Algérie : Les élucubrations du colonel Bencherif
Abdellah KHALEF, dit Kasdi MERBAH, en novembre 1958.
Le neveu de Kasdi Merbah, Abderezak
Laïbi, nous a fait parvenir un texte qu’il avait envoyé à de nombreux
journaux algériens, en avril 2010, mais qu’aucun n’avait publié. Ils
voulait défendre la mémoire de son oncle, que Bencherif tentait de
salir. Avec la publication du témoignage d’un témoin clé, Cherif Mehdi,
premier secrétaire général de l’état-major de l’ANP, qui remet en cause,
notamment, la thèse officielle sur l’assassinat du colonel Chabani,
cette réponse non publiée, retrouve toute sa pertinence.
Après la publication du témoignage produit
par Cherif MEHDI, premier secrétaire général de l’état-major de l’ANP,
il apparaîtra aux yeux de tous que le colonel Ahmed Bencherif a
effrontément menti au sujet de son implication dans l’incarcération au
niveau d’une structure de la Gendarmerie nationale dont il était le
chef, des restes mortuaires du Chahid Colonel Si Amirouche et de son
valeureux compagnon, le Chahid Colonel Si El-Houas. Son mensonge est si
grossier qu’il m’a paru nécessaire et essentiel, à mon tour, de réitérer
les précisions suivantes, déjà apportées en avril 2010 et qui viennent
d’être corroborées par ce témoignage poignant et providentiel. Les
mensonges proférés par Bencherif sont d’autant plus répugnants et
révoltants qu’ils visaient à salir la mémoire de mon défunt oncle Khalef
Abdellah, dit Kasdi Merbah. Plutôt que d’assumer la responsabilité d’un
geste abominable et morbide, il a honteusement choisi de se dédouaner
en essayant de mouiller une personne disparue, en pensant que personne
ne pourrait le contredire. Bencherif qui n’accuse que les morts détient
là l’occasion de répondre pour une fois à un vivant, en la personne de
l’honorable Cherif Mehdi. Bencherif ignore manifestement que la Vérité
s’impose toujours, car la vérité est une ; elle est dans l’ordre naturel
des choses, dans l’ordre cosmique.
Le 20 janvier 2012,
Abderrezak LAÏBI
Neveu de Abdellah KHALEF, dit Kasdi MERBAH
Les
élucubrations d’Ahmed BENCHERIF :
La récente sortie médiatique de l’ancien commandant en chef de la
gendarmerie nationale sur les colonnes d’Echourouk aura servi au moins à
une chose et non des moindres : la confirmation officielle que les
ossements du colonel Amirouche, chef de la wilaya III historique, ont
bel et bien été entreposés dans ses locaux de Bab-Jedid.
Cette information aussi extravagante que lugubre met fin à ce qui était
jusque-là une simple rumeur et qui, depuis cette terrible confession
publique donne froid dans le dos et horripile les plus insensibles
d’entre nous.
Car, comment imaginer que les ossements d’un homme quel qu’il soit et a
fortiori d’un si grand personnage comme le colonel Amirouche, puissent
être séquestrés dans la cellule d’une vulgaire cave de l’état-major
général ? Ce type de comportement relève du grand banditisme ou de la
psychiatrie !
Il faut croire que le colonel BENCHERIF a la mémoire courte et qu’il n’a
aucun scrupule à changer la version des faits, au gré des événements et
de la conjoncture politique. En 1992, dans un entretien avec Noureddine
AÏT-HAMOUDA – le fils du colonel AMIROUCHE – le colonel Ahmed
BENCHERIF affirma en présence de trois témoins dont deux sont encore
vivants aujourd’hui, que le président BOUMEDIENE et le colonel CHABOU
lui avaient remis en 1964 les dépouilles des chefs des wilayas VI et III
historiques et que depuis, il les avait gardées dans une cellule de la
cave de l’état-major général de la gendarmerie nationale. (1)
Le colonel poursuit son récit en apportant d’autres précisions : Ce
sont, en effet selon lui, des gendarmes dirigés par un capitaine qui ont
transporté ces dépouilles jusqu’à Bab-Jedid.
