Le président Vladimir Poutine a placé son troisième mandat sous le
signe de l’affirmation de la souveraineté de son pays face aux menaces
directement lancées contre la Fédération de Russie par les États-Unis et
l’OTAN. Moscou a maintes fois dénoncé l’élargissement de l’OTAN,
l’installation de bases militaires à ses frontières et le déploiement du
bouclier antimissile, la destruction de la Libye et la déstabilisation
de la Syrie.
Les jours suivant son intronisation, M. Poutine a passé en revue
l’industrie militaire russe, ses forces armées, et son dispositif
d’alliance [1]. Il a poursuivi cette mobilisation en choisissant de
faire de la Syrie la ligne rouge à ne pas franchir. Pour lui, l’invasion
de la Libye par l’OTAN est comparable à celle de la Tchécoslovaquie par
le IIIe Reich, et celle de la Syrie —si elle devait avoir lieu— serait
comparable à celle de la Pologne qui déclencha la Deuxième Guerre
mondiale.
Toute interprétation de ce qui se passe actuellement au Levant en
termes intérieurs syriens de révolution/répression est non seulement
faux, mais dérisoire au regard des vrais enjeux et relève de la simple
communication politique. La crise syrienne est avant tout une étape du «
remodelage du Moyen-Orient élargi », une nouvelle tentative de détruire
« l’Axe de la Résistance », et la première guerre de « la géopolitique
du gaz » [2]. Ce qui se joue actuellement en Syrie, ce n’est pas de
savoir si Bachar el-Assad parviendra à démocratiser les institutions
qu’il a reçu en héritage ou si les monarchies wahhabites du Golfe
parviendront à détruire le dernier régime laïque de la région et à
imposer leur sectarisme, mais quelles frontières séparent les nouveaux
blocs, OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord) et OCS
(Organisation de coopération de Shanghai) [3].
Certains de nos lecteurs ont probablement sursauté à la lecture de
la phrase précédente. En effet, depuis des mois, les médias occidentaux
et du Golfe leur martèlent à longueur de journées que le président
el-Assad incarne une dictature sectaire au profit de la minorité
alaouite, tandis que son opposition armée incarne la démocratie
pluraliste. Un simple regard sur les événements suffit à discréditer
cette présentation mensongère. Bachar el-Assad a convoqué successivement
des élections municipales, un référendum et des élections législatives.
Tous les observateurs se sont accordés à dire que les scrutins se sont
déroulés de manière sincère. La participation populaire a atteint plus
de 60 % alors même que les Occidentaux les ont qualifiés de « farces »
et que l’opposition armée qu’ils soutiennent a empêché les citoyens de
se rendre aux urnes dans les quatre districts qu’ils contrôlent. Dans le
même temps, l’opposition armée a multiplié les actions non seulement
contre les forces de sécurité, mais contre les civils et tous les
symboles de la culture et du multi-confessionnalisme. Ils ont assassiné
les sunnites progressistes, puis tué au hasard alaouites et chrétiens
pour contraindre leurs familles à fuir. Ils ont brulé plus de mille cinq
cents écoles et églises. Ils ont proclamé un éphémère Emirat islamique
indépendant à Baba Amr où ils ont institué un Tribunal révolutionnaire
qui a condamné à mort plus de 150 mécréants, égorgés un à un en public
par leur bourreau. Et ce n’est pas le pitoyable spectacle de quelques
politiciens dévoyés, réunis au sein d’un Conseil national syrien en
exil, affichant un projet démocratique de façade sans rapport avec la
réalité de terrain des crimes de l’Armée « syrienne » libre, qui
masquera plus longtemps la vérité. Au demeurant, qui peut croire que le
régime laïque syrien, dont l’exemplarité était célébrée il y a peu,
serait devenu une dictature confessionnelle, tandis que l’Armée «
syrienne » libre, soutenue par les dictatures wahhabites du Golfe et
obéissant aux injonctions de prédicateurs takfiristes serait un parangon
du pluralisme démocratique ?
