Du
27 juin au 1er juillet 2012, des affrontements entre tribus rivales ont
fait 47 morts et plus d’une centaine de blessés dans le sud-est libyen
(2). Dans le sud-ouest et plus précisément dans les villes de Mizdah et
Al-Chakika des combats entre les tribus de Zentan et d’Al-Machachiya ont
fait 105 victimes et des centaines de blessés. En avril 2012, des
groupes armés s’affrontaient près de Zouara à 80 km de Tripoli (3). Les
différentes milices (plus de 100 rien qu’à Tripoli !) non contentes de
s’entretuer, font régner une véritable terreur sur l’ensemble du
territoire libyen. Leurs trafics notamment d’armes et d’alcool
dégénèrent en règlements de comptes violents : « Chaque milice a son
quartier et une véritable économie de la violence s’est mise en place.
Il y a de l’alcool, des armes, des trafics des luttes d’influence. Tout
cela dégénère très vite en règlements de comptes ; on a tous les
ingrédients d’une guerre civile larvée... » disait Patrick Haimzadeh
ancien diplomate français (4). Dans son dernier rapport sur la Libye,
Amnesty International constate que « un an après le soulèvement, des milices au comportement ’anarchique’ commettent des violations massives ». Les milices de Misratah et de Zintan « ont
ainsi chassé de chez eux tous les habitants de Tawargha, soit environ
30 000 personnes, et ont pillé et incendié leurs logements en
représailles contre des crimes que des Tawarghas sont accusés d’avoir
commis pendant le conflit. Des milliers de membres de la tribu des
Mashashyas ont eux aussi été forcés à quitter leur village par des
miliciens de Zintan. » (5) Il ne s’agit là que de quelques exemples
de ces crimes, de ces affrontements entre tribus, milices et autres
seigneurs de guerre. Malgré cette « guerre de tous contre tous », la
production de pétrole assurée par des compagnies étrangères, quant à
elle, coule à flots. Elle a même retrouvé son niveau d’avant
l’intervention impérialiste !
La violence, l’arbitraire et l’anarchie, au mauvais sens du terme,
font partie intégrante du quotidien des libyens auxquels l’OTAN avait
pourtant promis démocratie, liberté, respect des droits de l’Homme et
tutti quanti. Non seulement le Conseil National de Transition (CNT)
tolère ces crimes, mais il les encourage. Ainsi le 2 mai 2012, le CNT a
voté une loi(loi 38) protégeant les responsables de ces exactions si
elles ont pour but de « promouvoir ou protéger la révolution » (6).
L’intervention impérialiste a brisé également l’unité du peuple
libyen. En mars 2012, la Cyrénaïque, un tiers du territoire, où se
trouve l’essentiel des ressources pétrolières et gazières a proclamé son
autonomie. Son Conseil intérimaire est dirigé par le prince Ahmed Al
Zoubaïr al Senoussi petit neveu du roi Idriss Al Sanoussi.
A quelques jours des élections de l’assemblée constituante du 7
juillet 2012, des incidents violents se sont produits dans cette région
de l’est libyen.
Le 1er juillet 2012, des hommes armés ont saccagé les bureaux de la
commission électorale de Benghazi pour protester contre la répartition
des sièges dans la future assemblée constituante qui devrait être élue
le 7 juillet. Ils réclament pour la Cyrénaïque un nombre de sièges égal à
celui des des deux autres régions, la Tripolitaine (ouest) et le
Fezzane (sud). Le 5 juillet, c’est le dépôt contenant le matériel
électoral qui a été incendié à Ajdabiya. Le 6 juillet, un fonctionnaire
de la commission électorale a été abattu. Son hélicoptère, qui
transportait des urnes, a été la cible des tirs d’armes légères (7). Le 7
juillet, un homme hostile aux élections a été tué dans un échange de
tirs à Ajdabiya.
La Cyrénaïque comme d’ailleurs les Toubous (ethnie du sud d’origine
africaine) appellent au boycott du scrutin du 7 juillet 2012.
