ELWATAN-ALHABIB
jeudi 24 avril 2014
 

 

Médecins, parents de malades et les associations appellent à la prise en charge des anémies héréditaires

 

 

«Quand j’appelle les familles des enfants malades, on m’annonce leur mort !»

Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte
le 24.04.14 
zoom | © D. R.

Dans une Algérie où certains se permettent le luxe d’aller soigner les plus simples bobos dans les hôpitaux parisiens, des maladies ravageuses comme les anémies héréditaires, répandues notamment au nord-est du pays ainsi que dans d’autres régions, sont encore méconnues et ne bénéficient d’aucun égard de la part des organismes de santé publique.

Chaque jour, des enfants et les personnes ayant eu la chance  d’atteindre l’âge adulte en dépit de la maladie meurent dans l’indifférence totale, faute de soins et d’une prise en charge adéquate capable de leur éviter les complications liées à ces anémies.  En termes de statistiques, la «drépanocytose», anémie à cellules falciformes, est la première maladie génétique dans le monde avec 50 millions d’individus.
En Algérie, et en l’absence d’un registre national de ces anémies, l’on estime de 2 à 4% la proportion de la population portant le trait drépano-thalassémique, avec une forte prédominance qui peut atteindre les 90% pour la drépanocytose. Très touchées, les wilayas de Skikda, Taref et Annaba sont considérées comme des zones endémiques. A Taref, on estime à plus de 2000 le nombre de malades, et à Skikda une association locale recense 1100 individus atteints. «Beaucoup de malades nous échappent et ne sont pas recensés, autrement on aurait été à un nombre encore plus important que ce que nous avons», soutient un membre de cette association.
La mort précoce est le destin  fatal des malades
En dépit de ces statistiques, le combat des malades et de leurs parents est encore au  stade de revendication de leur droit à une simple transfusion sanguine, selon les critères scientifiques requis par la médecine. Cela dit, et dans un but de sensibilisation des pouvoirs publics, des médecins, des malades et des parents de malades, issus de plusieurs wilayas du pays, et après un long combat et plusieurs réunions, ont réussi à obtenir l’agrément de la fédération nationale des anémies héréditaires, créée officiellement le 24 mars 2013. Le comble, c’est qu’après une année d’existence cette fédération n’a jusqu’à présent reçu aucune subvention de la part des organismes publics pour se lancer dans ses activités. Lors d’une récente réunion à Skikda, des membres de cette fédération ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation de prise en charge de ces anémiés en Algérie.
Le constat dressé est terrible. La situation de détresse des malades appelle à une prise de conscience immédiate pour se saisir du cas de ces maladies. «Les malades, notamment ceux issus des couches sociales pauvres, sont livrés à eux-mêmes ; dans les régions rurales, ils ne bénéficient d’aucun suivi médical ni d’un traitement spécifique ou vaccinal, ce qui leur cause de graves complications ; la situation est dramatique, on n’arrive même pas à nous occuper de ces enfants, la mort est leur seul destin», s’offusque-t-on.
«En 2010, on a assisté à la mort, à cause de ces anémies, de plusieurs enfants dans la wilaya de Taref, c’est cruel !», se désole un malade de cette wilaya. «Souvent, quand j’appelle les familles des enfants malades pour m’enquérir de leur situation ou les inviter à des rencontres de loisirs, on m’annonce leur mort, c’est tragique ; avec le temps, j’hésite à appeler de peur qu’on me dise que l’enfant est mort», confesse Sayoud Mohamed, président de la fédération nationale des anémiés héréditaires. A cette tragédie s’ajoute l’absence de structures d’hospitalisation spécialisées dans les wilayas fortement touchées.
Le problème récurrent des ruptures des médicaments et des vaccins, ainsi que des réactifs de laboratoire pour déterminer le phénotype du sang à transfuser est venu compliquer la situation.   Le ministère de la Santé est mis au banc des accusés : «On ne se préoccupe pas de nous, ni de nos malades ou de nos enfants. Qu’on écrive des rapports ou pas, c’est du pareil au même, nous faisons face à un ostracisme qui nous bannit de l’existence», fulmine un malade. Il est aujourd’hui urgent, d’après un médecin de Souk Ahras, de dégager un consensus thérapeutique national pour la prise en charge de ces anémies.
A ce titre, il y a lieu de noter que des discordances dans la prise en charge des malades ont été soulevées, à l’exemple d’une hématologue de Tizi Ouzou qui soutient mordicus que la morphine est couramment utilisée dans les traitements de la douleur chez le drépanocytaire, pendant que dans des hôpitaux de l’Est algérien l’usage de ce produit est encore tabou. L’autre défi appelle à la mise en place des structures d’accueil et d’hospitalisation à travers les wilayas, notamment les plus touchées. Pour arriver à ces objectifs, un plan d’action a été soumis au MSPRH au mois de novembre dernier par la fédération nationale des anémies héréditaires lors d’une rencontre avec des responsables du département ministériel de Abdelmalek Boudiaf.
Nécessité d’un sursaut de conscience
Selon le Dr Sebti, qui a été accueilli avec le président de la fédération au siège du ministère, ce premier contact a été fructueux à tout point de vue. «Ils nous ont écoutés et pris des notes sur les points que nous avons soulevés», affirme ce médecin, pédiatre de son état, à Skikda. Cette rencontre a permis notamment d’évoquer la question de l’harmonisation de la prise en charge des malades drépanocytaires et des thalassémiques dans les différentes structures publiques de la santé. D’autres recommandations ont tourné autour de la mise en place d’un système de dépistage ciblant les familles porteuses du gène malade et les zones à forte prévalence de ces anémies, ainsi que l’introduction de l’électrophorèse d’hémoglobine dans les examens prénuptiaux pour éviter les mariages à risque.
A terme, l’objectif est d’arriver à la création d’un centre de référence de prise en charge des malades dans les zones endémiques (nord-est algérien). Si la fédération s’est réjouie de l’amélioration des conditions de transfusion sanguine dans les hôpitaux, elle déplore les ruptures fréquentes des médicaments, notamment les produits liés à la chélation du fer (Kelfer, Desféral) et le manque total des pompes pour ce type de traitement. Elle insiste sur un autre plan sur la vaccination au Pneumo 23, un vaccin anti-pneumococcique fortement recommandé, tout comme elle appelle à la généralisation de l’utilisation des antalgiques majeurs (dérivés morphiniques) dans les hôpitaux pour le traitement de la douleur lors des épisodes sévères des crises vaso-occlusive.
A noter que la fédération algérienne des anémies héréditaires est dans l’attente du feu vert du ministère de l’Intérieur et des collectivités locales pour son adhésion à la fédération internationale de la thalassémie (TIF) ou thalassémic international fédération).


