Cette campagne électorale qui s'est déroulée en
l'absence du candidat sortant était déjà bien étrange, elle se termine dans le
surréalisme le plus total. La polarisation entre le camp Bouteflika et celui de
Benflis sur fond de crise patente du régime n'est pas une vraie surprise. Mais
la perte de cohérence du système crée des risques de rupture avec le réarmement
de «açabiyate» qu'on croyait révolue. Abdelmalek Sellal était trop dans sa
bulle pour prendre la mesure de la crispation créée dans les esprits par le
quatrième mandat et l'instauration de fait d'une présidence à vue. Il a
continué à fonctionner comme si rien ne se passait, hors de la bulle, jusqu'à
ce qu'une blague, probablement dite de manière innocente, devienne un élément
significatif dans le retournement de la campagne.
Aujourd'hui, par pudeur, on n'évoque pas les
répliques de cette sortie qui bien évidemment sont amplifiées par le contexte
électoral. Et surtout par la crise interne du régime. Même si on passe l'écueil
de l'après-17 avril sans encombre, il est certain que ce qui s'est passé
laissera des traces. Le tissu social ne sortira pas renforcé d'une élection
censée, en situation normale, renouveler et renforcer le lien entre la
population et les institutions. Les accusations, parfois très graves, qui sont
lancées par les états-majors des campagnes alourdissent l'atmosphère. Le
soupçon de fraude - qui restera toujours présent en raison du déficit de
crédibilité des institutions et de l'alignement de l'administration - restera
de mise, quel que soit le résultat.
C'est bien le signe d'une crise terminale du régime
sur fond de désorganisation - entretenue - de la société et cela est source
d'inquiétudes légitimes. D'autant que l'avant-dernier jour de la campagne s'est
terminé par la scène absolument ahurissante d'un président de la République se
plaignant à un ministre étranger du comportement de son rival à la
présidentielle. Une scène inimaginable et qui montre que ce n'est pas seulement
Sellal qui s'exalte dans sa bulle. Comment a-t-on pu oublier que le régime
algérien est en théorie soucieux de «non-ingérence», lui qui a reproché
constamment aux opposants d'aller se «plaindre à l'étranger» ou dans les
«ambassades» ? La scène diffusée samedi soir au journal télévisé est plus que
surréaliste, elle est également un «marqueur» de cette interminable fin de
régime qui enserre le pays et qui affole ceux qui savent que le pire n'est pas
une vue de l'esprit.
Que l'on s'entende bien. Il arrive, même si ce n'est
guère souhaitable, qu'un responsable évoque des questions intérieures avec un
hôte étranger. Cela fait partie des choses admises. Elles le sont beaucoup
moins quand cette évocation porte sur un conflit intérieur et transmet des
accusations gravissimes. Le plus aberrant cependant est que les services de la
communication de la présidence aient tenu à les diffuser sur la chaîne
publique. Comme si le président pour parler aux Algériens devait passer par un
étranger ! On n'est plus dans l'erreur de communication. On est dans une grave
perte de sens.
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