Berbères, Toubous et autres Touaregs revendiquent, eux, leur
spécificité culturelle et linguistique (8) et les tensions avec les
tribus arabes dominantes se règlent souvent les armes à la main faisant
plusieurs dizaines de morts. L’éclatement de la nation libyenne,
construction récente et fragile, en entités plus ou moins indépendantes
du pouvoir central et dominées par des tribus s’entretuant mutuellement
est un risque réel, conséquence directe de l’intervention impérialiste.
L’autre conséquence directe de l’intervention militaire occidentale
en Libye est le morcellement du Mali. Car si l’OTAN n’avait pas envahi
la Libye et imposé un CNT à sa solde, jamais le Nord du Mali n’aurait pu
être occupé par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA)
et ses alliés islamistes. L’occupation de vastes territoires maliens est
rendu possible grâce à la complicité des États-Unis, de la France et de
leurs serviteurs locaux regroupés dans la Communauté Économique des
États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Les armes qui ont permis aux
assaillants de s’emparer des deux tiers du territoire malien provenaient
des arsenaux libyens. Le Qatar qui a participé à la guerre en Libye et
qui finance avec l’Arabie Saoudite l’opposition syrienne, apporte son
soutien financier, sous couvert d’aide humanitaire, aux mouvements armés
qui agissent au nord du Mali. « Le gouvernement français sait qui
soutient les terroristes. Il y a le Qatar par exemple qui envoie
soi-disant des aides, des vivres tous les jours sur les aéroports de
Gao, Tombouctou etc. » disait Sadou Diallo maire de Gao (9).
Mais ce que le maire n’a pas compris, c’est que la France dont il
demande l’intervention militaire, travaille main dans la main avec le
Qatar sous la houlette des États-Unis qui, eux, agissent bien sûr à
travers l’OTAN mais aussi à travers l’AFRICOM (Commandement militaire
des États-Unis pour l’Afrique ). Ce commandement leur permet non
seulement de contrer la présence chinoise en Afrique, mais aussi et
surtout de s’approprier les immenses richesses minières et pétrolières
du continent. C’est dans ce cadre général qu’il convient de situer
l’intervention impérialiste en Libye et ses prolongements au Mali.
L’intervention impérialiste en Libye a fait des dizaines de milliers
de victimes innocentes. Elle a détruit l’essentiel de l’infrastructure
économique du pays. Elle a brisé l’unité de la nation libyenne.
L’impérialisme américain et son supplétif européen ont imposé au peuple
libyen par la violence un pouvoir sans légitimité aucune, mais qui leur
est totalement soumis. Les bourgeoisies occidentales, à travers leurs
compagnies, peuvent désormais pomper, tels des vampires, le pétrole
libyen en toute quiétude. Mais ces rapaces sont insatiables. Leurs
visées impérialistes portent maintenant sur le sous sol de tout le Sahel
africain en exploitant les mécontentements des populations
marginalisées par les régimes en place. La destruction de la Libye
rappelle étrangement la destruction de l’ex-Yougoslavie, de l’Irak, de
l’Afghanistan, de la Côte d’Ivoire et bien d’autres États encore.
Aujourd’hui, l’impérialisme américain et européen avec l’aide de
leurs alliés locaux (Arabie Saoudite, Qatar, Turquie etc.) sont en train
de détruire la Syrie pour imposer, là encore, un pouvoir à leurs
bottes. Toutes les nations qui n’ont pas les moyens militaires pour se
défendre sont des cibles potentielles de l’impérialisme. Cette violence
exercée sur des peuples sans défense est intimement liée aux fondements
même du système capitaliste dont le seul et unique but est la
maximisation du profit par tous les moyens. Rien n’arrêtera cette
minorité d’exploiteurs d’exercer sur l’immense majorité d’exploités, à
travers le monde, une répression et une cruauté sans limite pour
atteindre leur objectif. La résistance et le combat pour la destruction
du capitalisme doivent être planétaires.
Mohamed Belaali
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