Nouvelle mouture de la constitution
Le pouvoir redécouvre les vertus de la limitation de mandats
Bouteflika a amendé la Constitution en 2008 pour pouvoir postuler...
Retour à la limitation des mandats présidentiels et adaptation de la
Constitution aux «besoins» liés à l’état de santé du chef de l’Etat.
C’est l’âme de la mouture de la révision constitutionnelle proposée,
depuis jeudi dernier, au débat par la présidence de la République.
En effet, cette mouture, qui aurait pu être la nouvelle Constitution du
pays si son adoption n’avait pas été ajournée en 2013, ne propose pas,
de l’avis de plusieurs partis politiques, «une révolution du système
politique algérien». Et pour cause, après quinze ans de pouvoir sans
partage et un quatrième mandat validé en avril dernier, le pouvoir
reconnaît enfin que la suppression, en 2008, du verrou limitant les
mandats présidentiels à deux était contraire à l’alternance au
pouvoir.«L’amendement proposé dans ce cadre porte sur la
constitutionnalisation de l’alternance démocratique, dans le préambule
et sa traduction dans le corps de la Constitution par une limitation du
nombre de mandats présidentiel», explique-t-on dans le texte publié par
la Présidence sur son site internet el-mouradia.dz.
Ainsi, cette mouture propose le retour à l’ancienne disposition
contenue dans la Constitution de 1996 en amendant l’article 74. «La
durée du mandat présidentiel est de cinq ans. Le Président de la
République est rééligible une seule fois», stipule l’amendement de
l’article en question. Le président Abdelaziz Bouteflika gardera, de ce
fait, le record de longévité à la tête de l’Etat en totalisant, en 2019,
vingt ans de pouvoir.
Afin d’éviter un blocage institutionnel en cas d’absence prolongée,
comme ce fut le cas en 2013 suite à l’accident vasculaire cérébral (AVC)
dont il garde des séquelles, le régime songe déjà à une solution.
Celle-ci est trouvée. Et ce n’est pas la création du poste de
vice-Président, qui n’est pas prévu dans cette mouture, comme annoncé
auparavant. C’est le Premier ministre qui héritera, par délégation, de
certains pouvoirs du Président. Le texte de la Présidence porte, dans ce
sens, sur l’élaboration d’un nouvel article (le 81 bis) et l’amendement
de l’article 85 de l’actuelle Loi fondamentale. «Le Premier ministre
peut recevoir du président de la République, dans les limites fixées par
la Constitution, une délégation du pouvoir réglementaire», stipule
l’article 81 bis.
Le Sénat renforcé
Le Premier ministre peut également, selon l’amendement de l’alinéa 3 de
l’article 85, «signer des décrets exécutifs par délégation du président
de la République».Outre le pouvoir exécutif, les propositions de la
Présidence portent également sur le pouvoir législatif. Seulement, les
amendements proposés ne cadrent pas avec les aspirations de la classe
politique, exprimées notamment devant la commission Bensalah en 2011.
Alors que des questions se posent sur l’utilité de la Chambre haute du
Parlement et des voix demandent carrément sa suppression, ces
amendements proposent le renforcement de ses pouvoirs. En vertu de ces
amendements, le Conseil de la nation, qui gardera toujours son tiers
bloquant (le tiers présidentiel), pourra même légiférer en élaborant des
propositions de loi – un domaine réservé actuellement aux membres de
l’APN. Mais cette brèche qui lui a été ouverte reste limitée aux
domaines de «l’organisation locale», de «l’aménagement du territoire» et
au «découpage administratif». Le reste des propositions ressemble à un
ameublement de la future Loi fondamentale.
En plus des prérogatives du Sénat, la mouture propose des séances
mensuelles au sein des deux Chambres pour faire entendre la voix de
l’opposition, qui reste étouffée. La seule nouveauté concernant les
membres des Parlements est la déchéance du mandat des élus qui «changent
d’appartenance politique sous l’égide de laquelle ils ont été élus par
les citoyens». Une disposition qui devrait plutôt être incluse dans la
loi organique portant régime électoral et non pas dans la Constitution.
Tamazight éludée
S’agissant du pouvoir judiciaire, le Conseil constitutionnel, toujours
critiqué, reste sous l’emprise de la Présidence qui nomme la majorité de
ses membres. Son autonomie financière et administrative n’est qu’une
simple formalité.
Ayant fait l’objet de plusieurs discussions, y compris lors des
consultations menées par Abdelkader Bensalah, la question de
l’officialisation de la langue amazighe est totalement oubliée dans ces
propositions. Cela laisse apparaître l’arrière-pensée du pouvoir qui
veut garder «inchangée la question des constantes nationales, auxquelles
il ajoute une quatrième, en l’occurrence la paix et la réconciliation
nationale». Les partis et les personnalités qui répondront favorablement
à l’invitation d’Ahmed Ouyahia en juin prochain ne seront pas, en tout
cas, autorisés à émettre des recommandations concernant «ces
constantes nationales»...
Madjid Makedhi
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