LES JEUX OLYMPIQUES NÉOLIBÉRAUX
Dernier avatar d'un Occident sur le déclin
Par Pr Chems Eddine CHITOUR -
Une cérémonie d'ouverture grandiose
«L'important
dans la vie, ce n'est point le triomphe, mais le combat, l'essentiel,
ce n'est pas d'avoir vaincu mais de s'être bien battu.» Baron Pierre
de Coubertin
Vendredi soir à 22 heures s'ouvraient dans un faste
coûteux avec peu d'imagination les 30es Olympiades. Le cinéaste Danny
Boyle mit en scène les deux siècles de révolution industrielle en
Angleterre, nous eûmes droit aux mineurs, à la vie du temps de Dickens,
aux hauts-fourneaux pour arriver à Mister Bean. Pas un mot de l'oeuvre
positive de la colonisation qui fut le moteur du développement en termes
de ressources de débouchés et de main-d'oeuvre et surtout sur la
situation de banqueroute du Royaume-Uni avec une dette de plus de 1000
milliards de dollars, du chômage et de l'Etat social qui commence à être
démantelé. La Grèce, qui a vu naître les Jeux, est en train de sombrer
et comme l'écrit Vénizélos le ministre grec des Finances: «J'ai peur que
certains ne pensent que la Grèce doit être sacrifiée comme Iphigénie
pour qu'un vent favorable souffle de nouveau dans les voiles de la zone
euro.» Ariane Walter ajoute d'autres arguments: «Voilà une Europe
exsangue, une planète sous la menace d'une irradiation atomique
mortelle, il suffirait d'un autre tremblement de terre pour que la
piscine du 4 de Fukushima s'effondre, un monde à la veille d'un conflit
généralisé et sous nos yeux un divertissement comme si de rien n'était,
comme si tout le monde s'aimait et se respectait! Comme si l'argent
coulait à flots, comme si les esprits étaient sereins! Munich 2?» (1)
Histoire des Jeux olympiques
Conçus avant tout comme une trêve entre cités grecques, l'olympisme a
une histoire vieille de plus de vingt-cinq siècles avant d'être
redécouverte sous une forme singulière par Pierre de Coubertin. Pour
l'histoire, au IXe siècle avant l'ère chrétienne, le roi d'Elide,
Iphitos, conclut un traité avec Sparte, déclarant Olympie inviolable
durant les Jeux sacrés. La rénovation des Jeux olympiques date de 776
avant J.-C. Les premiers Jeux débutèrent à Olympie par une simple
course. Des délégations issues de tout le monde hellénique y furent
reçues et nourries aux frais de la cité. ´´L'olympionike´´ devrait être
de pure race hellénique, n'avoir commis ni crime ni sacrilège et se
soumettre à un entraînement intensif durant six mois. Dans tous les
cas, le titre de vainqueur olympique leur conférait des égards
incontestables durant toute la vie. Ces champions adulés furent pourtant
l'objet de jugements peu favorables. Euripide dénonça leur moralité
douteuse. Par la suite, du temps de l'Empire romain, les vieux Romains
s'opposèrent en effet à la pénétration des moeurs helléniques et plus
particulièrement à celle de la gymnastique. Les thermes connurent un
développement incroyable. A ces hommes, trop amollis pour se livrer à
des exercices physiques, les spectacles violents offrirent une agréable
compensation. Si bien que l'on assista parallèlement à une mutation de
l'athlétisme professionnel, qui dégénéra en lutte des hommes contre des
bêtes ou des hommes entre eux. Le professionnalisme, puis les jeux de
cirque amenèrent la décadence de l'olympisme. (2)
Nous passons alors
graduellement au «panem et circenses» -du pain et des jeux - pour
divertir les Romains et leur faire oublier leur quotidien amer le temps
des jeux, ce que s'appliquent à faire les gouvernements quand la révolte
gronde pour gagner du temps, cette expression latine utilisée dans la
Rome antique pour dénoncer l'usage délibéré fait par les empereurs
romains de distributions de pain et d'organisation de jeux dans le but
de flatter le peuple afin de s'attirer la bienveillance de l'opinion
populaire. Aujourd'hui, elle est souvent utilisée pour signifier la
relation biaisée qui peut s'établir dans ces périodes de relâchement, ou
de décadence, entre: une population qui peut se laisser aller, se
satisfaire de pain et de jeux, c'est-à-dire se contenter de se nourrir
et de se divertir et ne plus se soucier d'enjeux plus exigeants ou à
plus long terme concernant le destin de la vie individuelle ou
collective. Un pouvoir politique qui peut être tenté d'exploiter ces
tendances «à la vie facile et heureuse» par la promotion de discours et
de programmes d'action populistes ou court-termistes. Il faut d'abord
rappeler que les Jeux olympiques n'avaient pas une dimension
universelle, ils concernaient les villes-cités grecques. De plus, ils
étaient conçus comme un outil politique et militaire qui permettait aux
cités (Sparte, Athènes..) de s'affronter par athlètes interposés. Pierre
de Coubertin voulut les ressusciter après leur suppression par Rome en
394 en leur donnant un cachet purement raciste et misogyne, en un mot
glorifier l'homme blanc européen.
