TRANSGRESSION OU RETOUR DU POLITIQUE ?
par M. Saadoune
Les membres de la Coordination nationale pour les
libertés et la transition démocratique (CNLTD) ont rencontré deux dirigeants du
FIS (Kamel Guemazi et Ali Djeddi) dans le cadre du projet d'organisation d'une
conférence nationale pour la transition. Quand on connaît le parcours de
certains partis acteurs de cette coordination - comme le RCD -, on peut y voir
un signe d'une évolution des esprits. Et il faut s'attendre sans doute à des
accusations, déjà entendues par le passé, de «collusion» avec les islamistes.
Pendant longtemps cette «transgression» était
réservée aux partis dits réconciliateurs comme les signataires du contrat
national à Rome. Et cette transgression du «tabou» était constamment dénoncée
et vilipendée par ceux qui, aujourd'hui, font le chemin dans cette direction et
discutent avec des anciens dirigeants du FIS. C'est un progrès même s'il faut
s'attendre à un tir de barrage de la part du pouvoir. L'idée de transgression
avec sa connotation quasi religieuse a été le cœur du thème sécuritaire sur
lequel s'est structurée une entreprise de bannissement «général» de la vie
politique. La seule politique autorisée étant celle que le pouvoir contrôle. Le
FIS a été constamment - et il le demeurera encore - agité comme le
croquemitaine qui permet de geler la vie politique. C'est ce qui est imposé
depuis les années 90.
Le «retour du FIS» a servi de repoussoir pour
empêcher de discuter des libertés publiques et des droits politiques. Une
stratégie de la peur a globalement fonctionné en jouant sur les mots. Et on
peut s'attendre à ce que cela soit encore le cas. Les leviers qui ont
fonctionné au cours des deux dernières décennies peuvent encore jouer pour
entraver un retour, nécessaire, du politique. On fausse le débat en réveillant
la phobie d'un retour aux années 90 alors qu'il s'agit d'en faire l'inventaire
et de tirer les leçons. Le «retour du FIS» est une fausse question qui sert à
empêcher de parler du rétablissement des libertés «pour tous». La gestion
sécuritaire de la vie politique a entraîné un bannissement civique de tous ceux
qui ont été membres du FIS. Ils sont interdits de politique et ne peuvent créer
des partis. Et cela se fait par ukase et non à la suite d'une décision de
justice.
Le système organise régulièrement une diversion sur
le thème de la menace islamiste tout en ne se privant pas cependant d'utiliser
les islamistes. C'est une carte commode pour maintenir un contrôle policier du
champ politique. Les libertés ne se saucissonnent pas, elles doivent être
défendues pour tous. Feu Abdelhamid Mehri qui est constamment resté un
politique n'hésitait pas à qualifier cette exclusion contre les Algériens qui
ont été à un moment ou un autre membre du FIS de retour au code de l'indigénat.
Sofiane Djilali, président de Jil Jadid et membres de la coordination, a touché
du doigt le fond de la question en estimant qu'il est nécessaire de régler le
problème posé par «l'exclusion d'une partie de la population». Et c'est bien de
cela qu'il s'agit, d'une partie de la population et non d'un sigle. Il ne faut
pas revenir au passé, certes. Mais il ne faut pas non plus que le pays reste
enfermé dans la manière, contestable, dont a été géré ce passé.
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