Le choix dicté par son désert
par Kamel Daoud
Retour
sur le choix des hommes. Pourquoi Bouteflika garde les mêmes pour faire du service après- vente,
après les élections ? Vus d'ailleurs, certains choix semblent très douteux.
Choisir Ouyahia comme patron des consultations pour la prochaine Constitution
est une erreur. L'homme est politiquement marqué, il a mauvais souvenir dans le
souvenir du peuple, il est dur, tranchant, sans chaleur humaine et peu
charismatique. Ce n'est pas un portrait méchant car l'homme a aussi ses
qualités : rigueur, volonté de fer dans un pays de plastique, visionnaire et
mécanique comme une machine, administrateur brillant parfois. Sauf que pour
manager une sorte de noces entre un vieux président et une opposition chétive
et éparpillée, il fallait quelqu'un d'autre. Un homme politique transcendant
les méfiances algériennes, les écoles, les reproches. Chinois ou un diplomate
international aurait été plus indiqué.
D'où
la question : pourquoi Bouteflika choisit ses hommes ainsi ? A cause du désert.
Celui qu'il a traversé selon sa biographie mystique. A l'époque du désert,
Ouyahia, diplomate à New York, savait accueillir avec chaleur le Bouteflika de
cette époque. Avec politesse, signes de respect et sollicitudes. Contrairement
à d'autres. Et Bouteflika a la mémoire de la rancune et des hommes. Beaucoup de
ses choix de nominations pour ses rouages d'empire dépendent de ses souvenirs.
Cette subjectivité est à l'origine de beaucoup de ses décisions et choix. Les
postes sont pourvus en fonction d'un état d'émotion, de l'affect, plus que de
l'Etat. Cela se voit et se fait ailleurs mais chez nous, le tabou est formel
sans être réel et ne s'assume. C'est ce qui explique la contradiction et ces
alliances étranges, parfois au détriment des résultats et du bénéfice entre ce
président et les hommes qu'il a choisis. En gros, on reste Algérien même au
sommet de l'Algérie : émotif, avec une mémoire du sentiment, dans l'économie tribale
de la dette, sensible à la généalogie du geste et du don. Bouteflika a gardé
souvenir. Se souvient. Et gère son Etat selon cette mémoire.
La
mémoire est à l'origine du pays. La mémoire déteint sur le présent. Elle en
commande le rythme et le portrait. On est un peuple qui descend de la mémoire
mais qui y reste assis. Ce Président ne déroge pas à la règle de la sanction et
de la récompense en fonction du temps d'autrefois. Ouyahia ? C'est un mauvais
choix pour mener un dialogue. Mais c'est un choix de l'affect
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