Pourquoi BENCHERIF, dans une autre version arrangée, accable-t-il donc
Kasdi MERBAH et ses agents en lui attribuant la responsabilité dans
cette affaire ? Pensait-il que les citoyens algériens allaient gober
cette fable ? Serait-il en panne d’imagination ?
Le colonel Ahmed BENCHERIF, arrivé au crépuscule de sa vie, doit avoir le courage d’assumer ses faits et gestes.
Ses élucubrations au sujet de la découverte de la sépulture près de
Boussaada et du transfert des restes du défunt jusque dans ses locaux
relèvent de la démence.
Pour plus d’une raison, Kasdi Merbah, alors commandant de l’ANP et chef
de la Sécurité militaire, ne pouvait raisonnablement agir comme le
prétend le colonel Bencherif : d’une part, il n’entrait pas dans ses
prérogatives de le faire et d’autre part, quand bien même il le lui
aurait été demandé, il aurait agi autrement, en évitant de faire appel à
la gendarmerie nationale française, ce qui aurait été plus en accord
avec ses positions nationalistes connues de tous et qui lui ont valu
d’être étiqueté par les Français eux-mêmes comme étant l’ennemi n°1 de
la France. (2)
En 1964, Kasdi MERBAH tout juste âgé de 25 ans avait le grade de
capitaine de l’ANP et était occupé à structurer et organiser la jeune
sécurité militaire dans un contexte trouble et difficile. Deux ans
auparavant, il avait participé en qualité d’expert militaire aux
négociations secrètes des Rousses puis aux négociations officielles
d’Evian. Issu d’une famille honorable des montagnes altières du
Djurdjura, son souci premier était de faire honneur à sa famille, son
village, son pays. Il ne pouvait en aucun cas tremper dans une sale
affaire !
Membre du Conseil de la révolution, colonel de l’ANP et chef de la
gendarmerie nationale, Ahmed BENCHERIF était logiquement l’homme tout
désigné pour éventuellement entrer en contact avec ses pairs français et
traiter avec eux. Son statut d’ancien de la maison lui facilitait
grandement la tâche. Il n’est pas sûr, du reste, que des gendarmes
français soient venus en Algérie en 1964 pour aider à retrouver ces
dépouilles.
Ceux qui connaissent l’orgueil démesuré du colonel imagineront mal qu’il
ait pu accepter la garde d’une caisse dont il prétend ignorer le
contenu, mais dont, curieusement, il connaissait l’expéditeur en le
désignant comme étant la sécurité militaire, sa rivale de l’époque : un
crime de lèse-majesté intolérable pour BENCHERIF, réduit à un vulgaire
préposé de consigne de gare !
La tension qui existait et existe toujours d’ailleurs entre les
différents services de sécurité – dans tous les pays du monde – fait
qu’un tel scénario soit impossible à réaliser, malgré l’image affichée
d’une entente cordiale.
Kasdi MERBAH, pour retrouver la sépulture de son propre frère, Mustapha
dit Chakib Arslene, officier de l’ALN détenu au camp Morand de Boghar et
lâchement assassiné le 30 avril 1960 sur les ordres du capitaine Samary
au cours d’une des corvées de bois de sinistre mémoire, n’a pas recouru
au concours de la gendarmerie française. Accompagné de son père, Haj
Hamou et de son frère Abdelaziz, il fit de multiples déplacements dans
la région et put à force de ténacité et en s’aidant des populations
locales et des moudjahidine, localiser la sépulture près de
Teniet-El-Had et procéder à l’identification formelle de son frère. Il
fit ces déplacements dans un cadre strictement privé, durant ses
journées de repos et en utilisant son propre véhicule. Les citoyens,
faisant valoir que le Chahid Mustapha KHALEF était tombé pour la patrie
et qu’à ce titre il appartenait à l’ensemble du peuple algérien, émirent
le souhait que ses restes ne soient pas déplacés et restent enveloppés
de la terre qu’il avait généreusement arrosée de son sang. Très touchée
par des sentiments aussi nobles, la famille acquiesça et accéda à cette
admirable demande.
Pendant ce temps, le colonel BENCHERIF se faisait construire un
magnifique chalet à Tikjda en utilisant les moyens logistiques d’une
entreprise locale de wilaya ainsi que des matériaux détournés de
l’ex-ENCOTRABA, l’entreprise communale de construction de Bouira.
