Les
pays sous-développés n’existent plus. Cette expression qui désignait
globalement les pays du Sud, a été discrètement mise au rencart,
emportant avec elle toutes les connotations qu’elle renfermait. Dans
les années 80, comme pour récompenser ces pays d’avoir courageusement
supporté leur ancienne dénomination et d’avoir résolument choisi le
chemin du libéralisme imposé par le FMI, on décida de leur octroyer le
terme « en voie de développement ». Leur situation n’avait en rien
changé, pour la plupart, mais leur nouveau nom entretenait un certain
espoir. Ils restaient toujours dans un tiers-monde déshérité et mal
délimité, mais avec une petite lueur d’espoir au bout. Vingt à trente ans plus tard, au début du 21ème
siècle, la situation du monde était devenue beaucoup plus complexe. La
dislocation de l’URSS et l’émergence foudroyante de la Chine venaient
semer le trouble et brouiller les cartes. Les expressions
« sous-développé » et « en voie de développement » n’avaient de
signification que dans la mesure où elles étaient opposées au mot
« développé ». On pouvait ainsi, sans trop se casser la tête, diviser le
monde en deux : les pays développés d’un côté, tous ceux qui ne le sont
pas, de l’autre. Les pays développés, c’est l’occident. Après la chute
du Mur de Berlin, tous les anciens états de l’Europe de l’Est ont été
phagocytés dans le bloc de l’Ouest. Mais où classer la Fédération de
Russie et les anciens Etats de l’URSS ? Où pourrait-on placer la Chine
que l’on ne peut plus ne pas voir, même avec la meilleure volonté du
monde. Comme si cela ne suffisait pas, l’Amérique du Sud vient en
rajouter une couche avec un Brésil en plein essor. D’autres encore s’y
mettent : l’Inde, le Nigéria, l’Afrique du Sud, les pays arabes, etc. Il
faut trouver une désignation plus appropriée pour tous ces pays. On
parlera désormais de pays émergeants pour tous ces pays dont les
croissances feraient rêver n’importe quel ministre des finances
occidental (ou lui donnerait des cauchemars, c’est selon). Une nouvelle étape semble se profiler à l’horizon. Certains de ces
pays émergeants ont eu la bonne idée de se regrouper, d’abord à quatre,
puis à cinq, pour tisser des relations économiques au sein d’un
ensemble : le BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.
Progressivement les relations entre ces pays se sont renforcées et ont
débordé le cadre strictement économique. La situation géopolitique du
monde ne pouvait que les souder un peu plus, ne serait-ce que pour
coordonner leurs décisions dans les cas où leurs intérêts se
rejoignaient. Avec la crise, cette association de cinq pays représentant
40% de la population mondiale et dont le PIB total avoisine 30% du PIB
mondial, s’est avérée être un moyen efficace pour limiter les dégâts. Un nouveau pas vient d’être franchi lors de leur 5ème
sommet qui s’est tenu à Durban les 26 et 27 Mars, par le renforcement de
leurs partenariats dans différents secteurs de développement et le
lancement d’une idée de banque mondiale complètement indépendante de
l’UE et des USA. En attendant cette banque mondiale bis, des mécanismes
de transfert (swap) de devises ont pu être mis en place entre les
banques centrales de certains des partenaires. Une manière de
s’affranchir des devises étrangères pour toutes les transactions entre
les signataires. Dans l’ensemble, tout est fait pour créer des
mécanismes internes au groupe qui leur permettront de booster leurs
économies et leurs investissements. L’Afrique du Sud semble, pour la
première fois, être vue concrètement comme une tête de pont pour une
participation conjointe des cinq au développement de l’Afrique dans son
ensemble, dans une approche plus globale. Il apparait également, à
travers les discours des uns et des autres, une volonté d’entente
commune au sein des organismes internationaux. Leur objectif affiché et
clairement exprimé est de remettre la légalité internationale au sein
des relations entre états, pour garantir la souveraineté des peuples.
Pour eux, la prospérité mondiale passe par des rapports d’égal à égal
entre les nations. A Durban, c’est un bloc qui s’affirme. Ses membres répètent à l’envie
que leur bloc n’est dirigé contre personne et n’a aucune visée hostile.
C’est évident dans la mesure où leurs économies respectives sont
totalement imbriquées avec les autres économies du monde. Mais à y
regarder de plus près, les choses se présentent d’une tout autre
manière. En effet, s’émanciper de l’ordre économique mondial, c’est
s’émanciper de l’ordre occidental et donc l’affaiblir. Chercher à
instaurer des rapports d’égal à égal entre les états, c’est saper toutes
les bases hégémoniques de l’occident qui sont le fondement même de son
économie. Dans un cas comme dans l’autre, les objectifs du nouveau bloc
sont antagonistes des intérêts du bloc occidental. A terme, on risque
de voir s’installer une rivalité bloc contre bloc, comme au bon vieux
temps de l’URSS. C’est la nature même du bloc occidental qui le veut.
Jusqu’ici, l’Occident n’a pu fonctionner que sur la base de ses acquis
historiques caractérisée par l’hégémonie pour laquelle le dialogue
d’égal à égal n’a pas sa place. Nécessité fait loi, telle a toujours été
la règle, et personne ne s’y est jamais opposé. A moins d’un
bouleversement modifiant les rapports internationaux, cette vision du
monde ne risque pas de changer. Si les pays du BRICS arrivent à leurs fins, ce sera le début d’une
nouvelle ère de bras de fer. D’un côté il y aura ceux pour lesquels
nécessité fait loi, et de l’autre les défenseurs de la loi
internationale et rien que la loi internationale. Avic
Enregistrer un commentaire