 

Qu’est-ce que les anémies héréditaires

Si dans la littérature médicale ces anémies sont définies comme étant des maladies à transmission génétiques caractérisées par une altération  de l’hémoglobine,  elles sont essentiellement dues à deux formes graves qui ont pour noms la drépanocytose et la thalassémie. La première a été découverte chez la population noire de l’Afrique et de l’Amérique du Nord, mais elle est aussi très répandue dans plusieurs régions du monde et en Algérie. La seconde affecte principalement la population du bassin méditerranéen et de l’Extrême-Orient.
A titre comparatif, dans des pays comme Chypre, très touché par la thalassémie, on est arrivé à mettre en place un système de prise en charge des malades qui a permis d’augmenter leur espérance de vie pour atteindre les 60 ans dans certains cas, et d’envisager l’éradication totale de la maladie. En France où l’on estime le nombre de malades à plus de 3000, des centres hospitaliers performants sont réservés pour le traitement de ces anémies, qui, pourtant, ont apparu à la faveur du flux migratoire qu’a connu l’hexagone.
Chez nos voisins maghrébins, la Tunisie et le Maroc plus particulièrement, dont les proportions de prévalence se rapprochent de l’Algérie, on est à un stade de traitement et de dépistage plus avancé par rapport à ce qui se fait dans notre pays.  (A. Z.)
 

Amor Z.
 
Commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]





<< Accueil
"Si vous n’y prenez pas garde, les journaux finiront par vous faire haïr les opprimés et adorer les oppresseurs." Malcom X

Archives
février 2007 / mars 2007 / avril 2007 / mai 2007 / juin 2007 / juillet 2007 / août 2007 / septembre 2007 / octobre 2007 / novembre 2007 / décembre 2007 / janvier 2008 / février 2008 / mars 2008 / avril 2008 / mai 2008 / juin 2008 / septembre 2008 / octobre 2008 / novembre 2008 / décembre 2008 / janvier 2009 / février 2009 / mars 2009 / avril 2009 / mai 2009 / juin 2009 / juillet 2009 / août 2009 / septembre 2009 / octobre 2009 / novembre 2009 / décembre 2009 / janvier 2010 / février 2010 / mars 2010 / avril 2010 / mai 2010 / juin 2010 / juillet 2010 / août 2010 / septembre 2010 / octobre 2010 / novembre 2010 / décembre 2010 / janvier 2011 / février 2011 / mars 2011 / avril 2011 / mai 2011 / juin 2011 / juillet 2011 / août 2011 / septembre 2011 / octobre 2011 / novembre 2011 / décembre 2011 / janvier 2012 / février 2012 / mars 2012 / avril 2012 / mai 2012 / juin 2012 / juillet 2012 / août 2012 / septembre 2012 / octobre 2012 / novembre 2012 / décembre 2012 / janvier 2013 / février 2013 / mars 2013 / avril 2013 / mai 2013 / juin 2013 / juillet 2013 / août 2013 / septembre 2013 / octobre 2013 / novembre 2013 / décembre 2013 / janvier 2014 / février 2014 / mars 2014 / avril 2014 / mai 2014 / juin 2014 / juillet 2014 / août 2014 / septembre 2014 / octobre 2014 / novembre 2014 / décembre 2014 / janvier 2015 / février 2015 / mars 2015 / avril 2015 / mai 2015 / juin 2015 / juillet 2015 / août 2015 / septembre 2015 / octobre 2015 / novembre 2015 / décembre 2015 / janvier 2016 / février 2016 / mars 2016 / avril 2016 / mai 2016 / juin 2016 / juillet 2016 / août 2016 / septembre 2016 / octobre 2016 / novembre 2016 / décembre 2016 / janvier 2017 / février 2017 / mars 2017 / avril 2017 / mai 2017 / juin 2017 / juillet 2017 / août 2017 / septembre 2017 / octobre 2017 / novembre 2017 / décembre 2017 / janvier 2018 / février 2018 / mars 2018 / avril 2018 / mai 2018 / juin 2018 / juillet 2018 / août 2018 / septembre 2018 / octobre 2018 / novembre 2018 / décembre 2018 / janvier 2019 / février 2019 / mars 2019 / avril 2019 / mai 2019 / juin 2019 / juillet 2019 / août 2019 / septembre 2019 / octobre 2019 / novembre 2019 / décembre 2019 / janvier 2020 / février 2020 / mai 2020 /


Powered by Blogger

Abonnement
Articles [Atom]