L’hebdomadaire allemand Der Spiegel a obtenu l’évaluation de la situation syrienne que fait le BND (service de renseignement
allemand, ou Bundesnachrichtendienst), et que son chef Gerhard
Schindler a communiqué à un groupe sélectionné d’hommes politiques.
En un an, le BND a modifié radicalement son évaluation. Le BND estime
que le gouvernement Assad “est plus stable qu’il ne l’a jamais été
depuis longtemps” et qu’il peut “entreprendre des opérations avec
succès, à volonté, contre les groupes rebelles”. (Dans Spiegel
Online, le 22
mai 2013.)
«It is a notable about-face. As recently as last summer, Schindler
reported to government officials and parliamentarians that he felt
the Assad regime would collapse early in 2013. He repeated the view in
interviews with the media. At the time, the BND pointed to the Syrian
military's precarious supply situation and large numbers of desertions
that included members of the officer core. German intelligence spoke
of the “end phase of the regime.”
»Since then, however, the situation has changed dramatically, the
BND believes. Schindler used graphics and maps to demonstrate that
Assad's troops once again possess effective supply lines to ensure
sufficient quantities of weapons and other materiel. Fuel supplies for
tanks and military aircraft, which had proved troublesome, are once
again available, Schindler reported. The new situation allows Assad's
troops to combat spontaneous rebel attacks and even retake positions
that were previously lost. The BND does not believe that Assad's
military is strong enough to defeat the rebels, but it can do enough to
improve its position in the current stalemate.
»The assessment appears to be consistent with recent reports from
Syria, where government troops have been able to regain the upper hand
in the region stretching from Damascus to Homs, including coastal areas
near Homs. Furthermore, fighters loyal to Assad have expelled rebel
fighters from several districts on the edge of Damascus and cut off
their supply lines to the south. Currently, the regime is in the process
of severing rebel supply lines to the west.
»Meanwhile, the BND believes that rebel forces, which include
several groups of Islamist fighters with ties to al-Qaida, are facing
extreme difficulties. Schindler reported that different rebel groups
are fighting with each other to attain supremacy in individual regions.
Furthermore, regime troops have managed to cut supply lines for weapons
and evacuation routes for wounded fighters. Each new battle weakens
the militias further, the BND chief said.
»Should the conflict continue as it has in recent weeks, says
Schindler, government troops could retake the entire southern half of
the
country by the end of 2013. That would leave only the north for
insurgent fighters, where Kurdish rebels have tighten control over their
areas.»
Sur le terrain, les rebelles évoluant de plus en plus de manière
autonome, sinon antagoniste et bien entendu anarchique avec des
affrontements internes qui ne cessent de les affaiblir, les liens
hiérarchiques avec la “direction politique” organisée sous l’égide du
bloc
BAO deviennent quasiment inexistants, estime Schindler. Cette situation
laisse peu d’espoir que des conversations de paix puissent être
conduites (notamment à la conférence Genève-II, lancée par la Russie et
les USA), cette “direction politique” étant réduite à un état de
non-représentation et n’ayant plus guère comme issue que de radicaliser
sans cesse sa position pour rendre les négociations impossibles sans
trop mettre en évidence son impuissance et son inexistence.
«Schindler's report on the state of the rebel groups allows little
room for hope that serious talks between the insurgents and the Assad
regime will take place soon. The BND says there is no functional chain
of command between opposition leaders abroad and the militias inside
of Syria. The fighters on the ground simply don't recognize the
political leadership, says the BND.»
Cette évaluation du BND confirme (voir notamment le 22 mai 2013) toutes les évaluations, notamment dans les services et organismes spécialisés du bloc BAO, concernant la
situation sur le terrain. Il s’agit notamment de la victoire dans la bataille de Qusair (voir Al Monitor Lebanon Pulse, le 21 mai
2013), considérée comme une affirmation stratégique majeure et,
pour notre propos, comme un événement opérationnel qui prend une allure
de symbole de la signification de cette “guerre syrienne”. Il s’agit
alors d’un élément fondamental pour la définition de Guerre de 4ème
Génération (G4G), qui est devenue, dans le développement des
événements, particulièrement depuis 2008, la transcription
opérationnelle de la
crise générale d’effondrement du Système.
Nous avons suivi épisodiquement ce que nous jugions être l’évolution du
concept de G4G, comme l’évolution d’un concept qui, plus encore que
signifier une nouvelle “génération” de forme de guerre, présente la
particularité de désigner un concept de guerre échappant complètement
aux seules règles et aux seuls éléments de l’activité militaire. Par
exemple, en 2006, à propos de deux crises militarisées (entre Israël et
le Hezbollah à l’été 2006 et lors de l’opération israélienne contre
Gaza au début 2009 [voir le 16 août 2006 et le 23 janvier 2009]),
nous observions
l’évolution radicale du concept qui implique de plus en plus
essentiellement et nécessairement des domaines que nous avons l’habitude
de
considérer comme non-militaires. Notre appréciation progressant, nous
en venons à considérer que la G4G est un concept de “guerre”
complètement adaptée à notre époque, et intégrant les changements
considérables apportées par une époque (surtout depuis 2008) qui est
celle
de l’infrastructure crisique
et
de la crise d’effondrement du Système. Parmi les éléments essentiels
caractérisant la nouvelle forme des conflits (qu’il est de plus en plus
difficile de nommer “guerre”), on notera la prépondérance de la
communication (système de la communication) et le rôle fondamental des
forces structurantes que sont les principes, et, à l’inverse, l’attaque
des forces Système caractérisées par l’équation dd&e
(déstructuration, dissolution & entropisation).
