«Le cœur de la Terre bat à Ghaza. Il saigne, mais il bat»
par K. Selim
Les
différents groupes de la résistance palestinienne y compris ceux qui sont affiliés
au Fatah ont décidé de ne pas reconduire la trêve. Beaucoup, dans le monde
arabe et principalement dans cette Egypte qui participe à l'étranglement de la
bande de Gaza, vont s'empresser de crier à l'insensibilité des dirigeants du
Hamas aux souffrances des Palestiniens. Une autre variante de la propagande qui
veut que les combattants palestiniens utilisent les civils comme des boucliers
humains. Mais ceux qui écoutent les Palestiniens, au lieu de s'écouter
eux-mêmes, peuvent constater que ce ne sont pas seulement les combattants qui
sont dans cette attitude.
Ils
sont très nombreux les Palestiniens à refuser que les choses continuent comme
elles l'étaient avant, après 2.000 morts, 10.000 blessés et des milliers de
maisons détruites. Ces Palestiniens de toutes convictions, musulmans comme
chrétiens ou agnostiques, disent que cette énième «guerre» a été décidée par
Israël et ils ne veulent pas, malgré la disproportion des forces et l'ampleur
des destructions, se soumettre à ses desiderata. On ne parle pas des
combattants mais des Palestiniens, des Ghazaouis qui ont payé le prix fort,
dont le sang a coulé, qui ont eu faim et qui ont subi la terreur.
Ces
hommes et ces femmes de Gaza n'acceptent pas qu'au massacre par les bombes
succède la mort lente par le blocus et l'enfermement. Ces Palestiniens ne sont
pas «réalistes». Ils s'accrochent au droit et à la légalité internationale qui
n'admettent pas - et ne devraient jamais admettre - que la bande de Ghaza
devienne une prison à ciel ouvert qu'Israël bombarde quand il veut avec l'aval
des «civilisés» et le silence complice des dirigeants arabes. Ghaza a, bien
entendu, contre elle la honteuse alliance tissée par l'Egypte officielle avec
Netanyahu et tous les effets du poison sectaire qui est arrivé à un niveau
hideux et caricatural avec le «califat» du Da3eche. Ghaza est une prison, elle
n'a pas d'arrière. On lui a tout enlevé mais elle ne se soumet pas.
Une
loi de l'histoire connue est en œuvre : quand un peuple n'a plus rien à perdre,
hormis une vie d'humiliation et de privation, il ne lui reste plus que sa
volonté. Ni armes ni argent, uniquement cette volonté entêtée de ne pas plier
comme moyen de créer un nouveau rapport de forces. Le couffin de Ben M'hidi
pour répondre aux chars et aux avions. Cela les gens de Ghaza le disent de
mille et une manières : hors de question que la guerre imposée s'arrête pour
que le blocus perdure. Les Palestiniens ont beaucoup perdu en trente jours de
bombardements d'une lâcheté sans bornes, près de 2.000 morts dont plus de 80%
des non-combattants happés par la machine à tuer de «l'armée la plus morale du
monde».
Mais
ce que de nombreux Palestiniens n'ont pas perdu, c'est la volonté de résister.
Ce mot détesté par Israël, ses soutiens occidentaux, les dirigeants arabes et
les «réalistes» qui commandent de ne rien faire et d'attendre. Même manifester
sa solidarité est traité avec dédain, à l'image du mufti d'Arabie qui a décrété
que les marches pour Ghaza n'étaient pas halal. Ces réalistes trouvent «normal»
que le président des Etats-Unis évoque le blocus criminel imposé à 1,8 million
de personnes comme une question à «résoudre sur le long terme». Ils trouveront
normal qu'un chantage occidental se mette en place pour conditionner la
reconstruction de Ghaza au «désarmement» des combattants palestiniens.
Après
avoir commis des carnages, tué des enfants, détruit des maisons, on veut offrir
à Israël ce qu'il n'arrive pas à obtenir : des Palestiniens désarmés et sans
volonté. Car l'arme de Ghaza, c'est sa volonté. Ceux qui étaient au Caire pour
négocier étaient prévenus par une population meurtrie mais déterminée : hors de
question de laisser «des courtiers européens et arabes voler le sang des
martyrs», selon la formule de l'éditorialiste palestinien Abdelbari Atwan. Il
nous reste, en tant qu'Algériens, à manifester plus fortement notre solidarité
et ce mot n'est pas vain.
C'est
le Dr Mads Gilbert, professeur et chef de clinique norvégien, présent pendant
les bombardements à l'hôpital al-Shifa à Ghaza où il a participé à prendre en
charge les milliers de victimes palestiniennes qui nous le rappelle : «la
solidarité est une arme puissante». Cet homme qui est devenu un héros en son
pays - et pour de nombreux Palestiniens - redit que la «résistance y compris
par les armes» est un droit naturel et légal face à l'oppression et à
l'occupation. Il n'est ni mufti, ni musulman, ni Arabe, il est humain. Et il
considère que les Palestiniens sont des humains à qui on ne peut dénier le
droit de résister. «Le cœur de la Terre bat à Gaza. Il saigne, mais il bat»,
a-t-il dit. Et il a tout dit.
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