Bouteflika se plaint de Benflis auprès du MAE espagnol
Grave manquement aux usages diplomatiques
Indigne d’un Etat souverain. Le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika,
qui se plaint de son rival, Ali Benflis, auprès du ministre espagnol des
Affaires étrangères, Jose Manuel Garcia-Margallo y Marfil.
Un grave manquement aux usages et aux mœurs diplomatiques. Dans une
scène aussi pathétique que surréaliste, Bouteflika, d’une voix à peine
audible, implique le ministre des Affaires étrangères d’Espagne dans un
débat politique interne. «Par certains moments, elle (la campagne
électorale) a manqué d’élégance. Il y a des appels à la violence, des
comportements pas très orthodoxes, pas très démocratiques»,
bafouillait-il à l’adresse de son invité du jour.
A la réplique du ministre espagnol qui assurait que d’Espagne, il
n’avait pas «remarqué que c’était une campagne tellement dure», le
président-candidat, qui n’a pas pu faire sa propre campagne électorale,
s’en est violemment pris au candidat Ali Benflis. En des termes graves,
Bouteflika persiste dans sa «chikaya» : «Qu’un candidat vienne menacer
les walis et les autorités de faire attention à nos familles et à nos
enfants en cas de fraude, cela veut dire quoi ? C’est du terrorisme à
travers la télévision.» Un chef d’Etat qui assimile les déclarations
d’un candidat à la magistrature suprême au «terrorisme». Une mauvaise
interprétation des déclarations de Benflis faite à dessein, sachant que
dans la même journée de samedi, la direction de campagne de Bouteflika a
fait porter la responsabilité des troubles marquant la campagne
électorale à Benflis.Divagation. Visiblement, tous les coups tordus sont
permis pour forcer le passage.
Ces propos lourds de sens, qui sonnent comme une menace contre un
adversaire politique, n’ont pas manqué d’indigner de nombreux Algériens
qui ont vivement réagi sur les réseaux sociaux. En faisant de telles
déclarations, le Président a franchi un cap dangereux dans la surenchère
électorale qui aggrave une polarisation politique de plus en plus
préoccupante.
Sa sortie d’avant-hier illustre manifestement une perte de cohérence à
l’intérieur du régime. L’état d’incertitude dans lequel se trouve le
pays exige du président de la République de la sagesse, de rassurer les
Algériens de plus en plus inquiets et d’atténuer les tensions qui
plombent la société. Alors qu’une région du pays – la vallée du M’zab –
est en proie à une terrible violence opposant des populations,
Bouteflika préfère parler du match de football opposant l’Atletico
Madrid au FC Barcelone pour démontrer que ses facultés mentales ne sont
pas atteintes. Les habitants de Ghardaïa sont choqués et scandalisés.
La charge du chef de l’Etat, aussi incompréhensible qu’ubuesque, est
signe d’une panique qui s’empare du clan présidentiel qui, visiblement,
vacille dans ses certitudes quant à l’obtention d’un 4e mandat sans trop
de difficulté. Une perte totale de self-control provoquée par un Ali
Benflis qui réussit indéniablement sa campagne électorale et surtout est
décidé à défendre les voix de ses électeurs en cas de fraude. Un
Benflis conquérant qui, au fil des journées de campagne, montait en
cadence et a fait douter le camp du parti du 4e mandat qui cumule les
ratages. Assurément, le 4e mandat fait redouter un éclatement. Des
acteurs plus sérieux, qui s’inscrivent en dehors du calendrier
électoral, mettent en garde contre le désordre.
Hacen Ouali
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