Réponse à M. Bouakouir Merci M. Bouakouir ! Bon sang ne saurait mentir… Ce qui se conçoit
clairement s'énonce clairement dit-on ; et nous venons d'éprouver la
justesse de ce vieil adage avec ce bref exposé, lucide et limpide s'il
en est, sur l'impasse socio politique et institutionnelle dans laquelle
se retrouve notre pays, plus de 50 ans après son indépendance. Et en
prime, l'auteur, qui se tient à égale distance des faux démocrates et
des faux dévots, nous gratifie de cette jolie formule :
"dé-moukhabaratiser la politique"… par allusion à ce "mal qui répand la
terreur…", qu'il a élégamment omis d'appeler par son autre nom, beaucoup
moins poétique : le D.R.S. Car, rien de concret ni de positif ni de bon
pour notre pays, ne pourra se faire, tant que l'institution militaire –
et singulièrement le D.R.S. son interface politique – s'obstinera dans
sa volonté de confisquer la légitime souveraineté du peuple, au nom
d'une prétendue "légitimité historique" qui n'a jamais été autant
discréditée. A preuve, ce nouvel épisode de la maladie de M. Bouteflika
et son hospitalisation dans le saint des saints des Etablissements
hospitaliers relevant du ministère français de la Défense. De quel
"nif", je vous le demande, de quelle fierté, de quelle dignité, de quel
patriotisme pourraient se prévaloir aussi bien les Bouteflika que les
généraux-dafs putschistes qui l'ont fait roi ? Sans oublier ce grossier
personnage au langage de cocher, dans le rôle de "premier ministre" cher
Ubu… Il est plus que temps de rappeler à ces gens-là, deux vérités
toutes simples : à savoir 1.- qu'ils ne sont pas immortels ; 2.- que
l'Algérie n'est pas leur propriété. Abdelkader Dehbi 26 mai 2013
« Dé-moukhabaratiser » le politique, préalable à la « reconstruction d’un consensus national » ! L'Algérie vit depuis cinquante ans dans une instabilité politique
structurelle. Administrée, très mal administrée, elle n’a jamais été
réellement gouvernée. Le système de pouvoir qui s'est imposé par la force à la Nation dès
les premières heures de l'indépendance a brisé l'élan libérateur du
peuple Algérien et pervertie la dynamique novembriste de construction
d'un Etat démocratique et social. La maladie politique de notre pays est liée à l'incapacité du système
à secréter un processus de constitutionnalisation et
d’institutionnalisation du pouvoir politique. Reposant sur deux principes, la collégialité et l'opacité, l'exercice
du pouvoir échappe aux institutions, réduites à servir de caisse de
résonance aux luttes de factions gravitant autour de l'élite
militaro-sécuritaire. Les différentes constitutions n’ont jamais été l’expression des
rapports de force au sein de la société, elles ne font que sanctionner
des équilibres conjoncturels au sein du vrai pouvoir. Le pouvoir personnel n'est pas la présidentialisation du régime L'histoire politique de l'Algérie indépendante est une succession de
coup de force qui assure à l'élite militaro-sécuritaire une position
hégémonique. Le système de pouvoir algérien ne correspond dans sa typologie ni à
une dictature militaire classique ni à une autocratie. C’est un
autoritarisme géré "collégialement " dans l’opacité la plus totale. Depuis l'indépendance, les « présidents » n'exercent le pouvoir que
par procuration délivrée par un "collège" organisé autour de l'élite
militaro-sécuritaire disposant d'un puissant appareil exerçant un
contrôle absolu sur le pays. Une constitution peut octroyer d'importants pouvoirs au « président »
mais ils demeurent purement formels dès lors que le processus
décisionnel échappe aux mécanismes institutionnels. Aussi, s’engager,
comme le font certains partis dits d’opposition dans le faux-débat sur
la « révision constitutionnelle » revient à maintenir l’illusion d’une
vie politique et institutionnelle et à nourrir les leurres et les
diversions. Les années Bouteflika ne dérogent à cette implacable logique. A cette
seule exception que celui-ci a bénéficié d'une conjoncture favorable
liée à une envolée des revenus générés par l'exportation des
hydrocarbures. Cette conjoncture « heureuse » aurait pu, aurait dû permettre à notre
pays d'engager une transition démocratique « paisible et tranquille »
qui réhabilite les institutions du pays. Au lieu d'adopter une attitude
réellement patriotique en engageant des réformes radicales pour remettre
le pays sur les rails du développement, le "pôle présidentiel" s'est
attelé à renforcer sa position au sein du "collège" et à favoriser, en
généralisant la corruption, le renforcement de nouvelles couches
prédatrices, antinationales. Les fraudes successives ont fini par
discréditer une "représentation nationale" délégitimée par des
mécanismes de sélection basés sur la cooptation et le clientélisme. Le réveil des atavismes La conséquence est qu’aujourd’hui l'Algérie est plongée dans une
totale paralysie et ne dispose pas d'une autorité politique légitime
capable de la propulser dans le 3ème millénaire. Une situation d'autant dramatique et périlleuse que l'accélération du
"temps mondial" et les dynamiques dé-structurantes libérées par la
globalisation risquent de précipiter notre pays dans les abîmes,
achevant ainsi la déconstruction du projet national qui visait, à
