ELWATAN-ALHABIB
mercredi 7 mai 2014
 
Tous assis : sur un baril de poudre et sur un baril de pétrole 
 
 
 
 
par Kamel Daoud
Le « changement ». Le mot ne change pas. Il est là, assis  dans la tête, sans bras ni jambes avec sa tasse de café froid et nos regards muets. Image d'entame. Car ce fut, encore une fois, ce que l'on attendait. Depuis les premières photos de Messali. Quelque chose de radical, profond, net et qui puisse faire redémarrer, en soi, l'envie de vivre et de partager et de planter le drapeau sur la lune, au lieu de le laisser planté derrière soi. En gros, le politique en Algérie se résume à deux mots : changement/reconduction. Boutons On/Off. On y va ou on retarde. C'est ce qui divise le pays dans la tête. On scrute « le changement » dans la liste de nouveaux ministres, dans les rumeurs, les élections et nominations et dans les images de préséances, à l'ENTV. Et on parle de statu quo, de reconduite, de sursis, d'immobilité et de stabilité, quand cela ne se fait pas. C'est le binaire algérien. Avec zéro et Un mais avec l'addition des deux qui donne zéro. Cela arrive dans les pays où le « politique » se résume entre la famille qui règne et la famille qui attend. Le IN et le Out. Donc, pour cette fois, malgré soi et les pentes en soi et les évidences que la terre est ronde, on a attendu un changement. Il ne vient pas. C'est la même chose qui vous regarde dans le faux miroir de son insolence. Pourtant, il y a de nouveaux prénoms, des promesses, des gens et cela ne convainc pas. On attend, depuis si longtemps, qu'on a fini par attendre le radical, pas la transition, le 1954 et rien de moins.

Bouteflika, assurera-il « le changement » ? Peu probable. Il va continuer. Il s'est fait réélire pour ne pas « changer ». Car « changer » aurait dû commencer par lui. On ne change pas les autres si on ne se change pas. Donc, on continue. Et les hommes qui «entrent» t dans la machine, peuvent-ils la changer ? Non, dit le manuel du scepticisme. Un peu, pensait Hamrouche. Oui, crie Sellal. Le 4ème mandat a été vendu, contradictoirement, comme mandat du « changement de la dernière chance » et comme stabilité/immobilité. Contradiction dans l'emballage. Sauf qu'il y a l'autre question terrible : on a tellement attendu le changement qu'on a oublié l'objet du changement. Car la question est « changer en quoi ? ». Le Pouvoir, chez nous, a fabriqué un désert où il trouve son pétrole pendant qu'on y cherche notre eau. Il a détruit le changement comme concept clair. Il n'en reste que le désir trouble et peu convainquant, pour la masse. On veut changer mais on ne sait pas en quoi. Il y a si peu d'idées à offrir en posologie. Changer est, désormais, un vieux souvenir qui s'efface pendant qu'on se répète. On a donc peur et on ne sait pas quoi faire. On sait qu'il faut « changer », sinon on va disparaître, mais on ne sait pas qui épouser : le vent fort, un autre père du peuple, le virage dur de ce moment ou la ligne de son horizon, une barque, ses chaussures ou son salaire ? Le système est, désormais, alimentaire : il tiendra sans les prénoms et ses gens. Il est un consensus du moindre effort. On est, tous, assis sur un baril de poudre mais on est, tous, assis sur un baril de pétrole. Les deux à la fois. Le mélange. Rien ne change.

Le régime algérien est le régime alimentaire du peuple. Il faut que ce dernier change pour que le premier s'évapore. On ne peut pas changer son Président ou son pays tant qu'on n'a pas encore changé de menu.

C'est alimentaire.

 
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