DES PALESTINIENS AMERICAINS
CONTRE UN JUIF PROPALESTIEN
Gilad
Atzmon est assurément un homme au courage rare. Osons dire qu'il est à
l'égal
-mais à sa manière propre- du Marx de la « Question juive » et du
Spinoza du « Traité théologico-politique ». Ce qui veut dire que ce
musicien de jazz et écrivain mène, à
l'instar des deux grands penseurs, une critique radicale -celle qui
entend remonter aux racines des choses, aux conditions de possibilité
même des phénomènes- de l'idéologie et de la politique
juives.
G.
Atzmon est né en « Israël ». (Les guillemets sont de mise parce que cet
État, né de la spoliation violente d'une terre, ne sait pas lui-même
comment se définir : ni république, ni démocratie, ni théocratie, ni
frontières reconnues ; il veut devenir l'État
« juif » ou « hébreu »; il veut s'étendre du Nil à l'Euphrate, dans
cet espace où nomadisaient des tribus sémitiques -c'est-à-dire parlant
une des langues sémitiques :
arabe, araméen, amharique, hébreu...-, prétendant que là est la
terre d'Israël, confondant ainsi opportunément une peuplade et une
terre.)
Nourri
aux mythes sionistes fondateurs, Gilad Atzmon a reçu deux chocs : le
premier
lorsqu'il a découvert un musicien de jazz noir nommé Charlie Parker.
On peut donc n'être pas juif mais noir, et être un sublime
saxophoniste ? Le second, lors de la guerre d'agression (ce
qui est un pléonasme car toutes les guerres « d'Israël » sont des
guerres d'agression) contre le Liban -1982- quand il vit des
Palestiniens parqués dans des camps de concentration, en
plein soleil. Il s'est dit : "Ce sont les Juifs et nous sommes les
nazis". G. Atzmon quittera peu après le pays qui l'a vu naître. Il
s'établira au Royaume-Uni, deviendra un saxophoniste
célèbre et s'engagera aux côtés de la Résistance palestinienne.
Depuis
quelques jours, G. Atzmon est violemment pris à partie par une cohorte
de
Palestiniens américains : une pétition signée par une vingtaine de
professeurs, enseignant au USA, et de militants, intitulée « Pas de
quartier », lui reproche son
« racisme » et son « antisémitisme ». Diable ! Cet appel vengeur
vient à point nommé : G. Atzmon entreprend, en effet, une tournée
musicale aux USA. Il en profitera
pour faire la promotion de son dernier livre, « The wandering who »,
traduit en français sous le titre « La parabole d'Esther – Anatomie du
peuple élu ». Qu'a donc dit, écrit
ou fait notre jazzman pour mériter cet appel au pogrom, symbolique
certes mais pogrom quand même ? Essayons de résumer la pensée de G.
Atzmon dans quelques propositions aussi claires que
possible.
1) Le découplage entre les notions
de sionisme (expression pratique du nationalisme juif) et de judéité (l'identité
juive) est une illusion. La judéité est le socle robuste sur lequel
s'est construit le sionisme ; s'il n'y
a pas de sionisme sans judéité, la réciproque n'est pas,
formellement, vraie : on peut, en effet, être juif et antisioniste.
Illustration de la chose : les dizaines d'organisations
antisionistes -remarquons qu'elles s'intitulent quand même
« juives »-, sans parler de ces authentiques personnalités laïques et
antisionistes -mais qui soutiennent malgré tout
« Israël » et se démènent comme de beaux diables pour empêcher le
boycott de cet État. Cette prégnance de la judéité -donc même chez ceux
qui se proclament "antisionistes"- est très
largement visible dans le champ social européen et étatsunien : des
myriades d'organisations à caractère syndical, juridique, d'entraide ou
autres arborent l'épithète « juif ».
Pourquoi cette volonté farouche de se distinguer ?