Le colonel Bencherif prétend qu’il ignorait le contenu de la caisse
déposée dans ses placards. Il pensait, dit-il, qu’il s’agissait
d’archives de la révolution.
Balivernes et billevesées !
A quel titre des archives de la révolution pouvaient-elles être
entreposées dans les locaux du Commandement de la gendarmerie
nationale ? Il va de soi que leur place naturelle était le Centre des
Archives nationales et le cas échéant auprès du prétendu détenteur
initial qui avait assurément les moyens d’en assurer la bonne garde. Il
serait intéressant de connaître à quel moment et comment Ahmed
BENCHERIF sut qu’il s’agissait en fait des ossements du Chef de la
Wilaya III historique.
Assurément, le colonel BENCHERIF en sa qualité de gendarme, était
l’homme naturellement tout désigné pour éventuellement entrer en contact
avec ses collègues français du même corps. Pour ceux qui ont connu
Kasdi MERBAH et l’ont approché, ils savent qu’il n’aurait jamais
entrepris une telle démarche.
Il aurait agi exactement comme il le fera plus tard pour retrouver la sépulture de son propre frère.
Kasdi MERBAH est totalement étranger à cette misérable affaire car il
avait un sens moral aigu et le sens de l’honneur particulièrement
hypertrophié.
N’a-t-il pas fait les frais de son intransigeante loyauté envers la
patrie ? La preuve est qu’il a été lâchement assassiné un certain 21
août 1993 en même temps que son frère cadet Abdelaziz et son jeune fils
Hakim, par ceux qui étaient incapables de partager son idéal et qui
courent toujours pour le moment, en dépeçant notre chère Algérie et en
la précipitant chaque jour un peu plus, dans le chaos général.
MERBAH vivant, Bencherif n’aurait jamais osé débiter de telles âneries.
Bekhti NEMMICHE vivant, Bencherif se serait-il aventuré à citer son nom ?
Décidément, Bencherif ne cite que les morts.
La force de Kasdi MERBAH, même mort, réside dans son intégrité morale,
sa loyauté et son engagement à servir l’Algérie avec dévouement et
abnégation. Car il est avéré que des services parallèles ont toujours
existé et agi dans l’ombre, comme en témoigne cette ténébreuse affaire.
Devant le caractère gravissime de cette affaire, quand la Justice de
notre pays se sentira-t-elle interpellée et s’autosaisira-t-elle pour
tenter d’y jeter la lumière en levant tous les secrets et en recueillant
les témoignages de ceux, encore en vie, qui ont gravité autour des
personnages de l’époque ? C’est une page noire de l’histoire de notre
pays et la vérité nécessairement douloureuse et atroce aidera, telle une
catharsis, à prémunir les générations futures de telles ignominies.
Cela soulage profondément de pouvoir y croire ne serait-ce qu’un seul
instant , mais la dure réalité me rappelle à l’ordre et me remémore
l’appel du 21 août 2008 lancé par les soeurs du supplicié, au président
de la république, lui demandant de diligenter enfin une enquête sérieuse
sur l’assassinat de leurs deux frères, de leur neveu et de leurs deux
compagnons est resté sans réponse aucune.
Ne dit-on pas que le silence est la meilleure forme de mépris ? Hélas,
dans notre pays, livré à une maffia sans foi ni loi, les citoyens
honnêtes et loyaux sont méprisés.
Le deuil n’est pas fait et notre famille s’en remet au Tout-Puissant. Gloire à nos valeureux Martyrs ! Vive l’Algérie libre !
Le 20 avril 2010
Abderrezak LAÏBI,
neveu de Abdellah KHALEF, dit Kasdi MERBAH.
(1) Journal « L’événement » du 19 octobre 1992.
(2) En fait, Kasdi MERBAH connu pour son pragmatisme légendaire, n’a
jamais été l’ennemi n°1 de la France au sens primaire et hostile du
terme. Les Français le désignaient ainsi parce qu’il leur donnait du fil
à retordre et parce qu’il défendait avec âpreté les intérêts de
l’Algérie.
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