ELWATAN-ALHABIB
vendredi 30 août 2013
 

Les Tomahawk ne résoudront pas le problème syrien 

 

 

 

Les Tomahawk ne résoudront pas le problème syrien

Par La Voix de la Russie | En Syrie, on est en présence d'intérêts contradictoires des principaux acteurs géopolitiques régionaux et mondiaux. Tenter de trancher la question à l'aide de missiles de croisière Tomahawk ne permettra pas l'Occident d'atteindre ses buts.

Washington assisté par Londres et Paris poursuit ses efforts visant à former une coalition en faveur d'une intervention militaire. Les Etats-Unis et leurs alliés en Occident et au Proche-Orient sont prêts, à la rigueur, à se passer de l'approbation du Conseil de sécurité. En outre, la Ligue arabe se dresse également contre al-Assad. Elle a fait endosser à Damas la responsabilité pour l'utilisation de l'arme chimique et a appelé les membres du Conseil de sécurité de l'ONU à surmonter leurs contradictions et à prendre des mesures afin d'arrêter les meurtres en Syrie.
Outre l'Iran tous les pays du BRICS (Russie, Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud) et certains pays latino-américains s'opposent au changement du régime par les armes et se prononcent pour le règlement en Syrie uniquement par le biais des négociations entre les autorités et l'opposition. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré : « Penser qu'une fois l'infrastructure militaire syrienne bombardée et le champ de bataille dégagé pour que les adversaires du régime remportent la victoire, tout sera terminé, signifie se faire des illusions. Même si une telle victoire est remportée, la guerre civile continuera. A la seule différence que ceux qui représentaient la partie gouvernementale seraient dans l'opposition. Nous constatons déjà des lourdes conséquences des ingérences précédentes dans des conflits dans cette région ».
Il convient de noter qu'en réalité les intérêts des membres de la coalition anti-Assad sont assez variés bien que la coalition semble être cohérente. Commençons par les doutes du président américain Obama. Il est évident qu'il est désorienté et qu'il ne sait pas que faire. En tout état de cause, les Etats-Unis ne sont pas disposés à s'enliser dans des opérations militaires sans fin. Par contre, ils se rendent compte qu'une réaction est nécessaire, au moins pour sauvegarder l'influence américaine au Proche-Orient.
Guéorgui Mirski de l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales de l'Académie des sciences de Russie note à ce propos :
« La raison de la politique anti-Assad de Washington n'est pas un mal que le dirigeant syrien a causé aux Américains et à l'Occident, en général. D'autant plus, ce n'est pas sa politique répressive intérieure. En vertu d' un tel critère, les Etats-Unis devraient commencer par demander au gouvernement de l'Arabie saoudite de modifier son comportement. Pour l'administration américaine, l'unique faute véritable d'al-Assad est son alliance et sa coopération avec l'Iran. Assad doit être éliminé pour affaiblir cardinalement les positions de Téhéran dans la région et de le mettre dans un plus grand isolement ».
Après la Libye, les Américains comprennent qu'on ne saurait se passer d'une opération au sol pour réaliser un assaut final. Conscient de cette nécessité, Barack Obama va atermoyer jusqu'à ce que son inaction soit trop provocante pour la France et la Grande-Bretagne dont les positions sont plus intransigeantes par rapport à celles de la Maison Blanche. Ce sont ces deux pays qui poussent les Etats-Unis à un conflit. Selon le directeur du Centre de partenariat des civilisations de l'Institut MGIMO Veniamine Popov :
« L'essence du problème est dans le fait que l'Occident a peur de la renaissance du monde islamique. Trop de ressources sont concentrées au Proche- et au Moyen-Orient. Il ne s'agit pas seulement du pétrole et du gaz, mais aussi des possibilités financières immenses. Les Américains ont compris depuis longtemps que le calme dans la région n'est pas dans leur intérêt. Ils n'ont pas besoin d'un concurrent capable de créer de nombreux problèmes dans l'avenir. Un Orient jeune et passionné représente une menace sur fond d'un Occident vieillissant et dépérissant.
Le directeur adjoint de l'Institut d'orientalisme de l'Académie des sciences de Russie Vladimir Issaïev fait remarquer que les Américains doivent tenir compte des mobiles anti-Assad de l'Arabie saoudite basés sur le facteur religieux :
