par Chitour
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Le 15 avril 2014
« Qui
s’instruit sans agir, laboure sans semer.
» Proverbe
arabe
Mon
attention a été attiré par un ouvrage qui fait le procès de
l’Islam ; « Aristote
au Mont Saint Michel ». Dans sa charge où on sent une haine
sourde qui n’a rien à voir avec un travail d’historien digne de
ce nom, Sylvain Guggenheim, attribue la Renaissance de l’Europe à
l’apport d’un obscur abbé Jacques de Venise, dans l’Abbaye du
Mont Saint Michel et à des Chrétiens assyriens, des Juifs, des
Perses bref tout sauf des Arabes ! Mieux encore pour lui l’Islam
de par sa rigidité – conditions de Dimmis- a empêché ces
compétences non arabes de mieux s’épanouir de mieux transmettre
en clair, on pourrait comprendre que la Renaissance de l’Europe
aurait pu se faire plutôt
Mais
qui a traduit Aristote?
Mais
qui a traduit Aristote ? C’est par ces mots qu’Andrè
Burguière renvoie dos à dos les honnêtes courtiers quant à
l’apport de la civilisation islamique au patrimoine universel , et
le procès des Arabes et de l’Islam à qui Sylvain Guggenheim dénie
tout apport à la renaissance de l’Europe . Nous l’écoutons
: « Il semblait acquis que l’Europe avait redécouvert la
philosophie grecque au Moyen Age grâce aux Arabes. Sylvain
Gouguenheim le
conteste, au grand dam de ses confrères L’Europe a-t-elle toujours
gardé un lien direct avec les penseurs grecs ou a-t-elle renoué
avec eux par l’intermédiaire de la culture arabe après un oubli
de huit siècles? Ce débat est devenu une question explosive L’idée
que les universités du XIIIème siècle ont redécouvert Aristote à
travers Averroès et la médecine grecque dans l’oeuvre d’Avicenne
est reprise comme une évidence par ceux qui veulent combattre
l’islamophobie renaissante en Europe et qui refusent de désespérer
Bab-el-Oued ».(1)
Vient
ensuite un plaidoyer de l’auteur : « Qui peut reprocher
à un historien de s’attaquer aux idées reçues? L’essai de
Sylvain Gouguenheim, appuyé sur une solide connaissance des échanges
intellectuels entre Orient et Occident au Moyen Age, est convaincant
sur deux points essentiels: les clercs d’Occident n’ont jamais
perdu le contact avec les textes de la Grèce antique. Quand le grec
a cessé d’être connu des lettrés dans le monde latin, des clercs
souvent formés à Byzance se sont mis à traduire les auteurs grecs;
comme ce Jacques de Venise dont Gouguenheim nous rappelle le travail
considérable. Attaché à l’abbaye du Mont-Saint-Michel, l’un
des ateliers de copie les plus actifs de l’Occident, il a traduit
en latin au milieu du XIIème siècle la plupart des oeuvres
d’Aristote. Dans le monde musulman lui-même, ce sont avant tout
des chrétiens syriaques qui ont traduit en arabe et commenté les
textes grecs, comme le nestorien Yuhanna ibn Masawayh, médecin et
logicien, né au VIIIème siècle sous le calife Harun al-Rachid, ou
son disciple Hunayn ibn Ishaq. (…) » (1)
« Selon
Gouguenheim, l’Occident ne devrait rien ou presque à la
transmission arabe du savoir grec, puisqu’il existe une filière
concurrente de traductions latines du grec. Comme « notre »
savoir est grec, Gouguenheim tente de montrer, toujours selon
Aurélien Robert, que l’Occident n’a aucunement eu besoin de la
médiation arabe, mais aussi que les Arabes n’étaient pas
capables, faute d’outils linguistiques et conceptuels appropriés,
d’assimiler ce savoir grec. Gougenheim insiste sur une autarcie de
l’Occident et la connaturalité de la culture grecque et de la
culture chrétienne ; l’hellénisation limitée – voire
manquée – du monde arabe (les Arabes auraient reçu passivement le
savoir grec qu’ils n’ont pas su assimiler). Ces deux aspects sont
liés pour Gougenheim, car, pour lui, c’est parce que la raison est
l’apanage des Grecs et des chrétiens que l’islam n’a pu ni
s’helléniser, ni devenir rationnel ». (2)
« Mais
pour Marwan Rashed « le
monde arabo-musulman n’a pas reçu passivement le savoir grec,
puisqu’un savoir y était déjà constitué, dont une large partie