La “guerre syrienne” dans son développement depuis deux années est
devenue parfaitement un conflit G4G en ceci qu’il échappe à toutes les
règles militaires classiques, et qu’il évolue comme une “guerre” d’une
forme anarchique si l’on s’en tient aux seuls concepts militaires et
géopolitiques courants. La communication y joue un rôle fondamental
(voir le 2 avril 2012),
y compris
la communication autour d’instruments de guerre qui ne sont pas
nécessairement amenés à servir, et dont on peut même avancer que leur
fonction pourrait être justement de ne pas être utilisés (le cas des S-300
russes livrés
ou pas à la Syrie). Également et d’une façon paradoxale, la diplomatie y
joue un rôle considérable comme “arme de combat”, puisque c’est
bien la diplomatie qui a permis à la Russie d’y gagner le rôle de leadership qui est désormais le sien. (Cela, contre la
non-diplomatie d’un bloc BAO totalement noyé dans l’affectivité [voir le 11 juin 2012],
campé
sur un ultimatum d’autodestruction de l’adversaire et un soutien
affiché apporté à toutes les forces subversives, noyant ainsi le peu de
légitimité à laquelle pourrait prétendre une partie de l’opposition
syrienne dans un océan d’imposture et de montages illégaux et financiers
grossiers, avec en soutien de pointe l’un des membres les plus fictifs
et les plus anti-principiels
du bloc BAO, le Qatar, passé maître dans l’influence déstructurante.)
Enfin, la question principielle y joue également un rôle essentiel, en
donnant ou en refusant aux uns et aux autres, à mesure de l’évolution
de la situation opérationnelle, une légitimité qui permet de tenir un
rôle essentiel au travers de l’autorité que confère cette légitimité.
C’est encore le cas de la Russie, mais aussi celui du régime Assad qui
disposait pourtant au départ des troubles d’une légitimité plus que
chancelante et en pleine dissolution, et qui s’est re-légitimisé à
mesure que la “guerre” a avancé, à l’aune de l’évidence déstructurante
de l’action de ses adversaires. Dans l’aventure, d’autre part, les
autres intervenants de ce côté qui est celui de la défense des
principes structurants, qui tenaient un rôle complètement secondaire à
l’origine, notamment le Hezbollah et l’Iran, ont acquis eux-mêmes une
légitimité d’acteurs à part entière, hors de leurs propres
territoires, sur un plan régional affirmé.
Il n’est nullement assuré que la “guerre syrienne” évolue en une guerre
régionale affirmée, ou plus (pire) encore, en conflit plus
généralisée. Il n’est pas plus assuré qu’elle débouche sur une victoire
affirmée et une re-stabilisation du pays affecté (sous un pouvoir ou
l’autre) et des autres pays de la zone. Mais d’ores et déjà, la “guerre
syrienne” interprétée selon le prisme de la G4G, touche toute la
région et la transforme radicalement, dans des conditions et selon des
orientations que nous ne pouvons imaginer, – et cela avec des
conséquences générales sur l’évolution de la crise d’effondrement du
Système, qui sont elles aussi hors de notre capacité de prévision, et
qui pourraient être radicales dans leur enchaînement d'effets et de
conséquences. La “guerre syrienne“, selon le modèle G4G, a quitté la
dimension nationale et la dimension idéologique, et même la dimension
religieuse, qui sont toutes des sous-produits de l’affrontement entre
Système et antiSystème, pour attendre la dimension de cet affrontement
qui est la dimension principielle (autour des principes,
déstructuration contre structuration). Une seule certitude est que
l’évolution actuelle sanctifie absolument à la logique de la crise de
l’effondrement du Système, qui se joue effectivement sur cet
affrontement principiel et qui enchaîne sans vergogne, à chaque
séquence, la
dynamique d’autodestruction sur la dynamique de surpuissance. Le bloc
BAO, qui a choisi son camp comme on sacrifie à une fatalité qui a
elle-même déjà fait son choix, parce que ce camp est celui du Système,
essuie les déboires habituels.
... Le reste évolue en fonction de cette évolution générale. Il y a
deux ans, “Les Amis de la Syrie” se réunissaient pour la première fois,
à Tunis : ils étaient 88 ; il viennent de se réunir, le 22 mai à Amman.
Ils étaient onze.
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