Voici
des semaines que Netanyahou se démène pour faire échouer tout accord
avec l’Iran. Son argumentation, toujours la même depuis des années et
reprise, non seulement par tous les média, mais aussi par les analystes
géopolitiques, est essentiellement, uniquement et exclusivement la
crainte de voir l’Iran se doter de l’arme nucléaire. Selon lui, l’Iran dispose du savoir-faire, des matériaux, de
l’infrastructure et, surtout de la volonté de fabriquer sa bombe
nucléaire ‘’dans quelques mois’’, et ce depuis une bonne décennie.
Israël n’a pas lésiné sur les faux rapports, les indiscrétions de
‘’services de renseignement’’, les ‘’fuites’’ de l’AIEA, pour nous
prouver que hier c’est ‘’dans six mois’’, que demain c’est aujourd’hui
et qu’aujourd’hui c’est hier ou… demain, bref, que le temps ne fait rien
à l’affaire. Seul ce que dit Israël compte ici et maintenant : l’Iran
peut et veut sa bombe ‘’dans six mois’’. La réalité est ce qu’Israël dit
être la réalité. Ce qui s’est passé dans le temps ou ce qui se passe
aujourd’hui n’est pas la réalité. Dans ce cas précis, comme dans
d’autres, aucune réalité ne peut être acceptée si Israël ne l’a pas
validée comme telle. Dans le cas de l’Iran, que veulent les israéliens ? Netanyahou est
plutôt transparent là-dessus. Il fait tout pour maintenir
artificiellement un état permanent de tension. L’Iran est un ennemi
dangereux contre les attaques duquel il faut sans cesse se mobiliser.
Des attaques ? Quelles attaques ? Le catalogue israélien est
relativement fourni : Argentine, Bulgarie, en Israël même, toutes les
actions du Hamas et du Hezbollah en général. Mais la plus grosse attaque
de sa courte Histoire à laquelle Israël a eu à faire face est cette
déclaration de Mahmoud Ahmadinejad dans laquelle les israéliens ont
voulu lire que l’Iran s’apprête à ‘’rayer Israël de la carte’’. C’était
faux, mais la réalité n’est-elle pas ce qu’Israël décrète comme telle ?
Devant cette terrible ‘’réalité’’ nous avons assisté à une guerre
redoublée contre l’Iran pour éviter l’annihilation de l’état hébreux.
Guerre médiatique d’abord, où Israël faisait les questions et les
réponses, c’est-à-dire menait lui-même les attaques et les ripostes de
l’ennemi, maintenant une atmosphère d’apocalypse. Parallèlement à
l’offensive médiatique, le premier ministre israélien conduisait une
guerre économique consistant à asphyxier l’économie iranienne par des
embargos successifs qui ne pouvaient laisser les autorités iraniennes
sans réactions qui, elles-mêmes, servaient à alimenter et renforcer la
hasbara. On est bien loin du nucléaire. Si l’on tient compte des objectifs
réels de Netanyahou, on se rend compte que, même si l’Iran renonçait
entièrement au nucléaire, même civil, et démantelait toutes ses
centrales, Israël se hâterait de trouver quelque chose pour maintenir la
situation de conflit. Pour ce faire, quel meilleur moyen que l’embargo
qui, en lui-même, est une sorte de déclaration de guerre, et qui a
l’avantage d’obliger l’Iran, quelles que soient ses dispositions pour la
paix, à réagir comme tout pays attaqué. Et Israël, avec la complicité
des médias internationaux, est passé maître dans l’art de faire passer
une défense comme une agression. Mais la RII ne renoncera pas à son nucléaire civil auquel il a droit.