«Les Saoudites se prenaient toujours pour leaders du monde arabe, au premier chef, pour leaders religieux. Leur roi porte le nom de « gardien de deux reliques » (les mosquées de La Mecque et de Médine). L'aspect religieux pousse l'Arabie saoudite à des actes qui ne sont pas toujours justifiés. Ses dirigeants craignent que les habitants du pays s'inspirent du mécontentement syrien et destabilislent la situation. Cela est également dangeureux du fait que les principaux champs pétrolifères se trouvent dans la province orientale. Aussi en finir avec le pouvoir des alaouites en Syrie est-il un objectif de l'Arabie saoudite ».
De l'avis de Veniamine Popov, l'ensemble du rapport des forces politiques au Proche-Orient subit de profonds changements :
« L'Orient arabe est confronté à un regroupement de force. L'Occident ne cesse d'attiser les différends entre les sunnites et les chiites. Ces différends ont toujours existé, mais jamais ils ne prenaient des formes aussi violentes. De nouvelles scissions se sont produites. Ainsi la Turquie soutient les Frères musulmans parce qu'elle a peur que l'exemple des Egyptiens soit contagieux pour sa propre armée. Les Frères musulmans sont également financés par la Tunisie et le Qatar. Selon les analystes occidentaux, une frappe contre la Syrie serait très à propos pour détourner l'attention ».
Selon Vladimir Issaïev la position anti-Assad de la Turquie s'explique très simplement :
« Pour ce qui est de la Turquie, celle-ci a plusieurs raisons de s'ingérer dans le conflit. Tout d'abord, je ne crois pas que la Turquie souhaite en effet un développement démocratique pour la Syrie. Parce que la Turquie elle-même peut être rangée parmi les démocraties avec beaucoup de réserves. Mais la Turquie est effrayée par l'exemple de l'Irak (plutôt du Kurdistan). Par le fait que Damas accordait aux Kurdes une plus grande autonomie. Oeuvrant contre les autorités syriennes en place, la Turquie résoud ses propres problèmes relatifs à la question kurde ».
Dans ce contexte Israël occupe une place à part. Il n'a pas l'intention de s'ingérer dans le conflit syrien mais il ne laissera pas sans réponse toute action agressive de la part de Damas. Aussi les Israéliens tentent-ils de ne pas être impliqués directement dans la situation. Mais étant donné leurs relations de partenaires avec les Etats-Unis, leurs services secrets partagent, à coup sûr, des données dont ils disposent avec leurs collègues américains. Néanmoins, il est peu probable qu'Israël porte lui-même des frappes.
L'Iran envisage une agression extérieure contre al-Assad comme un défi à lui-même avec toutes les conséquences qui s'ensuivent. Cette position n'a pas changé même après l'arrivée d'un nouveau président. L'Iran est un des Etats peu nombreux à majorité chiite. Il brigue une arme nucléaire et s'oppose fermement à Israël et aux Etats-Unis. Il prétend au rôle de leader subrégional s'opposant au centre sunnite en Arabie saoudite.
La plupart des experts convergent que l'Occident simplifie la situation au Proche-Orient. Il ne voit pas ou ne veut pas voir quels changements s'opèrent dans cette région et dans le reste du monde. D'où ses erreurs d'estimation et de planification stratégique. Vladimir Issaïev est convaincu :
« La force nommée islamistes a vu le jour. L'Occident a décidé pour une raison inconnue qu'il s'agit de l'apparition d'islamistes modérés. Pouvez-vous imaginer un catholique modéré ou un chrétien modéré ? De la même façon il n'y a pas d'islamistes modérés. Grossièrement, l'islamiste est un radical musulman. A mon avis, approvisionner ces hommes en armes est une folie ».
Chercher à punir al-Assad en frappant contre ses états-majors et bases militaires avec des missiles de croisière est une folie même plus grande. L'analyste militaire américain Chris Harmer a écrit sur le blog de la revue Foreign Policy que « les actions tactiques en absence de tâches stratégiques sont, d'habitude, insensées et souvent contre-productives ». Selon lui, il est facile de tirer 30 ou 40 missiles Tomahawk, mais « il est difficile d'expliquer aux stratèges comment cela peut aider les intérêts des Etats-Unis ».
Voilà pourquoi l'ingérence étrangère dans le conflit syrien en tant que moyen d'éliminer des concurrents idéologiques non seulement aura des conséquences catastrophiques pour le monde arabe et causera un immense préjudice à la réputation des pays se trouvant à l'origine de cette ingérence, mais aussi torpillera les efforts de la communauté mondiale visant à créer un système de sécurité internationale.

 
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