n’avait d’ailleurs pas encore d’équivalent en Occident (comme
l’algèbre ou
la médecine). Le besoin de traductions des textes grecs en arabe ne
s’explique donc que par une volonté d’un savoir nouveau pour
répondre à des questions déjà posées par les penseurs arabes. En
ce qui concerne la philosophie, dès le ixe siècle
les théologiens rationnels (les Mutakallimun) auraient formulés,
selon Marwan Rashed, des théories très complexes pour penser la
compatibilité de la liberté et de la prédestination, les limites
du possible en métaphysique et la constitution du monde dans une
physique de la création. (…) ».(2)
Ceci
est vrai, le pensons nous ! Les Arabes vivent dans le rêve, et
s’en remettent par fatalisme à une époque révolue. Mais ceci n’a
rien à voir avec l’Islam ! Les Arabes c’est 300 millions de
personnes une île dans un océan 1,3 milliard de musulmans. Les
autres musulmans réussissant à l’instar des pays d’Asie tels
que la Malaisie voire l’Iran qui est une nation spatiale, qui
dispose des meilleurs centres de recherche qui lui ont permit de
faire atterrir en douceur le dernier drone américain venu en espion
au dessus du territoire…
Qui
sont les syriaques ? Arme fatale de Guggenheim contre les
Arabes ?
Sylvain
Guggenheim a pour fil conducteur : l’islam et les Arabes ne
sont pas des références. Il cite abondamment les non –arabes les
non musulmans notamment les chrétiens assyriens. Examinons d’abord
la langue, on montrera que sa parenté avec l’arabe est totales.
Nous lisons dans l’encyclopédie Wikipédia : « Le syriaque
est
une langue
sémitique du Proche-Orient, appartenant au groupe
des langues
araméennes. L’araméen
existe au moins depuis le xiie siècle av. J.-C.
Le
syriaque représente si l’on veut un « dialecte » de
l’araméen
L’araméen –
la langue du Christ- apparaît en Syrie et
en Mésopotamie,
au moins dès le Ier millénaire
avant notre ère. À partir du xiie siècle av. J.-C.,
des tribus araméennes venues du sud s’installent en Syrie et en
Iraq. l’araméen devint la lingua
franca du Moyen-Orient » (3)
Après
la conquête arabe au viie siècle,
le syriaque va perdre définitivement son rôle de langue d’échange.
L’usage de l’arabe se répand dans les villes et cantonne
progressivement les parlers araméens, qui s’éloignent de plus en
plus du syriaque classique, dans des contrées toujours plus
reculées. ».(3)
La
suprématie de la langue arabe
Une
langue ne s’impose pas quand elle n’est pas adossée à une
production intellectuelle. C’est tout naturellement que les savants
de l’époque, juifs, chrétiens assyriens , perses, se sont mis à
l’arabe langue plus fluide . Quand Maimonide écrivit « Dalil
el Haïrine »
« le Livre des égarés », son ouvrage majeur qui est
encore une référence dans le monde juif, il le fit en arabe, il
aurait pu le faire en syriaque, en hébreu. L’Arabe du moyen âge
était la vulgate planétaire, c’était
l’anglais du XXe siècle.
« Quand
l’arabe a commencé à s’imposer dans le Croissant
fertile,
les Chrétiens ont commencé par écrire l’arabe avec des
caractères syriaques. Ces écrits sont appelés karshouni
ou garshouni.
On a pensé que l’alphabet arabe dérivait d’une forme d’araméen
appelé nabatéen utilisé
dans la région de Pétra.
Des hypothèses plus récentes nuancent cette affirmation et lient
l’alphabet arabe à l’alphabet syriaque
Les
locuteurs du syriaque sont appelés chaldéens ou assyriens, du nom
de leurs Églises. La parenté des grammaires et du vocabulaire est
très importante ce qui explique le passage du syriaque à l’arabe
sans problème Mieux encore La poésie syriaque est purement
ecclésiastique (…) Au ixe siècle,
la rime fut introduite par imitation de la poésie arabe (première
attestation : (…) Certains poètes de basse époque tentèrent
d’imiter la virtuosité technique de leurs collègues
arabophones ». (3)
La
langue arabe a au moins servi à cela ! Mieux dans le Nouveau
Testament ,
les dernières paroles du Christ ont été laissés en araméen. A
leur lecture : « Ya
ilahi, Ya ilahi, Lima sabactani ?»