S’il voulait une bombe, il y a longtemps qu’il l’aurait eu. L’Iran nous
a montré qu’il n’était pas un manchot en matière de technologies. Quand
la France et l’Allemagne vont acheter leurs drones aux Etats-Unis ou en
Israël, l’Iran fabrique les siens. Quand beaucoup de pays développés
vont à Kourou, à Cap Canaveral ou à Baïkonour pour lancer leurs
satellites, qu’ils font souvent construire par d’autres, l’Iran lance
ses propres satellites par ses propres fusées. Ce n’est donc pas la
capacité qui lui manque pour fabriquer la bombe atomique. La réalité
c’est que les iraniens n’en veulent pas. Et même s’ils en voulaient, ils
sont liés par une fatwa qui les empêche même de l’envisager. Est-ce vraiment si difficile à comprendre ? L’attitude de l’occident
vis-à-vis des fatwas est plutôt bizarre. Quand il s’agit d’une fatwa
d’un petit chefaillon religieux frère musulman, takfiriste ou wahabite,
tous les médias s’empressent d’en souligner le caractère sacré,
incontournable par tout musulman qui se respecte, lui conférant une
nature universelle dans le monde islamique. Mais la Fatwa de l’imam
Khomeiny, elle, n’a aucune signification, même pas auprès des iraniens.
Quelle différence entre ces deux types de fatwas ? Celle qui est
universalisée, et crue par tout le monde, est celle qui fait peur ou qui
est complètement farfelue. La fatwa de paix, celle qui prône l’entente
et la concorde, ne peut être recevable. Ne nous a-t-on pas présenté les
fatwas, depuis Salman Rushdie (avec le concours massif d’un certain
BHL), que comme une arme maléfique aux mains d’obscurs ennemis de la
civilisation ? Et pourtant, la fatwa interdisant la nucléarisation existe bel et
bien et est prise très au sérieux par les iraniens, tout comme les
catholiques d’antan prenaient au sérieux les Bulles du Pape, autre forme
de fatwas. Malgré cela, Netanyahou persiste à nous faire croire que la
seule obsession de l’Iran est d’obtenir l’arme nucléaire. Admettons. Supposons que les dirigeants iraniens soient tous des
cinglés sans foi ni loi (ce qui est déjà loufoque), et qu’ils veuillent
fabriquer leur bombe. On a déjà vu qu’ils en ont les moyens techniques,
scientifiques et financiers depuis bien longtemps. Qu’est-ce qui fait
qu’ils ne l’ont pas encore ? Ce ne sont certainement pas les sanctions
qui les en empêchent, ni la peur d’une hypothétique attaque d’Israël qui
ne peut se traduire que par quelques malheureux raids aériens
extrêmement risqués qui, de toute façon, seront sans commune mesure avec
les 8 ans de guerre intensives contre l’Irak armé et soutenu par
l’Occident et les pays du Golfe. Ce serait à peine un mini remake vite
réglé. Dans cette hypothèse donc, avec les moyens dont ils disposent, la
bombe serait déjà en leur possession et ils l’auraient fait savoir haut
et clair pour que l’arme prenne sa valeur dissuasive. Paradoxalement, c’est parce qu’ils ne veulent pas du nucléaire
militaire que Netanyahou peut nager dans le bonheur et reconstruire la
réalité à sa manière. Malheureusement, les pays occidentaux décrochent
les uns après les autres. Pour des raisons qui nous échappent, les
Etats-Unis ont décidé de passer outre les ‘’réalités’’ israéliennes, ou
d’en ignorer les conséquences supposées, et d’avancer vers la
normalisation des relations avec l’Iran. Que peut faire Netanyahou
contre ce virage ? Rien. Il pourra tout juste en ralentir le processus,
mais ne pourra rien empêcher si Washington est vraiment décidé. Que deviendra Israël sans sa guerre virtuelle contre l’Iran ? Avec le
règlement du conflit syrien qui se profile à l’horizon, il n’aura plus
de réels ennemis dans la région. Sans ennemis du ‘’monde libre’’ au
Moyen-Orient, Israël ne sert plus à grand-chose et pourrait être appelé à
disparaître. C’est peut-être de ça dont Netanyahou a peur. Avic
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