2)
Le désir de séparation d'avec autrui est indubitablement à rapporter au
dogme
ravageur du « Peuple Élu ». C'est bien le sentiment, profondément
enfoui sous des strates d'histoire, d'appartenance à un peuple d'élite
qui structure la judéité et qui pousse à s'en
réclamer sans cesse, tant il est vrai que c'est là un processus
psychique valorisant pour le moi. Ce sentiment de supériorité est
entièrement passé dans la pratique politique et l'idéologie
juives telles que l'on peut les voir à l'oeuvre en « Israël » et à
travers les organisations juives aux USA et en Europe : indifférence à
la souffrance que l'on inflige aux autres
et volonté de domination.
3)
La volonté de séparation n'est pas seulement visible dans les murs que
l'on
dresse ; elle est aussi et d'abord repérable dans la pratique
talmudique du « Herem » qui est l'anathémisation, l'excommunication,
dont le sens est la séparation du groupe d'avec
celui qui a osé mettre en doute ses dogmes. Ainsi Spinoza a-t-il été
frappé de Herem par le Mahamad (conseil) juif. La
pratique a pris aujourd'hui une ampleur inouïe avec
l'accusation récurrente d'antisémitisme qui frappe indistinctement
juifs et non-juifs. (Notons au passage que la notion de « sémite »
désigne, au sens scientifique, un groupe de langues
et non des groupements humains : c'est dire combien elle a subi de
bricolages pour être amenée à désigner la haine des Juifs seuls.)
4) Les conclusions que l'on peut tirer, avec G.A., de ces prémisses sont les
suivantes :
-
« Israël » n'est pas une colonie de peuplement : il n'est pas rattaché
à une métropole originelle qui y aurait envoyé une partie de ses
nationaux y vivre, puisque tout Juif où qu'il se trouve y a droit de
cité.
- « Israël » n'est pas un État d'apartheid : l'apartheid cantonne les
populations indigènes ; « Israël » cherche à s'en débarrasser définitivement et totalement.
- « Israël » est une étape franchie par l'idéologie et la politique juives
dans leur marche vers la domination.
Où
est-il question ici de racisme ou de haine des Juifs, comme le
prétendent les
Américains Palestiniens ? (Écrit dans cet ordre est plus pertinent).
On peut comprendre que, pris de panique face à une pensée sans
concession, ils se soient dépêchés de s'aligner sur leurs
amis juifs antisionistes (que G.A. appelle « les sionistes
antisionistes »). On imagine aisément que ces messieurs les professeurs,
bien installés dans l'Empire, aient voulu montrer
patte blanche, dire aux USA : « Vous voyez, nous sommes comme vous ;
nous avons bien intériorisé la leçon ». Pitoyable. Alors qu'ils ont
sous les yeux la réalité de ce que
dénonce G.A. : la capacité de nuisance incommensurable de certaines
organisations juives telles l'AIPAC ou l'Anti Defamation League, les
multiples humiliations infligées au président de
l'État le plus puissant du monde par le Premier ministre
« d'Israël ». Cela n'est-il pas de nature à faire réfléchir plus haut et
plus loin que son petit nez ?
La
violence de la réaction de ces Arabes américains n'a qu'une seule
explication :
face aux thèses de Gilad Atzmon, ils se sont trouvés renvoyés à leur
position politique véritable, celle de supplétifs de l'idéologie et de
la pratique politique juives.
Quant à Gilad Atzmon, ce Juif détribalisé, il sait qu'il trouve dans le cœur et l'esprit
des Arabes détribalisés, aspirant comme lui à l'universalité du genre humain, la compréhension et la fraternité.
N.B. Pour une analyse approfondie, voir l'article de G. Atzmon "Entre Dominique Vidal et Esther" in :
www.palestine-solidarite.org/analyses.Gilad_Atzmon.090412.htm
Texte de la pétition des Américains Palestiniens : http://uspcn.org/2012/03/13/granting-no-quarter-a-call-for-the-disavowal-of-the-racism-and-antisemitism-of-gilad-atzmon/
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