Démembrement
le 14.06.14
La boîte de Pandore a été ouverte, disait en 2003 un chef d’Etat
occidental, parlant de la guerre que les Etats-Unis venaient d’engager
en Irak, et à laquelle, son pays était opposé. Cela a dû faire grincer
des dents, mais on se rend compte aujourd’hui à quel point il avait vu
juste. Et encore, ce point de vue ne concernait que l’Irak, déjà marqué
par de profondes divisions, conséquences de décennies d’un pouvoir
dictatorial, mais qui avait néanmoins réussi à préserver l’unité du
pays. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, ce pays étant démembré, avec
un pouvoir qui tient davantage de la pression démographique, que de
celle des opinions, avec une majorité automatique.
Et celle-ci l’est tellement qu’elle est devenue hégémonique et cela
n’est pas sans conséquences. La première et la plus récente est cette
absence de majorité qui a empêché jeudi le pouvoir central de décréter
l’état d’urgence face au danger qui menace l’Irak. Un nouveau danger,
devrait-on dire, car l’Irak actuel n’est en aucun cas celui d’il y a
trente ans. On l’a encore vu avec cette guerre du pétrole ou pour le
pétrole avec la région autonome du Kurdistan, qui, aujourd’hui, dispose
plus que de simples symboles de souveraineté. Ses dirigeants ont décidé
d’exploiter le sous-sol riche en pétrole et d’en vendre à qui ils
veulent contre l’avis des autorités centrales. Le processus a commencé
en 1991, lorsque les Etats-Unis, engagés dans leur première guerre
contre l’Irak, ont imposé à l’ancien régime irakien deux zones
d’exclusion aérienne. Dès 2005, le pays, qui a vu s’ériger des entités
ethniquement homogènes, liées à la guerre interconfessionnelle, a
basculé vers la partition avec des zones bien distinctes.
Mais depuis quelques jours, la menace est autre, s’agissant de la chute
de ce qui reste de l’Etat irakien. Celle que, apparemment, personne
n’envisageait. Il s’agit de la menace djihadiste, avec des milliers
d’hommes, qui se sont, en très peu de temps, emparés de vastes étendues
du territoire irakien, se jouant des frontières même nationales, et
aujourd’hui, non loin de Baghdad. Quelques dizaines de kilomètres tout
au plus et, ultime précision de certains experts, loin des puits de
pétrole. Fallait-il en parler ainsi, alors que ce pays n’arrive plus à
sortir de ses guerres. Dans un tel cas de figure, l’Irak n’est pas un
cas isolé. La Syrie voisine s’enfonce, elle aussi, dans sa guerre avec
des conflits sans le moindre rapport avec la lutte pour les libertés.
C’est la Libye, également menacée de partition en raison de la loi des
milices. A y voir de près, on constatera que cela concerne le monde
arabe, bien que certaines situations — de moindre gravité il est vrai,
et sans que cela soit un moindre mal, car de cette nature, il n’en
existe pas — soient occultées, avec une espèce de continuité
géographique, obligeant des Etats à déployer de grands moyens pour y
faire face. Une bien triste situation sans rapport avec les lumières que
le printemps est supposé apporter. Ce sont au contraire de sombres
perspectives.
Mohammed Larbi
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