Les bombardements terroristes de Damas: du 'Made in USA'
« Notre politique et
d’essayer d’accélérer l’arrivée à un point de basculement » où le régime
syrien de Bachar al-Assad est renversé, avait expliqué en mars dernier
le sous-secrétaire d’Etat américain pour les Affaires du Proche-Orient,
Jeffrey Feltman.
On
a pu voir jeudi la dernière incarnation de cette politique. Les bombes
dévastatrices placées dans des voitures et qui ont tué 55 personnes et
fait près de 400 blessés à Damas marquent une nouvelle étape de la
campagne impérialiste criminelle pour un changement de régime en Syrie.
Washington,
après avoir détourné le mouvement de protestation, qui avait débuté en
Syrie en mars de l’année dernière, en une tentative pour en faire un
appareil pour l’installation d’un régime client à Damas, a ensuite
soutenu la formation des « Amis de la Syrie », inspirée d’un groupe
international similaire à celui utilisé lors de la préparation de la
guerre en Libye.
Washington
a déclaré que le Conseil national syrien (CNS), assortiment de
politiciens islamistes issus des Frères musulmans et d’agents
vieillissants en exil, originaires de diverses agences de renseignement
occidentales, était le « représentant légitime » du peuple syrien.
Washington a aussi soutenu la formation de la soi-disant Armée syrienne
libre (ASL) pour perpétrer des attaques armées contre les forces de
sécurité syriennes.
Les
alliés les plus proches de Washington dans le monde arabe, en
l’occurrence les monarchies féodales dictatoriales de l’Arabie saoudite
et du Qatar, ont mis en place un fonds de 100 millions de dollars dans
le but de faire figurer directement sur leur registre de personnel à
rémunérer les membres de l’ASL tandis que les Etats-Unis annonçaient
l’envoi d’une assistance « non létale » à ces mêmes forces, comprenant
de l’équipement de communication sophistiqué, des lunettes de vision
nocturne et du renseignement américain.
Rien
de tout cela n’a eu le résultat souhaité. Dans la plupart des régions,
l’ASL a à peine opposé un semblant de résistance à l’armée syrienne et
il n’existe pas le moindre signe d’un soutien populaire de masse pour le
Conseil national syrien.
Alors
maintenant on en vient aux bombardements terroristes. Les explosions de
jeudi à Damas ne sont que les dernières en date et les plus mortelles
d’une série d’attaques à la bombe de ces quelques dernières semaines.
Vendredi, le gouvernement syrien a rapporté avoir déjoué un autre
attentat suicide, cette fois-ci dans la capitale commerciale d’Alep, et
qui impliquait un véhicule chargé d’une tonne et demi d’explosifs.
L’objectif
de cette campagne est de terroriser le peuple syrien et, avec en plus
des sanctions unilatérales des Etats-Unis et de l’Union européenne, de
paralyser l’économie du pays afin de créer les conditions d’une
implosion sociale et politique. Dans le même temps, ceci est conçu pour
prouver que l’accord de cessez-le-feu des Nations unies, négocié par
l’ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, ne peut pas
marcher.
Deux
jours seulement avant les attaques de Damas, Susan Rice, ambassadrice
américaine aux Nations unies, avait rejeté comme étant une « diversion »
les avertissements syriens concernant des terroristes étrangers
arrivant en Syrie. Elle soulignait dans le même temps que Washington
restait concentré sur un changement de régime et augmenterait son
assistance « non létale » à cette fin.
Comme
l’a dit Rice en se référant au plan d’Annan, Washington ne « met pas
tous ses oeufs dans le même panier. » Il semble à présent que certains
de ces «oeufs » aient été en fait des voitures piégées.
Après
le bombardement de Damas, les médias avaient initialement accordé une
certaine crédibilité aux déclarations absurdes du Conseil national
syrien selon lequel le régime d’Assad avait organisé l’attaque lui-même
en tuant un nombre considérable de ses propres forces de sécurité.
