L'insistance des médias français à
mettre en évidence «l'origine algérienne» du tueur présumé de Toulouse n'est
pas marquée seulement du pur souci d'informer dans le détail. Cela semble obéir
davantage à une volonté de marquer une altérité fondamentale, «l'origine
algérienne» de l'auteur présumé des tueries l'emportant sur sa nationalité
française, l'abolissant même. C'est un «autre» qui a commis le crime, un
«étranger», pas un Français.
Le fait que les premières victimes, des militaires
français ayant la même origine
maghrébine que lui, est quasiment insignifiant. Un jeune de 24 ans né en France,
de nationalité française, reste ainsi marqué et identifié, cinquante ans après l'indépendance
de l'Algérie, par ses lointaines origines et surtout par sa religion. Des
tueurs fous qui invoquent des idéologies de toutes sortes ou le simple plaisir
pour commettre des carnages, on en connaît de la Norvège aux Etats-Unis.
Et ils sont de toutes les couleurs et de toutes les confessions.
Cette «origine algérienne», martelée comme une sorte
d'empreinte génétique et ethnique du crime, est d'autant plus insupportable que
dans tout l'échiquier politique français qui attend la levée de la fausse trêve électorale,
on n'arrête pas de ressasser qu'il faut éviter l'amalgame. Il est pourtant déjà
là. Dans cette manière puissamment suggestive de servir l'information sur un
délinquant à la dérive,
comme il en existe par centaines dans les banlieues de l'ennui de France ou
d'ailleurs.
Sur Facebook, en réaction à cette insidieuse
«externalisation» hors de la nation française du présumé tueur, quelqu'un a
suggéré «d'écrire de manière systématique : Nicolas Sarkozy, le président
français d'origine hongroise. Jusqu'à ce qu'on y réfléchisse à deux fois avant
de présenter telle ou telle personne comme étant d'origine maghrébine».
De fait, de nombreux Français «d'origine» maghrébine
se retrouvent aujourd'hui avec le même sentiment qui
les avait envahis après les attentats du 11 septembre 2001, où parfois des amis
qui les connaissaient de longue date les appelaient pour leur hurler «pourquoi
vous avez fait cela !». Même quand on appelle à ne pas
mettre les musulmans «à l'index», on n'en pense pas moins qu'ils sont tous
«quelque part» comptables du crime que d'autres musulmans commettent. Et
pourtant, personne n'a songé qu'il puisse exister un quelconque gène du crime
ou une quelconque responsabilité de l'ensemble des Norvégiens après le carnage
commis par l'un d'eux. Et cela aurait été absurde.
Cependant, les «musulmans» de France, notion très
élastique, sont présumés responsables des actes commis par un jeune délinquant
djihadiste délirant. Le climat électoral - où le halal a servi d'argument dans
une concurrence odieuse entre la
droite et l'extrême droite - mettait déjà les musulmans de
France dans une posture défensive. Avec cette terrible affaire, et malgré le
discours anti-amalgame, les musulmans de France risquent de se retrouver dans la posture de l'accusé.
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