Pierre de Coubertin, colonialiste, misogyne et raciste
«Les
jeux modernes n'existent en fait que depuis 108 ans. Bien que les
discours actuels affirment que les valeurs olympiques prônées par
Coubertin étaient celles du respect et de la courtoisie entre les
peuples, la réalité est en fait bien moins agréable. Gavé d'idées issues
d'auteurs tels que le naturaliste Francis Galton qui s'efforça toute sa
vie de démontrer l'inégalité des races humaines ou du non moins connu
diplomate Français, Joseph comte de Gobineau, l'inspirateur de
l'idéologie nazie (Essai sur l'inégalité des races humaines). Coubertin
ne cacha pas de son vivant, ses idées ouvertement racistes et misogynes.
(...) Deux ans plus tard, en 1896, la première olympiade a lieu à
Athènes. Pour Coubertin, il s'agit de manifester aux yeux du monde la
supériorité de l'Occident, et surtout de prouver dans le cadre des jeux,
la perfection de «l'homme blanc», autant sur le plan physique que
spirituel.
Pour Coubertin, la beauté des corps répondant à l'antique
esthétique des athlètes grecs, ne peut se retrouver que chez des
compétiteurs européens. Cette supposée perfection européenne doit donc
se manifester clairement par une supériorité en termes de performance,
cela au détriment des autres «races» considérées comme inférieures. (3)
En
Occident, hypocritement, des voix s'élèvent pour interdire aux
musulmanes qui le désirent de concourir avec un tissu couvrant leurs
cheveux, et ceci pour leur bien car ce tissu est le signe de leur
soumission... Pourtant, aux Jeux olympiques de Pékin en 2008, quatorze
délégations comptaient des athlètes voilées dans leurs rangs. Le voile
(ou hijab) est «un signe culturel et non religieux». Voilà comment
l'Ifab, a justifié sa décision d'autoriser les footballeuses à porter le
foulard. Les Caroline Fourest et autres Martine Gozlan qui donnent de
la voix oublient très hypocritement le racisme et la misogynie de Pierre
de Coubertin.
La question du foulard cachant les cheveux
Rappelons
le véritable cadre idéologique de la renaissance des Jeux olympiques
modernes: Les femmes interdites d'accès, les Nègres, Indiens et autres
«métèques» tolérés dans le rôle de faire-valoir. On retiendra d'ailleurs
que pour la troisième Olympiade de 1904 à St-Louis (USA), les
compétitions furent organisées séparément, ceci en fonction de la «race»
des compétiteurs. (...) Coubertin ne cesse de tempêter contre le
laxisme ethnique des jeux et surtout l'éventuelle participation des
femmes aux Olympiades. Pour lui, il s'agit d'un affront majeur à la
grandeur et à la pureté originelle de cette compétition. Les jeux de
Berlin, en 1936 sont censés magnifier aux yeux des autorités allemandes,
la supériorité de la race germanique. Hitler lui renvoya l'ascenseur en
proposant Coubertin pour le prix Nobel, ce que l'Académie Nobel,
pourtant très conservatrice, refusa. Cruelle ironie de l'histoire, un
Noir du nom de Jesse Owens, que l'histoire retiendra comme le premier
athlète à remporter quatre médailles. Ulcéré, Hitler quitte le stade.