Le
Département d’Etat s’est trouvé obligé de publier une condamnation de
pure forme du terrorisme, reconnaissant que des « saboteurs » avaient pu
être impliqués dans l’attaque et en insistant pour dire que « la
responsabilité [du bombardement] incombait fermement » à sa cible, le
régime syrien.
Le
secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, a confirmé jeudi la
« présence d’al Qaïda en Syrie » tout en réitérant que le Pentagone est
chargé « de faire toutes sortes de plans en ce qui concerne
d’éventuelles approches en Syrie. Et, si le président des Etats-Unis
nous demande de réagir de manières particulières, nous sommes prêts à le
faire. »
Selon le Washington Post,
ses plans comprennent « une protection militaire des couloirs
humanitaires pour aider les civils syriens ou bien une ‘zone de
sécurité’ où l’opposition pourrait s’organiser, ainsi qu’une frappe
aérienne contre la Syrie. »
Si
des éléments d’al Qaïda sont en train de collaborer avec l’impérialisme
américain pour mener une campagne terroriste en Syrie, ce ne serait pas
la première fois. Abdel Hakim Belhadj, haut commandant des milices qui
furent soutenues par les Etats-Unis et l’OTAN durant la guerre pour le
changement de régime en Libye, avait auparavant été enlevé, restitué
(« renditioned ») et torturé par la CIA en raison de son rôle joué dans
le groupe terroriste islamiste.
Ces
mêmes éléments libyens jouent à présent un rôle majeur dans l’armement
et la formation de l’« opposition » armée soutenue par les Etats-Unis en
Syrie tout comme dans l’envoi direct de combattants dans le pays.
Le
cliché cynique de la guerre froide selon lequel «un terroriste pour
l’un est un combattant de la liberté pour l’autre » est loin de faire le
tour du rôle des Etats-Unis en Syrie, où ces éléments remplissent les
deux rôles à la fois. D’un côté, dans une campagne en vue de renverser
le régime d’Assad, Washington soutient des forces liées à al Qaïda
tandis que de l’autre, il planifie de recourir à leur présence dans le
pays comme prétexte pour une intervention militaire américaine.
Ceci
a été exprimé le plus clairement par Anne-Marie Slaughter, ancienne
directrice de la prospective du département d’Etat des Etats-Unis et
proche conseillère d’Obama, et qui est une ardente partisane des
interventions « humanitaires » impérialistes. La radio National Public Radio
l’a citée pour avoir dit que « la présence de groupes jihadistes en
Syrie ne devrait pas dissuader les Etats-Unis et leurs alliés
d’intervenir, » au contraire, « elle devrait les réveiller aux dangers
que pourrait engendrer un conflit prolongé en Syrie. » Elle a poursuivi
en avertissant qu’une « menace grave » pesait sur la Syrie, à savoir que
des armes chimiques puissent tomber entre les mains d’al Qaïda.
Et
donc, les prétextes qui avaient servi pour une invasion américaine en
Irak sont repris sous une nouvelle forme perverse. La présence d’al
Qaïda, soutenue par Washington, et l’existence supposée d’« armes de
destruction massive » en Syrie doivent avoir pour riposte une
intervention militaire américaine.
La
campagne pour le renversement d’Assad, principal allié de Téhéran dans
la région, signifie l’isolement de l’Iran qui est considérée par
Washington comme le principal obstacle à sa revendication d'hégémonie
dans les régions riches en pétrole et stratégiquement vitales du Golfe
persique et de l’Asie centrale. Derrière tous ces prétextes concernant
al Qaïda, les armes chimiques, la « démocratie » et l’humanitarisme,
l’impérialisme américain est en train de planifier de nouvelles guerres
d’agression qui risquent d’avoir des conséquences atroces dans tout le
Moyen-Orient et au-delà.
WSWS
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