L'Etat islamique: de père inconnu?
Par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles
L'Etat islamique (EI) déroute les Occidentaux. Ils sont fascinés par le
mystère qui l'entoure. El Qaïda a disparu du langage politico-médiatique. Pas
le terrorisme d'obédience islamique. Curieux.
Etat islamique (EI). C'est donc d'un Etat qu'il s'agit, même s'il n'est
inscrit nulle part, dans aucune institution internationale, n'a pas de capitale
politique, pas de citoyens identifiables, pas d'histoire
excepté des hordes
armées, venues d'ailleurs et un chef autoproclamé, baptisé par lui-même «Abou
Bakr El Baghdadi». Cela suffit pour être identifié, partout dans le monde des
médias et celui des plus hauts responsables politiques comme «L'Etat islamique»
ou encore «Daech» selon la traduction phonétique arabe «d'Etat islamique dans
les pays du Sham», entendez le Proche et Moyen-Orient. L'accroche fonctionne et
fascine : un Etat islamique existe, donc et guerroie pour conquérir d'autres
territoires et les soumettre à «sa loi». El Qaïda n'est plus qu'un souvenir
tragique dans le langage diplomatique, politique et médiatique: l'Etat
islamique est le nouveau «tsunami» terroriste qui déferle sur le Moyen et
Proche-Orient et enfante d'autres Etats islamiques «alliés», comme «Boko Haram»
au nord du Nigeria qui vient d'adopter le label.
D'où est né ce nouveau monstre terroriste ? Qui est derrière le
recrutement de ses hordes d'assassins ? D'où leur viennent les armes, l'argent
et la logistique ? Et enfin, comment une telle organisation arrive-t-elle à se
structurer et à mettre en échec les armées conventionnelles des pays où elle
sévit et à affoler les premières armées du monde, celle des USA et leurs alliés
européens ? Les Occidentaux, en premier les USA, suivent grâce aux nombreux
satellites géostationnaires, en live et en grand format, le moindre déplacement
du moindre individu sur la planète Terre, écoutent jusqu'aux conversations
téléphoniques privées dans les chaumières des montagnes ou sous les tentes du
déserts et pourtant affichent leur surprise et leur peur et avouent leur
incapacité à détruire le monstre dans l'immédiat. Plus intrigant : au moment
même où les USA accentuent leurs bombardements dans la région et les Européens
leurs fournitures d'armes, aux combattants kurdes et irakiens, les hordes de
l'Etat islamique frappent un grand coup: 160 soldats de l'armée syriennes
exécutés, dans la région de Raqa et plus de 40 Casques bleus' de l'Onu faits
prisonniers, à la frontière du Golan syrien. Si l'on résume: évalués entre 10
et 15.000 hommes, les hordes de l'Etat islamique se meuvent, à découvert, dans
les montagnes et déserts arabes, conquièrent des villes et villages, prennent
en otages des «Casques bleus» (militaires), se réunissent et discutent de
stratégies de combat et
médiatique, mangent, dorment et pensent à l'avenir,
comme tout «peuple» de n'importe quel Etat, dans le monde, sans prendre au
sérieux leurs adversaires. «L'Etat islamique» existe, donc, avec cette nuance
que les Occidentaux font mine d'ignorer d'où il vient et jusqu'où ira-t-il.
Voilà le nouveau défit du siècle : combattre cette monstruosité débarquée sur
terre, provenant de l'inconnu, comme les envahisseurs dans les films de
fiction, venus d'une autre planète pour asservir les Terriens. Sauf que
le
chef-calife de l'Etat islamique, Abou Bakr El Baghdadi a séjourné, dans la
prison de Guantanamo, entre 2004 et 2009. Les Américains le connaissent bien.
Sauf qu'une partie de ses hordes d'assassins partent d'Europe et d'ailleurs, en
passant les procédures douanières. Et par dessus tout, l'Etat islamique s'est
annoncé à partir de la Syrie, en allant vers l'Irak. Deux pays qui concentrent,
autour d'eux, les plus grandes forces militaires coalisées de l'Occident. Deux
pays qui vivent, comme par hasard, de terribles guerres civiles. Pourquoi?
Comment? C'est vrai qu'il y eut l'intervention, par «esprit de solidarité», des
Occidentaux, en Irak, pour libérer les Irakiens de Saddam Hussein ; en Syrie
contre El Assad, en Libye contre Kadhafi
Trois pays qui ne répondent plus,
eux, à la notion «d'Etat». Qui sont devenus des champs de batailles, de chaos
et de désolation. Il est curieux d'entendre les dirigeants et diplomates du
monde, affirmer qu'il n'y a plus d'Etat en Libye et soutenir qu'il y a un Etat
islamique, à cheval sur plusieurs pays du Moyen-Orient. Il est surprenant
d'entendre dire, les plus hautes sommités du monde, y compris celles de l'Onu,
défendre le principe du dialogue et de la voie politique, pour résoudre les
crises et conflits et d'appeler, dans le même temps à armer, encore plus, la
région du Moyen-Orient. Certes, Kaddafi, Saddam étaient cruels avec leurs
peuples; certes, Al Assad est un dictateur capable de tuer son peuple pour
rester au pouvoir, mais sont-ils les seuls dictateurs dans ce bas monde ? Il se
trouve que deux de ces trois pays ont un dénominateur commun: ils disposent des
plus grandes réserves de pétrole (Irak , Libye) et deux d'entre eux (Irak,
Syrie) sont situés sur les routes de l'autre source d'énergie (gaz), venant des
pays de l'Asie centrale, au sud de la Russie. Et l'Etat islamique s'est
annoncé, à la jonction exacte des routes de l'énergie du futur. Ce ne sera,
nullement, une surprise que les djihadistes de Libye annoncent, un jour, leur
vassalité à «l'Etat islamique» d'Orient. Comme au temps où El Qaïda
enregistrait, partout dans les contrées arabes et, succinctement en Occident,
des affidés. Dieu nous garde de cette énième monstruosité qu'est l'Etat
islamique (EI), surtout qu'il reste, encore, quelques «survivants» d'El Qaïda,
y compris chez nous.
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