L’évocation par des dirigeants US d’une possible intervention
internationale hors mandat de l’ONU, à la manière dont l’OTAN avait
démembré la Yougoslavie, a suscité inquiétude et colère à Moscou. La
Fédération de Russie, qui jusqu’ici se tenait en position défensive, a
décidé de prendre l’initiative. Ce changement stratégique est dû à
l’urgence de la situation du point de vue russe, et à l’évolution
favorable sur le terrain en Syrie [4].
Moscou a proposé de créer un Groupe de contact sur la Syrie qui
réunirait l’ensemble des États concernés, c’est-à-dire à la fois les
Etats voisins, les puissances régionales et internationales. Il s’agit
de substituer un forum de dialogue à l’actuel dispositif belliqueux mis
en place par les Occidentaux sous le vocable orwellien de « Conférence
des Amis de la Syrie ».
La Russie continue à soutenir le Plan Annan —qui est en fait la
reprise à peine modifiée du plan présenté par Sergey Lavrov à la Ligue
arabe—. Elle déplore que ce plan ne soit pas appliqué, mais rejette la
culpabilité sur la faction de l’opposition qui a pris les armes. Selon
A.K. Lukashevich, un des porte-parole du ministère des Affaires
étrangères, l’Armée « syrienne » libre est une organisation illégale au
regard du droit international. Bien qu’elle assassine chaque jour 20 à
30 soldats syriens, elle est publiquement soutenue par les États de
l’OTAN et du CCG en violation du Plan Annan [5].
Se posant en faiseur de paix face à une OTAN faiseur de guerre,
Vladimir Poutine a demandé à l’OTSC de se préparer à déployer des «
chapkas bleues » en Syrie, à la fois pour séparer les belligérants
syriens et pour combattre les forces étrangères. Nicolai Bordyuzha,
secrétaire général de l’OTSC, a confirmé qu’il dispose de 20 000 hommes
formés pour ce type de mission et immédiatement disponibles [6]
Ce serait la première fois que l’OTSC déploierait une force de
paix hors de l’ancien espace soviétique. Piqué au vif, le secrétaire
général de l’ONU, Ban Ki-moon, a tenté de saboter cette initiative en
proposant soudainement d’organiser lui aussi un Groupe de contact.
Réunissant à Washington le groupe de travail sur les sanctions de
la Conférence des Amis de la Syrie, la secrétaire d’Etat US Hillary
Clinton a fait fi de la proposition russe et a surenchéri en faveur d’un
changement de régime [7].
En Turquie, des parlementaires d’opposition ont visité les camps
de réfugiés syriens. Ils ont constaté l’absence de plus d’un millier de
réfugiés enregistrés par les Nations Unies dans le principal camp et, au
contraire, la présence d’un arsenal dans le camp. Ils ont alors
interrogé à l’Assemblée le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan
exigeant qu’il révèle le montant de l’aide humanitaire accordée aux
réfugiés fantômes. Les députés considèrent que le camp de réfugiés est
une couverture pour une opération militaire secrète. Il abrite en
réalité des combattants, principalement libyens, qui l’utilisent comme
base arrière. Les députés ont émis l’hypothèse que ces combattants sont
ceux qui se sont introduit dans le district de Houla lorsque le massacre
a été perpétré.
Ces informations confirment les accusations de l’ambassadeur russe
au Conseil de sécurité, Vitaly Churkin, selon lesquelles, le
représentant spécial de Ban Ki-moon en Libye, Ian Martin, a utilisé des
moyens de l’ONU destinés aux réfugiés pour acheminer en Turquie des
combattants d’Al Qaeda [8].
En Arabie saoudite, la fracture entre le roi Abdallah et le clan
des Sudeiris s’est à nouveau manifestée. À l’invitation d’Abdallah Ier,
le Conseil des oulémas a publié une fatwa stipulant que la Syrie n’est
pas une terre de jihad. Mais, dans le même temps, le prince Fayçal,
ministre des Affaires étrangères appelait à armer l’opposition contre «
l’usurpateur alaouite ».
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