La prestation de serment, le DRS et les appels au changement «consensuel» : Un quatrième mandat avec crise de régime
par Salem Ferdi
La «formalité» de
l'élection présidentielle a été expédiée, le 17 avril, dans la difficulté, avec
un taux de participation officiel, «gonflé» selon les opposants, qui prend acte
de l'extension de l'abstention.
A l'évidence, le
discours de la peur, de la «menace étrangère» et des «menées déstabilisatrices
des opposants», outrageusement servi par les médias, notamment les télés
«algériennes-étrangères», n'a pas incité les Algériens à aller voter. Louisa
Hanoune qui a, pratiquement, réduit sa campagne à ce thème et à l'anti-Benflis
en est pour ses frais. Mais le Bouteflika4 avec un taux de participation bas -
probablement inférieur aux chiffres officiels des opposants qui évoquent 20% -
ne démarre pas sous les meilleurs auspices. Une élection sert, en général, à
renouveler une légitimité et à recréer un nouveau rapprochement entre les
citoyens et les institutions. Le ministre de l'Intérieur a tenté de minimiser
l'importance de l'abstention en l'imputant à une tendance mondiale. Mais
l'abstention, dans les pays où la démocratie connaît une crise, n'a rien à voir
avec les pays où la démocratie peine à s'établir. Et avec les 51,7% officiels,
le quatrième mandat de Bouteflika ne peut se prévaloir d'un soutien fort et
encore moins d'un chèque en blanc. En tout cas, les résultats officiels, ne
peuvent, en aucun cas, servir d'argument de «négociation» avec les autres clans
du régime.
DES MARQUEURS MEDIATIQUES
Les «chiffres
réels» étant connus d'eux, le clan présidentiel ne peut en faire argument
contre les autres centres du pouvoir. Il reste, encore, la «formalité» de la
prestation de serment, avec un texte assez long à déclamer pour un Bouteflika
dont la difficulté d'élocution est évidente. Va-t-on «adapter» cette formalité
très solennelle ? Cela constituera, avec le vote en fauteuil roulant, un
marqueur «médiatique» du quatrième mandat. Mais au-delà, de ces aspects
formels, contraignants, au regard de l'état physique du président, les
questions de fond sont toujours là. Le scrutin du 17 avril a permis de régler
la formalité électorale obligatoire qui est, à chaque fois, plus difficile à
mener que la précédente-, il ne règle pas la crise du régime. Il faut se
rappeler que cette crise s'est étalée, dans les médias, avec une sortie, sans
précédent, d'Amar Saadani contre le général Mohamed Médiene, dit Toufik, chef
du DRS. Elle avait suscité une riposte sur le même mode du général à la
retraite Hocine Benhadid qui s'est attaqué aussi bien à Bouteflika qu'au
général Gaïd Salah. Dans un message écrit, le 18 février dernier, Bouteflika a
désavoué de fait Amar Saadani et a défendu le Département du renseignement et
de la sécurité (DRS) «en tant que partie intégrante de l'Armée nationale
populaire,» qui «doit continuer à exécuter ses missions et attributions». Le
message a été perçu comme le signe qu'il existait, à défaut d'un accord, une
«trêve» entre les différents compartiments du régime pour faire les élections
en bon ordre.
L'APRES 17 AVRIL SERA-T-IL
CELUI DE LA FIN DE LA TREVE ?
Certains
établissent une comparaison avec feu le général-major Mohamed Lamari, - présumé
contre un second mandat de Bouteflika, en 2004, qui avait donné sa démission après
l'élection - et croient que le général Toufik se retrouve, dans la même
posture. Il faut, quand même, souligner que rien n'est venu indiquer que le
général Toufik était contre un quatrième mandat. La crise qui s'est étalée,
dans les médias, avec parfois des annonces spectaculaires de mise à l'arrêt
d'officiers, est diagnostiquée, par Hamrouche par exemple, sur un registre,
infiniment, plus profond et plus grave que la simple question de la
reconduction d'un Bouteflika, il est vrai, à la santé fragilisée, à la
présidence de la République. Il est clair que les «décisions» éventuelles
concernant l'armée ou le DRS et les réactions qu'elles susciteront seront
scrutées à la loupe. Car la «formalité» de l'élection expédiée, les problèmes
demeurent. L'élection n'est, en effet, pas un instrument de régulation,
d'adaptation ou dépassement des blocages du régime. Et si ce dernier a,
relativement, contrôlé la situation, au cours des quinze dernières années, en
recourant au «chèque» et au «bâton», la démarche devient intenable.
RETOUR AUX TABOUS?
Tous les experts,
«libéraux» ou «anti-libéraux» constatent qu'il sera, de plus en plus, difficile
de continuer à redistribuer la rente pour préserver le régime. La question du
changement et du consensus pour y arriver est posée par des acteurs nombreux
qui, malgré leurs divergences politiques et idéologiques, convergent sur le
fait que la limite dangereuse est atteinte. Cette question sera-t-elle dans
l'agenda du quatrième mandat ? Beaucoup en doutent. Le scénario «souhaitable»
d'un changement de régime dans la paix et pour l'intérêt général, attend des
signaux qui ne viennent pas. La crise du régime a libéré l'expression publique
et journalistique où les sujets «tabous» sont ouvertement abordés. Le pouvoir y
mettra-t-il fin par des moyens de coercition publics ou informels ? Ce sera un
indice que le choix autiste a prévalu.
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