Carnaval fi dechra en Kabylie : témoignage
Radjef Saïd
Du boycott massif à la fraude massive.
Aux environs de midi pendant qu’on faisait le tour des bureaux de vote
au Djurdjura, le taux de participation ne dépassait pas encore les 7%
dans la plupart des communes. Panique chez l’administration qui ne
tardera à faire sortir la grosse artillerie. Mais également chez les
partis qui ont pris part à cette élection. Vives inquiétudes et vives
irritations que les candidats peinent à dissimuler. Le désaveu ici pas
aussi insurmontable. Les uns et les autres, sans le moindre scrupule,
sortent des moyens plus persuasifs pour casser le boycott. Aux environs
de 13 heures de retour de la commune des Ouadhias ou certains villages
ont décidé de « punir » un tête de liste d’un parti politique, nous nous
arrêtâmes dans la commune de Maatkas. Une commune aux paysages
splendides qui défie de sa hauteur les cimes majestueuses du Djurdjura.
Le taux de participation ne décolle toujours pas au grand désarroi des
partis en lice. Les urnes ne comptaient que quelques bulletins. De même
dans la ville des Genets ou le taux de participation n’a pas encore
franchi à cette tardive le seuil des 4 %. Mais quelle fut notre surprise
lorsque de retour de Draa Ben Kheda , nous découvrîmes des bandes de
délinquants qui prirent d’assaut les bureaux de vote dans la vallée du
Djurdjura. Certains parmi ces délinquants ivres morts, exhortent leurs
concitoyens à faire barrage au boycott. Ils parlent en termes confus de
la menace de l’OTAN en expliquant aux présents que l’Algérie compte plus
de patriotes que la Tunisie et la Libye.
Aux environs de 14 heures, c’est la chasse aux électeurs qui commence.
La récompense c’est le selon le nombre d’électeurs ramenés. Le taux de
participation coincé dans les 7 %, grimpe soudainement pour gagner la
barre des 12 %. Les candidats se réjouissent et donnent quelques
explications par téléphone aux journalistes. Pendant ce temps ci, la
bière coule à flot ; les billets de 1000 dinars aussi. Au milieu de la
ville, en face d’un café, un jeune délinquant brandissant des plaquettes
de kif, crie : « Vive Bouteflika. Bouteflika d argaz. La zetla
aujourd’hui est gratuite. » Gênés, les policiers font semblant de
regarder ailleurs. Nous sommes à moins de cinquante mètres du bureau de
vote qui compte plus de 25000 électeurs. Deux militants d’un parti
politique accourent et prient le délinquant de quitter les lieux. De
l’urne au bar, semble être aujourd’hui la devise en Kabylie. Mais aux
environs de 17 heures, de petites escarmouches éclatèrent entre le FFS
qui veut signifier qu’il est maitre des lieux au Djurdjura, le FLN et le
RND. Il n’y a pas de doute, la police, la gendarmerie et les chefs de
bureaux ont reçu des directives pour aider les partis a frauder
massivement. Mais ces petites escarmouches ont vite éveillé les soupçons
des autres partis, les petits qui vont encombrer la scène au Djurdjura.
« La fraude est endémique ; elle est dans les gènes du régime algérien
», ironise le frère d’une candidate au passage de la presse et des
officiers de police. Et d’ajouter : « He, vous les journalistes, est ce
que vous allez écrire ce qu’on va vous dire ? Est-ce qu’ils vous ont
payé pour ne rien dire ? Nous, nous n’avons que vous, venez voter pour
la liste 14. Nous sommes pauvres et nous changer de régime. »
Embarrassés, les officiers de police et le chef de bureau font semblant
de ne l’entendre.
A 17 heures, candidats FLN, RND et FFS se retranchent dans leurs
permanences respectives en présence de leurs militants. Notre présence
les excite cependant. Les militants FLN vont droit sur le journaliste
d’El Watan. « Djaballah est un salopard. Il est financé par les
monarchies arabes. Il a même une chaine de tv avec des spots
publicitaires que les grandes chaines ne peuvent pas se permettre. On ne
va pas le laisser passer. » Les militants FFS approuvent, mais ne
supportent pas la présence du RND et du parti de Amara Benyounes. Le
taux de participation annoncé sur air triomphal par le candidat FFS,
dépassé les 20 %. A 18 heures, la guerre du dépouillement s’annonce
rude. Tout le monde s’apprête a jouer le jeu de l’administration, mais
pour arriver le 1er et avoir le siège tant convoité depuis plusieurs
semaines au parlement. Quoi, une élection à l’algérienne !
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