À quand «je suis Aïn Salah» sur les pare-brises ?
par Kamel Daoud
Passé versus avenir. L'un possède des os, des cimetières,
des livres et des juges. L'autre n'a ni science, ni fiction. C'est une amie qui
a fait la lecture : au nord, on s'occupe de passé. On va juger Saïd Sadi au nom
de Benbella ou Messali, on va parler des magistrats faussaires, des années 70
ou de « Lui » ou du FLN. En somme du Passé, ce pays deux fois plus grand que
l'Algérie et qui mange deux fois plus. Au sud, on parle de gaz Schiste, de
l'avenir, des enfants à venir, du désert et ce qu'il veut faire. Deux tendances
dans le sens contraire l'un de l'autre. Le nord s'occupe de qui ne se mange
pas, mais nous mange tous : le Passé. Le sud s'occupe de ce qu'on mange,
l'avenir. Le sud s'occupe de demain, le nord parle d'hier. Étrange division qui
s'est faite a contrario de nos habitudes. On croit toujours que le nord est
tracteur et le sud suiveur, que le nord décide et gouverne et que le sud
acquiesce. On croit que le nord est l'Algérie et que le sud est son folklore
alors que c'est le contraire : Étrange division qui s'est faite a contrario de
nos habitudes. L'amenokal est au nord, pas au sud. Au sud, il y a le mouvement,
la dynamique, la protestation et la gestion par la démocratie de la protestation.
Au nord, il y a des tribus, des ergs, des vents de sable et du vide.
D'ailleurs, c'est le nord qui est vide et désert, le Sahara est plein et
vivant.
Les gens du sud persistent : pas de forage chez eux. La
protesta au sud-est encore circonscrite par les distances et nos indifférences.
Ce n'est pas notre terre, pense en nous le ventre. Face à l'écologie du sud,
nous avons l'indifférence des colons du nord. On ne se soucie pas d'eux, de
leurs enfants, de leurs environnements et de leur avenir. On ne réagit pas à
leur mobilisation. On ne sait pas e qui s'y passe vraiment. Le sud pour nous,
ce n'est pas nous, mais seulement une alimentation générale. C'est le puits,
pas le sang parent. Une étrange géographie d'insensibilité. Un sentiment d'indifférence.
Presque comme si à choisir entre le pétrole et le sud, on choisirait le
pétrole. Le sable n'étant pas comestible et le sud trop loin pour être une peau
commune. La protesta au sud-est encore circonscrite par les distances et nos
indifférences. Le nord s'occupe de qui ne se mange pas, mais nous mange tous :
Personne ne crie « je suis Aïn Salah » ou n'accroche ce slogan à son
pare-brise, et pourtant tous en mangent.
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