Quand la France foulait aux pieds ses intérêts en Iran
Par suite de l’accord historique sur
le nucléaire iranien, du 14 juillet dernier, le chef de la diplomatie
française avait annoncé sa prochaine visite à Téhéran. Chose tout à fait
légitime et allant de soi.
Ce qui l’est moins, c’est la précipitation apportée par Paris à renouer les liens avec l’Iran.
En effet, ce qu’il faut savoir est que
ledit accord a été retardé de près de deux ans du fait de
l’intransigeance… de la France, la plus engagée des P5+1 à faire rendre
gorge à Téhéran. Ce qui, en termes prosaïques, s’appelle insulter
l’avenir. Plus que cela, la France dans son jusqu’au-boutisme a surtout
ignoré ou négligé ses intérêts intrinsèques avec l’Iran. Cela ne
s’invente pas, d’autant plus que Paris a de fait perdre de vue l’adage
qui dit qu’ «en diplomatie il n’y a pas d’amis, il n’y a que des
intérêts», d’où la nécessité de toujours laisser entrouverte la porte.
La France, dans son exaltation à défendre prioritairement les intérêts d’Israël avait omis les siens propres.
En effet, dans les diverses phases des
difficiles négociations sur le nucléaire iranien, la France,
particulièrement son chef de la diplomatie Laurent Fabius, s’est le plus
durement illustrée envers l’Iran. C’est ainsi que Paris s’est signalée à
l’attention générale en étant pratiquement seule contre tous en
novembre 2013 quand elle a opposé son veto au pré-accord qui se
dessinait induisant l’échec des négociations de Genève. L’étrange
intransigeance du ministre français des Affaires étrangères y a été
décisive.
Cela avait à l’époque suscité
l’étonnement, voire déconcerté les observateurs y compris l’ennemi
déclaré de l’Iran: les Etats-Unis. Paradoxalement, seul Israël avait
approuvé et applaudi ce fanatisme, inconcevable, venant d’un pays aussi
au fait des arcanes de la diplomatie et de ses interactions qui auraient
dû lui imposer de savoir raison garder. Cela n’a pas été le cas,
M.Fabius se félicitant même d’avoir «empêché» un «mauvais» accord.
A quelques variantes près, l’assise de
l’accord auquel sont parvenus, mardi dernier, les P5+1 et l’Iran, est
celle-là même refusée à l’époque par la France qui a fait perdre à tout
le monde près de deux années. En effet, beaucoup d’experts voyaient
alors dans le document de Genève «une authentique percée vers un
apaisement des relations entre l’Occident et l’Iran» et un règlement
négocié de cette difficile impasse nucléaire.
En vérité, à l’époque, donc en novembre
2013, personne n’avait compris l’attitude négative prise par la
diplomatie française. Même les Iraniens les plus hostiles au pouvoir des
ayatollahs n’avaient pas admis le fait. D’ailleurs, les réseaux sociaux
s’en sont donnés à coeur joie, allant jusqu’à accuser Laurent Fabius
d’être «l’âne des Israéliens». C’est dire, jusqu’où la France,
singulièrement son représentant officiel Laurent Fabius, obnubilée par
la haine de l’Iran – que l’on supputait à l’aune du seul Israël – a
gravement nui à ses propres intérêts alors que des dizaines de sociétés
françaises ont ou avaient eu pignon sur rue à Téhéran. En se faisant le
porte-voix zélé d’Israël, la France aura surtout foulé aux pieds ses
propres intérêts en Iran.
C’est, dès lors, d’un cocasse incongru,
que ce soit ce même Laurent Fabius – alors que l’encre des signatures de
l’accord de Vienne n’a pas encore séché – qui annonce sa prochaine
visite dans la capitale de cet Iran honni. Hier, dans son ardeur
vengeresse, la France a négligé le fait que l’Iran est un riche pays
disposant des quatrième et deuxième réserves mondiales de pétrole et de
gaz. Aujourd’hui, toute honte bue, Paris est le premier à se précipiter
vers un Iran redevenu fréquentable. Honteux!
Gageons que l’Iran et les Iraniens ont
la mémoire longue et se feront un devoir de rappeler au chef de la
diplomatie française, s’il atterrit un jour à Téhéran, son ostracisme
malvenu envers leur pays.
Karim MOHSEN
http://www.lexpressiondz.com/edito/220764-quand-la-france-foulait-aux-pieds-ses-interets-en-iran.html
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