« O mon Dieu, O mon Dieu, Pourquoi m’as tu laissé
tombé ?que les Chrétiens occidentaux ânonnent sans savoir, un
locuteur arabe les comprend parfaitement : « Mon
Dieu pourquoi as-tu pris de l’avance sur moi,- tu m’as
abandonné ? » …
Il
n’y a donc pas de division à introduire entre les chaldéens
assyriens et arabes au niveau de la culture et de la langue. Ce sont
des langues sœurs, et même si on devait un jour établir le génome,
il y aura à n’en point douter des ressemblances. Reste
l’ethnie sociale ? Est-ce important ? Est cela qui fait
dire à Guggenheim que les Arabes sont nuls sont des imposteurs et
que ce sont des Chaldéens assyriens qui ont tout fait pour
transmettre à l’Europe l’héritage grec. N’est ce pas plutôt
cette atmosphère d’abord de Dar
El Hikma à
Bagdad – qui était une grande belle ville alors qu’’à
l’époque Londres était un gros bourg- où on comptait dit-on des
centaines de milliers d’ouvrages ou le sultan donnait son poids
d’or à tous les traducteurs d’ouvrage ? Cela se passait au
VIIIe siècle Les ministres étaient juifs Pendant qu’il était
interdit aux juifs d’enterrer leurs morts intra-muros à Paris ,
que l’inquisition battait son plein ? Comment expliquer cette
période que nous fait connaitre par miracle Sylvain Guggenheim –
que constituait l’Abbaye du mont Saint Michel alors que l’Europe
était à feu et à sang qu’en pendait les hérétiques qu’on
rôtissait les Juifs ?
On
dit, d’après Mostefa Lacheraf ; que pour écrire la Muqqadima
Ibn
Khaldoun, le père de la sociologie a consulté des milliers
d’ouvrages. A Grenade et à Cordoue l’atmosphère intellectuelle
était très favorable à la floraison des idées, une liberté de
penser en action, qui fait que les Juifs , Musulmans et Chrétiens
vivaient en harmonie Seul le savoir était à l’honneur et pouvait
discriminer envers les individus ,ce n’était ni l’ethnie, ni la
religion !
Les
réactions à propos de l’ouvrage : Les pour et les contre
Il
est dans la nature des choses qu’un livre soit critiquée. Certains
ont cur bon d’encenser cet ouvrage par conviction d’un apport
réel à la compréhension des mouvements civilisationnels, d’autres
par conviction préétablie qui ont vu ce livre comme une bénédiction
car il permettait de donner corps à toutes les strates haineuses
accumulées. D’autres enfin là encore par conviction ont vu dans
ce livre, une méconnaissance réelle de l’apport de la
civilisation islamique qu’on ne peut avancer que par mauvaise foi
tant les preuves abondent du rôle de passeur de culture qu’a joué
la civilisation islamique
Dans
l’encyclopédie Wikipédia, nous lisons : « la
publication est d’abord saluée par un article du journaliste
Roger-Pol
Droit,
« Et si l’Europe ne devait pas ses savoirs à l’islam ? »
dans Le
Monde des livres du
4 avril 2008 (…) Le 25 avril, Le
Monde publie
ensuite une lettre envoyée par Hélène
Bellosta et
signée par quarante chercheurs, dont Alain
Boureau.