Pierre
de Coubertin disait: «À la race blanche, d'essence supérieure, toutes
les autres doivent faire allégeance.» - «Il y a deux races distinctes:
celles au regard franc, aux muscles forts, à la démarche assurée et
celle des maladifs, à la mine résignée et humble, à l'air vaincu. Hé
bien! c'est dans les collèges comme dans le monde: les faibles sont
écartés, le bénéfice de cette éducation n'est appréciable qu'aux
forts.». «La théorie de l'égalité des droits pour toutes les races
humaines, conduit à une ligne politique contraire à tout progrès
colonial.» «Je suis un colonial fanatique», écrivait le baron Coubertin.
«Les olympiades femelles, inintéressantes, inesthétiques et
incorrectes», sauf à un titre: «Aux Jeux olympiques, leur rôle devrait
être surtout, comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs.»
Où est la dignité de la femme dans tout cela? (4)
La marchandisation des Jeux
L'admiration
de Coubertin pour le IIIe Reich est connu. En dépit de la
professionnalisation du sport, la magie des Jeux reste intacte pour les
10.480 athlètes participants et les 205 pays représentés. Le
patriotisme, valeur de l'olympisme, est présent cependant. Les sportifs
se battent d'abord pour eux-mêmes avant de défendre leurs couleurs
nationales. Ce patriotisme a été remplacé par une forme de chauvinisme,
qu'on retrouve moins dans le coeur des athlètes que dans la tête des
sponsors et des responsables des télévisions couvrant l'événement. On
apprend ainsi la démesure suivante: 11 millions de billets ont été émis,
10.490 athlètes inscrits dans 26 disciplines olympiques vont concourir
pour 302 épreuves. 2 millions de visiteurs sont attendus. Les Jeux
olympiques de Londres coûteront plus de 11 milliards de livres. Les
organisateurs ont réuni 41 sponsors britanniques qui ont versé quelques
700 millions de livres. Ils comptent également récolter plus de 600
millions de livres (762 millions d'euros) de la vente des billets et une
somme moins importante de la vente des souvenirs. Les droits de
retransmission pour les Jeux ont été portés à 3,9 milliards de
dollars.Le CIO a 11 sponsors globaux qui paient 957 millions de dollars
pour les droits internationaux de commercialisation de leurs produits.
L'homme
d'affaires indien, Lakshmi Mittal, patron d'ArcelorMittal, et son fils
ont porté la flamme olympique jeudi à Londres. Lakshmi Mittal est aussi
le sponsor d'une tour en métal du Parc olympique baptisée ´´The
Orbit´´. «Quand je pense aux parallèles entre moi-même et un athlète
olympique, je crois que le monde des affaires est marqué par des
principes très similaires de persévérance et de dur labeur», déclare
Lakshmi Mittal. Scandale et tollé ont accueilli cette nouvelle. Alors
que le groupe a décidé la fermeture de ses hauts-fourneaux un peu
partout en Europe et même en Algérie, car pas rentables. Ils s'achètent
ainsi pour 18 millions de dollars une respectabilité. Les Occidentaux
n'ont pas diabolisé dans les mêmes termes BP voire Coca-Cola qui fut, on
s'en souvient, le sponsor des Jeux de Berlin. Londres est devenue pour
des motifs de sécurité une ville assiégée. Les Olympiques de Londres,
écrit Finian Cuningham, prennent rapidement l'allure d'une vaste
opération militaire terrestre et aérienne et non pas celle d'un
événement sportif international. Au lieu du sentiment de fraternité
internationaliste que devraient incarner les Jeux olympiques, il règne à
Londres une atmosphère menaçante de pays en guerre avec des missiles
sol-air déployés sur les toits d'immeubles d'habitation, des cuirassés
de la Marine en état d'alerte, ainsi que des chasseurs et des
hélicoptères de la Royal Air Force patrouillant le ciel de la capitale
britannique. (...) L'extravagant événement et son parrainage corporatif
tape-à-l'oeil, provoque une sensation inquiétante. rappelant le roman
dystopique de George Orwell, 1984. Le classique d'Orwell évoquant un
État policier autoritaire se déroulait principalement à Londres, devenue
la capitale d'Airstrip.» (5)
La politisation des jeux a toujours existé
Pour
l'histoire, la politique- quand c'est l'Occident qui décide- a toujours
émaillé les Jeux. Le mouvement d'appel au boycott des Jeux olympiques
de Berlin en 1936, les «Jeux nazis» a existé durablement,
significativement, s'inscrivant dans la continuité de celui lancé
quelques années auparavant contre l'Allemagne nazie. (...)Les principes
antidémocratiques, racistes et inégalitaires s'opposent totalement à
l'esprit olympique. (...) En Europe, dans les démocraties, la question
du boycott n'est pas, de loin, la priorité face aux crises économiques,
au chômage, aux risques de conflits. (...) Les États-Unis et d'autres
nations occidentales rejettent le principe du boycott...Quant au Comité
olympique américain, il combat ardemment en faveur de la tenue des Jeux,
considérant que la politique ne doit pas interférer avec le sport.
