Après la brutalité policière lors de la manifestation du 20 avril
Marches contre la répression
Marche réprimée le 20 avril dernier lors de la...
Depuis dimanche dernier, après la répression de la marche de
commémoration du 20 Avril, les citoyens tentent de se mobiliser pour
dénoncer «les agissements brutaux et inhumains» des éléments des
services d’ordre.
La communauté estudiantine compte investir la rue pour s’élever contre
les comportements violents des policiers à l’égard des participants à la
manifestation. Ainsi, la Coordination locale des étudiants (CLE) de
l’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou appelle à une marche, lundi 5
mai, dans la capitale du Djurdjura. Cette action de rue vise, selon ses
initiateurs, à condamner, entre autres, la violation des franchises
universitaires par les forces de l’ordre, citant le cas du jeune
étudiant en médecine arrêté à l’intérieur du campus. Les membres de la
CLE ont déclaré, lors de l’assemblée générale tenue jeudi, que leur
marche sera entreprise aussi pour maintenir la pression sur les
responsables du secteur de l’enseignement supérieur afin de venir à bout
des problèmes que rencontre la communauté estudiantine aussi bien dans
les campus que dans les cités universitaires.
De son côté, le Mouvement de protestation des étudiants démocrates
(MPED) ayant, pour rappel, initié plusieurs actions pour «réclamer le
départ du système» estime, à travers un communiqué rendu public, que «le
34e anniversaire du Printemps berbère est marqué par une répression
disproportionnée et aveugle à l’encontre des citoyens venus le
commémorer et revendiquer un Etat de droit et l’officialisation de
tamazight. Cette initiative a tourné à l’émeute suite à l’empêchement et
aux provocations injustifiées des éléments du service d’ordre censés
encadrer et sécuriser la manifestation.
La violence engendrée par ce geste condamnable est l’œuvre de la
défaillance avérée et non assumée des commis de l’Etat, ce qui a ouvert
la brèche à des manipulations visant le pourrissement et la submersion
de toute forme de revendication organisée». «Les manœuvres entreprises
en haut sont reflétées en bas par des ignares à la solde de l’ignorance
et de la bêtise, tels des mules inconscientes du contenu de leur
fardeau. L’usage de l’intox et de la propagande ne font plus effet face à
la conscience et à l’éveil des Algériens, ainsi que le chantage ‘nous
ou le déluge’, les geôles de la peur et de la terreur autant que
l’ingérence de la main étrangère ne sont que des fables délaissées par
le temps à force de mûrir (…). Le Mouvement de protestation des
étudiants démocrates dénonce et condamne tous les actes de violence et
réaffirme son attachement à la lutte pacifique», ajoute le même
document.
Pour rappel, le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK)
appelle aussi les citoyens à prendre part à une autre marche demain,
dans la ville de Tizi Ouzou. Son itinéraire est prévu de l’entrée
principale du campus universitaire de Hasnaoua jusqu’à l’ancienne mairie
pour condamner «les agissements inhumains des policiers en civil et en
uniforme à l’égard des participants à la marche pacifique du 20 avril».
«Pour la première fois depuis le Printemps noir de 2001, au cours de la
marche organisée par le MAK, ce 20 avril, à l’occasion de la double
commémoration du Printemps amazigh et du Printemps noir, une répression
féroce s’est abattue sur les manifestants», souligne l’appel du MAK, qui
exhorte la population à faire preuve d’«une extrême vigilance».
Il est utile de souligner que l’Assemblée populaire de wilaya (APW) qui
a condamné et dénoncé la répression dont ont fait l’objet de jeunes
manifestants lors de la marche, le 20 avril, organisera une session
ordinaire lundi prochain. Cette rencontre, consacrée essentiellement au
bilan du wali, sera certainement une opportunité pour les élus afin
d’interpeller le premier magistrat de la wilaya sur les événements en
question. Les membres de l’APW auront aussi l’occasion de faire parler
le wali sur les raisons de l’interdiction de cette marche qui s’est
déroulée dans la sérénité chaque année depuis 1980.