travers la lutte révolutionnaire anticoloniale, à forcer l’ouverture
des portes d'accès de l’Algérie à la modernité politique. A l'heure où un nouveau monde, porté par la « révolution
technologique de l’information et de la communication », s'installe sur
les débris de la guerre froide, bouleversant les structures politiques,
économiques culturelles et familiales selon une ampleur au moins
équivalente à celle provoquée par la « révolution industrielle » du
18ème siècle, les atavismes se réveillent et les vieux démons de
l'ethno-tribalisme prêts à ressurgir à la vitesse du 21ème siècle. L’échec de Bouteflika ? A entendre des personnalités et des partis se réclamant de
l'opposition, le départ de Bouteflika provoquerait quasi-mécaniquement
un changement politique majeur. L'état de déliquescence politique
extrême peut nourrir cette illusion, l'Algérie n'ayant jamais connu, en
effet, pire situation. Mais il ne s'agit pas simplement de tourner la page tragico-ubuesque
des années Bouteflika, mais de rompre avec cinquante ans de confiscation
politique et du viol du droit fondamental pour lequel le peuple
algérien a consenti d’immenses sacrifices : le droit à
l’autodétermination politique, collectif et individuel. Bouteflika n'est en définitive que l'expression pathologique et
dégénérée d'un système imposé par la violence en 1962 et dans la genèse
remonte à l’assassinat politique d’Abane Ramdane. L'élite militaro-sécuritaire a aujourd'hui plus qu'hier la
responsabilité historique de briser le cercle infernal de l'instabilité
politique. Se mettre au service de l'Algérie, lever les obstacles à la
réhabilitation des institutions de l'Etat, unique voie assurant la
stabilité du pays à l'heure des tourmentes géopolitiques régionales, est
un impératif de sécurité nationale. L’ambition de l’Algérie, telle qu’incarnés par les pionniers du
mouvement national, n’est ni d’être le sous-traitant régional de la
doctrine américaine de la « guerre contre le terrorisme », ni de devenir
une « Corée du nord » sans l’arme nucléaire comme le voudrait une chef
trotskyste. Les élites militaro-sécuritaire ne peuvent plus décider de tout et ne rien assumer ! Rompre avec la pensée coloniale Cet impératif suppose une "révolution culturelle", une décolonisation des mentalités et des pratiques. Si le peuple algérien a vaincu le colonialisme, la pensée coloniale,
quant à elle, a largement imprégné les élites dirigeantes. Lorsqu'un
ministre justifie la répression en invoquant le "tempérament anarchique"
des Algériens, il ne fait reproduire les clichés idéologiques contenus
dans le discours accompagnant la colonisation. Il résume ce rapport
pouvoir/peuple construit sur l’ « inaptitude » de ce dernier à vivre en
liberté et en démocratie. Un « Ghachi » pour reprendre la formule d’un
intellectuel organique. Dans la "culture politique" des dirigeants du pays, le peuple demeure
une masse amorphe sans conscience et sans existence politiques.
L'individu-citoyen, jouissant de ses droits politiques et civiques, est
niée au nom d'une communauté nationale cimentée par une « fraternité
mythico-religieuse » qui ne supporte pas le pluralisme politique,
culturel et linguistique, source de divisions, de Fitna. Cette "révolution culturelle", véritable rupture avec une conception
prémoderne de l'autorité politique, est ce qui permettra de réconcilier
l'Armée avec son peuple et posera les bases d'une véritable
réconciliation historique. Construire l'alternative politique Les élites algérienne, politique, économique, médiatique, syndicale
ou associative, quelques soient leurs penchants
philosophico-idéologiques, doivent se libérer de cette espèce de
fascination, faite selon les conjonctures d'attraction ou de répulsion,
qu'exerce sur elles l'élite militaro-sécuritaire. Les forces démocratiques en particulier doivent orienter leur action
pour mobiliser pacifiquement les Algériens et les Algériennes, pour
arracher la jeunesse algérienne des griffes d’obscurs prédicateurs
religieux, encouragés et manipulés par le système. L’Algérie a besoin d’une grande force politique alternative et non
pas d’un « groupe de pression » plaidant sa cause auprès d’introuvables
courants modernistes au sein de l’Armée. La rupture avec un système basé sur la subordination du politique au
militaire impose aux forces du changement démocratique de réhabiliter le
projet national revu et corrigé lors du congrès de la Soummam. Ni logique d'affrontement, notre pays ayant payé un lourd tribut ; ni
tentation aventurière à l’heure où des forces extérieures, relayées de
l’intérieur, cherchent à régler des comptes avec l’Algérie. Mais une ferme détermination à poser comme préalable à tout
engagement dans une quelconque bataille électorale, l’abandon par
l'élite militaro-sécuritaire de son rôle de police politique pour se
consacrer aux missions dévolues à tout « service de renseignement »
soumis à l’Etat de droit. La sauvegarde de l'Algérie passe par la fin de cet "état d'exception" qui bloque tout processus d'autonomisation du politique. Samir Bouakouirsamirbouakouir@gmail.com El Watan du 25 mai 2013
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