(...) les influences des pro-jeux ainsi que le travail de sape du Comité
olympique américain et de son président Brundage, ont un rôle décisif
dans le renversement d'opinion, dans une moindre mobilisation. (...) En
France, le gouvernement de Léon Blum, hésite puis opte pour des
compromis afin d'éviter tout affrontement direct, ne s'opposant pas au
départ des sportifs français vers Berlin.(6)
Souvenons-nous aussi:
les Jeux de la XXIIe Olympiade ont été célébrés à Moscou, pour la
première fois en Urss du 19 juillet au 3 août 1980 et ont été boycottés
par le Etats-Unis et Etats Le 20 janvier 1980, le Président Jimmy Carter
adresse un ultimatum au Kremlin: «Si dans un mois au plus tard, vos
troupes n'ont pas évacué l'Afghanistan, l'équipe olympique américaine
n'ira pas à Moscou et nous demanderons aux autres pays de s'abstenir
aussi.» Par ailleurs, 29 pays musulmans s'associent également à ce
boycott considérant l'attaque contre l'Afghanistan comme une attaque
contre l'Islam. La France laissa le libre choix au Cnosf et trois
fédérations nationales (équitation, voile et tir) boycottèrent les Jeux.
De plus, les pays occidentaux, boycotteront la cérémonie d'ouverture.
Lors des JO du Mexique en 1986, les poings levés et gantés de cuir noir,
des athlètes américains, Tommie Smith et John Carlos, en soutien des
Black Panthers, les firent rentrer dans la légende. Enfin, quand Jacques
Rogge décide d'une minute de silence pour les attentats de Munich c'est
de la politique ou pas?
Conclusion
Les JO modernes -une
création à la gloire de l'homme blanc- à en croire Pierre de Coubertin
sont le dernier avatar de l'empire décadent qui offre des jeux de cirque
néolibéralisés. Ils sont devenus un exemple de privatisation des
profits et de nationalisation des pertes. Bref, un excellent moyen de
mettre l'argent public, dans des poches privées, de l'oligarchie
financière et mondiale. Finie la glorieuse incertitude du sport amateur,
finie l'éthique, fini l'exploit pour le panache. Au bout de la ligne,
un gros paquet de dollars. Nous sommes loin de l'idéal des Jeux
olympiques et de la devise «plus vite, plus haut, plus fort». Les JO
sont à réinventer
1.http://www.legrandsoir.info/l-attentat-de-la-ceremonie-d-ouverture-des-jo-de-londres-2012.html ´´
2.http://gymnet.org/histoire-jo-antiq.htm3.http://www.gauchemip.org/spip.php?article7074
4.http://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Pierre_de_Coubertin
5.Finian Cunningham: Les Olympiques militarisés de Londres Mondialisation.ca 20 Juillet 2012
6.http://www.leboycott.fr/remarquables/le-boycott-des-jeux-de-berlin-en-1936/
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