Un chaos programmé et une montée en puissance préparée
par Kharroubi Habib
En quelques jours seulement, les combattants de l'organisation
jihadiste dénommée l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) sont parvenus
par une fulgurante offensive à prendre le contrôle des régions à majorité
sunnite en Irak et avancent sur Baghdad en repoussant devant eux une armée
irakienne en pleine débandade.
Ce brusque renversement de force dans la confrontation qui
oppose l'Etat irakien à cette organisation devenue le fer de lance de la
rébellion sunnite contre la mainmise des chiites sur le pouvoir du pays ne
surprend que ceux qui ont minimisé la montée en puissance militaire de celle-ci
depuis que non contente de faire le coup de feu en Irak elle est devenue un acteur
d'importance dans la guerre civile syrienne. En se projetant en Syrie, l'EIIL a
obtenu le soutien illimité des Saoudiens et de riches donateurs émiratis. Ce
qui lui a permis de passer du stade de groupuscule jihadiste à celui d'une
véritable armée en train de prendre le dessus sur celle de l'Etat irakien. Il
faut dire aussi que la gouvernance sectaire et violente de l'Irak par le
gouvernement d'El Maliki a beaucoup fait pour que le l'EIIL bénéficie de
l'adhésion à sa rébellion d'une majorité de la communauté sunnite du pays.
El Maliki n'avait pas tort de dénoncer il y a quelques mois
que l'Irak est la cible d'un complot orchestré par les Saoudiens et les émirats
du Golfe visant à faire tomber le gouvernement qu'il préside. Il a simplement
omis de reconnaître que le sort réservé à la communauté sunnite du pays par le
pouvoir à prédominance chiite a servi les desseins de Ryadh et de ses alliés
émiratis. Les Saoudiens architectes principaux du mouvement de rébellion
sunnite en Irak ont eu beau jeu pour convaincre les composantes de ce dernier
hostiles au départ à l'EIIL à taire leur hostilité à son égard voire même à
collaborer avec elle contre le pouvoir chiite irakien.
Les experts militaires se déclarent «soufflés» par la
compétence du point de vue tactique dont font preuve les dirigeants de l'EIIL.
Il ne l'aurait pas été s'ils n'avaient pas classé comme sans importance le
rapprochement que l'Arabie Saoudite a opéré il y a quelque temps avec les
rebelles baasistes que coordonne l'ancien vice-président de Saddam Hussein,
Izzat Ibrahim Al Douri, qui sont pour la plupart d'anciens officiers et soldats
de l'ex-armée irakienne. Le rapprochement a conduit à un probable deal entre
cette rébellion et l'EIIL d'où la montée en puissance sur le terrain de cette organisation.
Pour l'Arabie Saoudite, la fin justifie les moyens dans sa
croisade anti-chiite et plus spécifiquement anti-iranienne.
N'étant pas parvenue à ses fins en Syrie, c'est-à-dire
faire tomber le régime de Bachar El Assad allié arabe de l'Iran, elle concentre
désormais son action déstabilisatrice contre le maillon faible des pro-iraniens
dans le monde arabe : l'Etat irakien. Les Etats-Unis pourtant «tuteurs» de cet
Etat font semblant d'être inquiets de ce qui se passe en Irak, mais sans voler à
son secours. En fait, les Saoudiens et l'EIIl travaillent à la réalisation du
plan qu'ils ont arrêté pour l'Irak en l'envahissant et en mettant fin au régime
de Saddam Hussein : la division du pays en trois entités communautaristes,
chiite au Sud, sunnite au Nord et kurde à l'Est.
Que l'EIIL ait été classée par eux organisation terroriste
ne change en rien la donne irakienne à leurs yeux. Ils savent l'EIIL sous
tutelle et influence de leur allié stratégique Ryadh, lequel saura lui imposer
les lignes rouges qu'elle ne doit pas transgresser en terme d'antiaméricanisme
et d'anti-occidentalisme en général. Dire que l'Amérique n'a pas atteint ses
objectifs dans le monde arabe suite à l'invasion par elle en Irak relève de
l'aveuglement ou du refus d'admettre qu'elle en a eu qu'un seul, celui de
plonger cette région dans le chaos et de découdre l'unité de ses peuples.
Enregistrer un commentaire