le chaos et le désespoir.
Christian Caryl, traduit par Catherine Rüttimann

 
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