Algérie: Amnesty dénonce une intensification de la répression
Dans
trois jours aura lieu l'élection présidentielle algérienne. La campagne
électorale, qui a pris fin dimanche 13 avril, a été particulière, car
marquée par l'absence d'Abdelaziz Bouteflika et l'annulation de certains
meetings pour raisons de sécurité, suite à des manifestations
d'opposants hostiles à un quatrième mandat du président sortant. Cette
campagne a surtout été marquée par « une hausse des restrictions à la
liberté d'expression et de réunion », estime Amnesty International dans
un communiqué.
Pour Amnesty
International, le débat politique public, substance même de toute
campagne électorale, n'a pas pu avoir lieu en Algérie. « Il semble y
avoir eu un effort concerté des autorités algériennes pour contrôler la
narration de la campagne, par le biais du renforcement de leur mainmise
sur la liberté d'expression », déclare l’organisation de défense
des droits humains. Amnesty dénonce ainsi le harcèlement, la dispersion
par la force et les arrestations de manifestants, en particulier les
opposants au quatrième mandat du président sortant.
L’autre cible
des autorités, selon l'ONG, ce sont les journalistes qui s'écartent du
discours officiel pro-Bouteflika. Au mois de mars, lors d’une
manifestation du mouvement Barakat, Hacen Ouali, journaliste politique
du quotidien El Watan a été interpellé avec d’autres journalistes. « On
leur montrait nos cartes de presse, mais ils s’en foutaient. Ils ont
embarqué tout le monde et on a passé toute la journée dans un
commissariat de police », raconte Hacen Ouali. « Les policiers
étaient visiblement missionnés pour embarquer tout le monde. C’est vrai
que nous ne sommes pas la Tunisie de Ben Ali, mais le métier de
journaliste en Algérie s’exerce dans des conditions extrêmement
difficiles », déplore-t-il.
L'épouse d'un journaliste aurait
ainsi été menacée par des hommes armés soupçonnés d'appartenir aux
forces de sécurité. Ils auraient exigé que son mari cesse de contester
les autorités sur Facebook, avant de lui jeter de l'eau brûlante,
rapporte Amnesty. Un autre exemple cité est celui de la fermeture, en
mars dernier, de la chaine privée Al Atlas, pour avoir critiqué le
pouvoir dans ses émissions. Et la fin de la campagne ne semble pas
apaiser les choses, puisque ce lundi encore, un quotidien a perdu ses
revenus publicitaires après avoir hébergé dans ses locaux la conférence
de presse du mouvement Barakat.
Les syndicats également visés
Mais
les journalistes ne sont pas les seules cibles de cette répression.
Tous ceux qui critiquent le système ont du mal à se faire entendre. Dans
le monde du travail, par exemple, le seul syndicat autorisé, l’UGTA
(Union générale des travailleurs algériens), est proche du pouvoir. Les
autres sont régulièrement attaqués. « Le droit du travail dans le
secteur privé et multinational n’est pas respecté. Dans la fonction
publique, il est respecté quand on ne fait pas de syndicalisme, quand
on n’est pas activiste. La loi protège le syndicaliste, mais le pouvoir
est hors-la-loi à l’égard des activistes. On n’a plus de recours. Même
la justice n’est pas indépendante. Les grèves sont rendues illégales
par la justice. On utilise la justice et la police pour réprimer », dénonce ainsi Rachid Malaoui, responsable du Syndicat national autonome des personnels de l'administation publique (Snapap).
Pour
Amnesty International, il s'agit là d'une stratégie délibérée. Ainsi,
les autorités auraient voulu étouffer dans l'œuf toute tentative visant à
les défier ou à remettre leur bilan en question. Intensification de la
répression, tolérance zéro pour la critique publique et restrictions du
droit à exprimer des revendications sociales ou politiques ; autant
d'éléments qui « font planer le doute sur cette élection », conclut Amnesty International.
Même
si les proches d’Abdelaziz Bouteflika n’ont cessé de répéter durant
toute la campagne électorale que le quatrième mandat serait celui des
libertés individuelles, le bilan du président est très critiqué par les
ONG. En 2013, une nouvelle loi a restreint les conditions de création et
de financement des associations. Certaines d’entre elles n’ont plus
jamais eu l’autorisation d’organiser des réunions.
Ces restrictions à la liberté d’expression sont pour
nous la manifestation de cette stratégie plutôt continue des autorités
de vouloir tuer dans l’œuf toute contestation, qu’elle soit politique,
sociale ou économique. Le débat public n’a pas pu avoir lieu, le fait
que des journalistes aient pu être empêchés de rendre compte sans
ingérence, sans intimidation de toutes les questions qui touchent à la
société algérienne montre bien que le débat ne peut pas avoir lieu et
que l’élection présidentielle semble jouer d’avance
Bénédicte GoderiauxChercheuse Maghreb à Amnesty International 15/04/2014
- par Laura Marte
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