Lettre
ouverte d'un citoyen algérien ordinaire à M. Jean-Luc Mélenchon,
candidat du Front de Gauche aux élections présidentielles françaises de
2012
Monsieur Jean-Luc Mélenchon,
Je m'adresse à vous
si je puis dire, intuitivement, pour relayer cet appel auprès de tout
ce que compte la France d'hommes politiques et intellectuels d'honneur,
restés encore debout et soucieux de défendre les causes de Liberté et de
Justice. Intuitivement dis-je, parce que parce que vous avez réussi en
quelques mois, en tant qu'homme politique d'honneur vous-même, à laisser
de nouveau entrevoir, y compris en dehors de votre pays, un prochain
retour en force en France, des principes de liberté et de morale, de
justice et de droit, terriblement mis à mal tout au long de ces
dernières années par un pouvoir soumis aux forces de l'argent, quand ce
n'est pas à l'argent tout court.
Je fais appel à vous pour vous
informer d'une grave forfaiture qui vient d'être commise sur le
territoire français : Hier, lundi 16 Janvier 2012, vers midi, le Dr
Mourad Dhina, citoyen algérien, père de six enfants et légalement
résident en Suisse, a été arrêté à l'aéroport d'Orly, par les autorités
françaises, au moment où il s'apprêtait à prendre l'avion pour Genève, à
l'issue d'un séjour de plusieurs jours à Paris où il s'était rendu
quelques jours plutôt, pour prendre part au Conseil Exécutif du
Mouvement Rachad, un mouvement islamiste modéré, d'opposition au régime
des généraux d'Alger ; un mouvement essentiellement composé
d'intellectuels et d'Universitaires de haut niveau, et dont il est l'un
des dirigeants et membre fondateur.
Selon les informations dont
je dispose à l'heure où j'écris ces lignes, ici à Alger, le régime des
généraux – lui-même issu du Coup d'Etat du 11 Janvier 1992 – inquiet du
regain d'activité politique en Algérie et à l'étranger, déployé par
l'opposition démocratique crédible comme celle du Mouvement Rachad,
aurait demandé au gouvernement français, d'exhumer un vieux Mandat
d'Arrêt International que le régime des généraux avait émis contre le Dr
Mourad Dhina, dans la foulée des dizaines de mandats que les
putschistes avaient émis contre les dirigeants du FIS et la majorité des
élus de ce parti aux élections du 26 Décembre 1991, au lendemain de
l'annulation des élections par les putschistes.
Cette exhumation
20 ans après, d'un mandat de justice scélérat, parce que de caractère
purement politique est d'autant plus frappée de suspicion qu'elle semble
résulter de tractations pour le moins immorales qui eurent lieu lors du
voyage-éclair de quelques heures à Alger – le 5 Décembre 2011 – de M.
Claude Guéant, dont les mauvaises langues prétendent qu'il a été envoyé
par son maître de l'Elysée, pour rééditer la généreuse donation de
Novembre 2006, dont a bénéficié le candidat-Sarkozy, sur des fonds
appartenant au peuple algérien. Un Sarkozy qui plus est, se trouve
aujourd'hui privé par la force des choses, des largesses de son ex ami,
le défunt colonel Kadhafi…
Ce genre d'arrangements sulfureux, il
en a toujours existé de semblables, tout au long des deux dernières
décennies entre les deux gouvernements algérien et français –
aujourd'hui l'un et l'autre aux abois – et qui semblent de nouveau
remettre à l'ouvrage la coordination de leur politique systématique de
répression contre les islamistes et de protection des acteurs principaux
de la tragédie algérienne, qu'on baptise ici de "décennie noire". Et
plus généralement, contre tout ce qui n'entre pas dans ce magma
néocolonialiste nauséeux, d'une certaine "Françalgérie" agissant en
marge des lois et des usages entre Etats ; une "Françalgérie" qui se
joue des principes de la morale, voire du simple respect du Droit et qui
est de plus en plus dominée par le copinage et les intérêts
particuliers communs entre clans des deux pouvoirs, par-dessus la
Méditerranée.
Monsieur Jean-Luc Mélenchon,
A travers cette
arrestation arbitraire d'un citoyen algérien, nous assistons à une
action quasi-mercenaire, de la part d'un gouvernement de M. Sarkozy en
perte vertigineuse de légitimité, continûment éclaboussé par des
scandales à répétition, qui révèlent chaque jour un peu plus, sa grande
vulnérabilité aux pressions des intérêts particuliers et aux forfaitures
de toutes sortes. Au point que ce gouvernement en est réduit
aujourd'hui, à l'instrumentalisation des institutions républicaines
françaises comme la Justice et la Police, pour le compte de ses "amis"
du régime algérien illégitime, en butte à des centaines de plaintes de
citoyens algériens – agissant en tant que victimes ou ayant droit – pour
faits de tortures, de disparitions forcées et de tant d'autres Crimes
Imprescriptibles dont sont actuellement saisies de nombreuses
juridictions européennes – la France des Chirac et des Sarkozy
préférant, elle, couvrir ses anciens soudards de l'ex armée coloniale,
comme ce fut le cas en Avril 2001, pour le général Khaled Nezzar, fuyant
Paris, grâce à la complaisance du gouvernement français, à bord d'un
avion spécial envoyé par le régime d'Alger, un régime aujourd'hui affolé
par les vents du changement qui soufflent à son voisinage et qui croit
imprudemment que ses protecteurs de Paris pourront le mettre à l'abri du
rouleau compresseur de l'Histoire en marche.
Abdelkader Dehbi militant des Droits de l'Homme, Alger 17 janvier 2012
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