Aucun
débat sur les questions stratégiques n'est inutile. Le fait que l'Algérie se
retrouve dans une géographie tumultueuse avec des problèmes dans des pays
voisins, de la Libye au Mali, ne dispense pas d'en discuter. Bien au contraire.
Plus le débat est public et contradictoire plus il est utile, même si on ne
peut échapper, sur ses questions, aux risques de mises à l'index. Ces derniers
temps, à la faveur de la dégradation de la situation en Libye et aussi au Mali,
la doctrine de «non-intervention» de l'armée algérienne hors de ses frontières
a été discutée. Ceux qui appellent à la révision de cette doctrine soutiennent
que l'Algérie ne peut rester dans la position du «spectateur» quand des
évènements lourds se déroulent dans son voisinage immédiat. L'évolution
chaotique de la situation en Libye et au Mali au cours des dernières semaines
sert d'argument et de toile de fond de ce qu'on pourrait appeler les
interventionnistes.
Dans
le cas de la Libye, la non-intervention de l'Algérie au bon moment -et son
incapacité à mettre la pression sur Kadhafi dès le début de la crise- a été
compensée ou exploitée par les Occidentaux pour y intervenir en se permettant,
au nom du devoir de protéger, une lecture très discutable des résolutions du
Conseil de sécurité. La suite, on la connait. En Libye, où les « nouvelles
élites» sont très hostiles à l'Algérie, il y a un chaos politique durable qui
pose de sérieux problèmes.
En
somme, l'Algérie paye pour avoir choisi d'être attentiste alors qu'il fallait
qu'elle soit proactive. Au Mali, on lui reproche même de ne pas être intervenue
alors que les autorités de Bamako le souhaitaient et laissaient entendre que
les problèmes du nord du Mali sont une «exportation algérienne» de djihadistes.
Mais ce n'est pas un véritable argument. «L'exportation algérienne» en question
s'est greffée d'abord d'un problème malien endémique d'intégration des
populations du Nord. Ce problème demeure même après la dispersion des
djihadistes qui tenaient le nord du Mali. L'argument des partisans d'un
dépassement de la doctrine de la non-intervention est qu'en se privant d'agir
au moment qu'il faut dans le voisinage, l'Algérie ne sera pas pour autant
prémunie des conséquences de la dégradation de la situation. En clair, on peut
avoir eu raison de dire que l'intervention de l'Otan en Libye fera plus de mal
que de bien, cela n'empêchera pas d'avoir à en subir les effets. Mais cela
justifie-t-il pour autant de changer de doctrine et de prendre le risque de
s'envaser dans les théâtres extérieurs ? Les mêmes arguments peuvent être
retournés pour défendre l'option traditionnelle. L'intervention française au
Mali ne règle aucun des problèmes de ce pays. Paris est obligé de maintenir une
force pour préserver un statuquo fragile et qui peut être rapidement remis en
cause comme en témoignent les derniers évènements. On peut toujours regretter
que la présence politique algérienne -qui inclut le travail des services,
lesquels sont par nature non soumis au principe de non-ingérence- n'ait pas été
efficace au cours des dernières années.
Mais,
la diplomatie serait-elle performante alors que l'ensemble du système ne l'est
pas ? Aller sur des théâtres extérieurs devenus explosifs est un pas très
risqué qui ne peut être franchi avec légèreté. A plus forte raison quand on a
un système en crise qui a besoin d'abord de changer radicalement et de recréer
le lien avec les citoyens.
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