LA QUESTION TETUE
par K. Selim
Le laborieux et très spécifique processus électoral
2014 s'est terminé, hier, avec la cérémonie de prestation de serment de M.
Abdelaziz Bouteflika. Péniblement. Pour beaucoup d'Algériens et sans doute pour
le premier concerné. On aurait bien aimé que les sorties un tantinet arrogantes
d'un ministre qui renvoie tout le monde à «dans cinq ans» comportent
sérieusement l'idée qu'on a avancé quelque part. Malheureusement, la prestation
d'hier nous a ramenés, une fois de plus, à la question têtue de la capacité du
président à assumer réellement sa charge.
Le clivage qui s'est exprimé avant la campagne
électorale reste entier entre ceux qui pensent que l'article 88 est de mise et
ceux qui affirment que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les
choses étant ce qu'elles sont au sein du régime, on sait qu'à moins d'une
détérioration grave de l'état de santé du président, il ne sera pas question
d'article 88 et donc d'un empêchement. Le statuquo qui a prévalu durant la
«trêve électorale» devrait se poursuivre, la formalité électorale n'étant pas
un élément de dépassement des conflits et des divergences internes. Le régime
peut affirmer que tout est en ordre, le débat médical continuera avec ses
prolongements politiques. Il y a ceux qui persisteront à poser la question du
«qui préside vraiment» le pays même après cette prestation de serment ou
peut-être à cause d'elle. Et à moins d'un recours excessif à la répression, ce
débat va persister avec le risque prévisible d'une exacerbation des conflits
internes au moment de prise des décisions. Que ce soit pour la «gestion du
personnel» pour utiliser un euphémisme ou pour prendre des décisions
stratégiques dans le domaine de l'économie.
Le système algérien a constamment posé problème aux
analystes pour délimiter le «pouvoir réel» du formel. Et contrairement à ceux
qui ont une vision simpliste, la présidence est bien le seul lieu de pouvoir
«formel» où il y a du «pouvoir réel». On sait que la présidence, l'armée, les
services de renseignements sont les acteurs du pouvoir «réel». Mais aujourd'hui
avec un système qui a dépassé les limites de la crise - et qui risque
l'effondrement à tout moment pour reprendre Mouloud Hamrouche -, ces acteurs du
pouvoir réel ne sont pas en osmose. On sait, depuis la célèbre sortie d'Amar
Saadani contre le patron du DRS, que la «paix» ne règne pas dans le système. Et
l'élection présidentielle avec son taux de participation bas, et contesté,
n'est pas de nature à dépasser le conflit qui a débordé dans le domaine public.
Avec un
président à la santé fragile, la présidence, acteur du pouvoir réel, est
fragilisée. On sait que les institutions formelles ne servent que d'apparat et
ne sont pas des lieux de pouvoir. Mais on peut se demander, désormais, si les
lieux du «pouvoir réel» sont en mesure de continuer à faire fonctionner une
machine qui coince de toute part alors que le pays fait face à des défis
majeurs. La redistribution rentière inégalitaire couplée à de la répression à
géométrie variable n'est déjà plus une réponse. Des réformes sérieuses et
vitales doivent être engagées. La chose ne paraît, hélas, pas envisageable dans
le cadre actuel. Et les images, pénibles, d'hier n'ont rien de rassurant. La
crise est bien là. Les Algériens n'ont pas les instruments du changement
pacifique. Les acteurs du régime ne disposent pas non plus des outils et d'une
légitimité suffisante pour engager la réforme. Cela s'appelle l'impasse. Et
beaucoup d'Algériens qui en font le constat aimeraient se tromper.
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