Cinq policiers dont un officier suspendus :
Cinq policiers, dont un commissaire, impliqués dans la répression des
manifestants lors de la marche du 20 avril à Tizi Ouzou ont été
suspendus, a-t-on confirmé hier de source sûre. «C’est une suspension
d’exercice provisoire en attendant les résultats de l’enquête ordonnée
par la Direction générale de la Sûreté nationale. Ces personnes pourront
être déférées devant la justice, si les victimes déposent plainte. Dans
le cas contraire, des sanctions administratives seront prises à leur
encontre», a ajouté notre source, qui précise que la commission
d’enquête dépêchée d’Alger par la DGSN poursuit toujours son travail.
Lundi, le directeur général de la Sûreté nationale, le général-major
Abdelghani Hamel, a instruit les autorités compétentes d’ouvrir une
enquête urgente sur le contenu d’une vidéo montrant une violente
répression de manifestants pendant la marche du 20 avril. S’exprimant
jeudi lors d’une conférence de presse, le ministre de l’Intérieur a
affirmé que «les dépassements d’agents de police le 20 avril dernier à
Tizi Ouzou relevaient de comportements exceptionnels et d’actes isolés».
La répression féroce des participants à la marche a occasionné de
nombreux blessés dont certains ont été hospitalisés, à l’image d’un
jeune touché par une balle en caoutchouc à l’œil. Il a été évacué vers
le service d’ophtalmologie de l’hôpital Belloua où il a été opéré pour
préserver miraculeusement sa vue.
(A. Tahraoui)
«Ils m’ont confisqué mon appareil avant de supprimer toutes les vidéos et photos»
Contrairement à ce qui a été rapporté par les réseaux sociaux, l’auteur
de la vidéo montrant la répression brutale des policiers à l’encontre
des manifestants à Tizi Ouzou n’a pas été interpellé par les services de
sécurité, a-t-on appris de sources concordantes. Ces dernières
affirment, en outre, que le jeune Meziane Mezdad n’a rien à voir avec
cette vidéo qui a fait le tour de la planète via le Net. «J’ai été
arrêté par des policiers en civil au quartier les Genêts, au
centre-ville. Ils m’ont confisqué mon appareil avant de supprimer toutes
les vidéos et photos que j’ai prises lors des émeutes de lundi. Nous
étions 14 et sommes restés enfermés jusqu’à mercredi avant d’être
présentés devant le juge d’instruction qui nous a relâchés», a déclaré à
El Watan Meziane Mezdad. (A. Tahraoui)
Des blessés toujours traumatisés
Au lendemain de la marche réprimée par les forces de l’ordre, le 20
avril à Tizi Ouzou, les étudiants de l’université Mouloud Mammeri ayant
pris part à cette manifestation pacifique pour la célébration du
34e anniversaire du Printemps berbère, ont dénoncé les violences
commises par les forces antiémeute, qui ont tiré des balles en
caoutchouc et des gaz lacrymogènes à l’intérieur même du campus
universitaire, précisent dans leurs témoignages des blessés, traumatisés
par la férocité de la répression, ayant été la cible des services de
sécurité.
«Nous nous élevons contre les intimidations des policiers et les
violations commises à l’intérieur de notre campus», dénonce un étudiant
ayant requis l’anonymat. «Lors de la marche du 20 avril, j’ai vu des
policiers postés à une vingtaine de mètres du portail de l’enceinte
universitaire tirer des bombes de gaz lacrymogènes à l’intérieur du
campus. Pourchassant les jeunes étudiants protestataires, ils tiraient
aussi des balles en caoutchouc. Des étudiants ont ramassé plusieurs
projectiles», ajoute un autre.
«J’ai été blessé devant l’université par un CNS qui a tiré des débris
de ciment qui ont atteint mon genou droit et mon avant-bras gauche.
Comme mes camarades, j’ai eu peur d’aller à l’hôpital. Même si mes
blessures sont légères (hématomes et égratignures), je suis traumatisé
par la violence des policiers qui n’ont pas hésité à proférer des
insultes à l’endroit des passants. Que veulent-ils ? Rééditer les
événements d’Avril 1980 ? Franchement, on a perdu le sentiment
d’appartenance à notre pays», clame un étudiant blessé.
Notre interlocuteur nous apprend que le même jour, une étudiante a été
atteinte au pied par un projectile lors des échauffourées entre
policiers et manifestants. Elle a boité jusqu’au portail de l’université
et est entrée dans le campus. Une ambulance l’a ensuite acheminée vers
l’hôpital où elle a reçu les premiers soins. (Farid Guellil)
Hafid Azzouzi
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