Moncef Marzouki a clairement laissé le militant supplanter
le chef de l'Etat en demandant la libération du président déchu Mohamed Morsi
et les prisonniers politiques en Egypte. Les militants des droits humains - il
en était - lui reconnaîtront un certain panache en ne laissant pas les
contraintes - lourdes - de sa fonction le contraindre à la langue de bois. Il
était prévisible que ses propos provoquent l'ire des militaires égyptiens qui
tentent de présenter la situation dans leur pays sous l'angle, contestable,
d'un combat contre le terrorisme.
Dans un contexte très propagandiste où le général Al-Sissi
tente de se donner la stature de Nasser - hier c'était la commémoration de son
décès -, l'Egypte a, de manière prévisible, choisi de réagir avec vigueur. Après
avoir publié un communiqué accusant Marzouki d'avoir tenu des propos qui vont à
l'encontre de la «volonté du peuple égyptien» qui veut un «Etat démocratique et
tolérant», chose que l'Egypte «souhaite» à la Tunisie, Le Caire a décidé de
rappeler son ambassadeur en Tunisie. Marzouki s'est déjà exprimé au moment du
coup d'Etat en Egypte contre «l'ingérence politique de l'armée égyptienne» qui,
avait-il souligné, «exacerbera la crise et ouvrira la porte à la violence et
renforcera l'extrémisme». Mais à l'évidence, ses propos sonnent de manière plus
insupportable aux militaires égyptiens et à leurs soutiens dans la classe
politique alors que l'effort, laborieux, est mis pour valider la lecture
«terroriste» de la crise dans le pays.
Moncef Marzouki est sans doute approuvé par les défenseurs
des droits humains mais il était prévisible que sa sortie soit critiquée en
Tunisie. Le climat politique tunisien est tel que ceux qui dénoncent en
permanence - et souvent avec mauvaise foi - l'alliance de Marzouki avec les
islamistes ne pouvaient rater l'opportunité. Mais il peut aussi être critiqué,
de manière plus modérée, par les défenseurs des traditions de la pondération et
de la prudence de la diplomatie tunisienne. Les arguments de ces derniers sont,
sur le fond, beaucoup plus pertinents aux yeux de beaucoup de Tunisiens que les
attaques «idéologiques» que subit le président tunisien. Il est clair qu'être
président et conserver un franc-parler de militant ne peut que susciter des
ennuis et faire des vagues.
Mais dans cette affaire tuniso-égyptienne et
tuniso-tunisienne, le plus étrange a été la sortie des Emirats arabes qui ont
décidé de rappeler leur ambassadeur à Tunis pour protester contre l'appel du
président tunisien à la libération des détenus politiques égyptiens. Certes,
les Emirats et l'Arabie Saoudite ont immédiatement investi dans le coup d'Etat
égyptien, mais la sortie des dirigeants émiratis est pour le moins grotesque et
incongrue. A plus forte raison quand la presse des émirats fixe à «tous» le
devoir de «soutenir la nouvelle direction égyptienne arrivée au pouvoir par une
forte volonté populaire». C'est tellement grandiloquent que la seule réaction
qui vient est celle de la version de la fameuse boutade : «quand la poule pond,
le coq a mal à la tête».
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