D’autres spécialistes en histoire et philosophie médiévale
tels Gabriel
Martinez-Gros ou Alain
de Libera lui
reprochent de nier, à des fins idéologiques, l’apport des
intellectuels arabes dans la transmission du savoir grec à l’Europe
au Moyen Âge ou d’écrire des« inepties » et
le soupçonnent de développer une thèse nourrissant celle du choc
des civilisations ».(4)
« Le
30 avril, Libération donne
la parole à 56 chercheurs dont Barbara
Cassin, Alain
de Libera et Jacques
Chiffoleau, « Oui,
l’Occident chrétien est redevable au monde islamique » considérant
que la démarche de l’auteur n’avait « rien
de scientifique » et
qu’elle n’était qu’« un projet idéologique aux
connotations politiques inacceptables »
(…)
Jean-Luc
Leservoisier,
conservateur de la bibliothèque d’Avranches depuis
vingt ans, et participant depuis 1986 à la sauvegarde et à la mise
en valeur des 199 manuscrits médiévaux du mont Saint-Michel dont
les traités d’Aristote, écrit :« C’est du pur
roman ! … On sait trois fois rien sur Jacques de Venise. Son
nom est cité seulement dans deux lignes de la chronique latine de
l’abbé Robert
de Torigni entre
les années 1128 et 1129, où il est dit que celui-ci a traduit les
œuvres d’Aristote. Mais en aucun cas il n’a pu venir au mont
Saint-Michel à la fin des années 1120, période de troubles
extrêmes qui culminèrent avec l’incendie de l’abbaye par les
habitants d’Avranches en 1138. » (4)
On
le voit le « chainon
manquant »
qui dit-on a servi de courroie de transmission un certain Jacques de
Venise, honnêtement pouvait il traduire autre chose que des livres
religieux ? S’agissant de l’apport technologique et
scientifique, qui a bien eu lieu, Sylvain Guggenheim Guggenheim a son
idée ! Pour lui ce ne sont pas des Arabes mais des Chrétiens
assyriens et des Juifs des dimmis, brefs des esclaves qui dans des
conditions sociales difficiles- tel qu’on les présente en
Occident- Faut croire qu’ils aimaient être dimmis, puisque cela
leur a permit d’écrire, de traduire, d’inventer à l’aise,
voire occuper les plus hautes fonctions dans la hiérarchie
Que
reste-il , en définitive du réquisitoire de Guggenheim contre les
Arabes, l’Islam ? Pas grand-chose si on est scientifiquement
honnête ! Ce réquisitoire ne peut s’expliquer que par un
sacerdoce Pour nous Sylvain Guggenheim n’a pas été
scientifiquement honnête. Il s’est d’abord fixé le cap et il a
utilisé toute son énergie à démontrer-en vain- son postulat ou
plutôt son apostolat celui de diaboliser les Arabes et l’Islam.
Pourquoi
fait il cela ? On dit que c’est un historien du Moyen âge. Je
lui propose de faire une enquête aussi minutieuse sur le sort des
Juifs en Europe depuis que l’Eglise les a proclamé déicides. Il
pourra peut être expliqué les pogroms et avoir un regard indulgent
sur l’Islam qui à la même époque en Andalousie était le berceau
de la tolérance et le sanctuaire des Juifs, « El Hara »
« la Maison du dernier secours, en hébreu
Il
pourra aussi nous expliquer le cheminement de l’antisémitisme qui
touche tous les peuples sémites- pas seulement les Juifs- mais aussi
les musulmans arabes, les chrétiens arabes, assyriens. Gageons qu’il
ira jusqu’à nous révéler honnêtement qu’il n’y a pas de
peuples juif mais une religion juive. Que les Cananéens étaient les
ancêtres communs des Israéliens et des Palestiniens et peut être
qu’avec un peu d’empathie il tordra le cou au conformisme ambiant
en admettant que ce qui compte ce n’est pas l’appartenance
ethnique ou religieuse c’est ce que l’on apporte individuellement
à l’humanité pour diminuer l’anomie du monde ce que les
thermodynamiciens appellent l’entropie. Monsieur Guggenheim confond
militantisme pour une cause et les faits historiques qui sont têtus.
La
civilisation islamique a sa place parmi les grandes civilisations.
Ceux qui l’ont portée aux nues étaient musulmans, mais aussi
juifs, zoroastriens, chrétiens. Bref des arabes, des assyriens, des
perses, des phéniciens et palestiniens qui se sont épanouis à
l’ombre de l’islam et d’une langue qui a connu ses heures de
gloire. Les Arabes n’étaient qu’une composante mais le miracle
de la langue arabe est qu’elle a été la langua
franca pendant
des siècles. Un seul bémol le sort actuel des peuples arabes n’est
pas du ni à la langue encore moins à l’islam mais à leur
dirigeants qui se sont installés dans les temps morts, pour
l’éternité avec la complicité active de l’Occident mais ceci
est une autre histoire
1.
André
Burguière
http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20080522.BIB1350/mais-qui-a-traduit-aristote.html
22-05-2008
2.
Bachir Senouci :Les Grecs, les Arabes Revue Africaine des Livres
Vol. 9 n°1,
Mars
2013
4.
Aristote au Mont Saint Michel Encyclopédie Wikipédia
Professeur
Chems Eddine Chitour
Ecole
Polytechnique enp-edu.dz
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