Traiter l'Occident comme on traite un chômeur de Aïn nulle part
par Kamel Daoud
Cela c'est en même temps mais dans des lieux différents :
1- les réformes à l'algérienne sont «vendues» en France, à
Alain Juppé et à l'Assemblée nationale française et aux médias à quelques mois
des 50 ans de l'indépendance à reculons.
2- La loi sur les hydrocarbures se fait moins hyper
nationaliste, va être réformée et les étrangers, alias l'Occident, vont être
encouragés à venir sans craindre les nationalisations indirectes.
3- Des patrons français débarquent en Algérie sous le sigle
du MEDEF. Il n'y a aucun lien entre les trois faits. Ou pas. On aura
compris
que, face à la percée des islamistes au Maroc, en Tunisie et en Egypte,
l'Occident
revient sur ses enthousiasmes face au printemps arabe et préfère, aux
places Tahrir, les transitions contrôlées. L'enjeu est énorme : sécurité
des approvisionnements en énergie et flux migratoires. La révolution a
ce côté
malsain de menacer les pipelines et de libérer les boat people. Donc,
aujourd'hui,
entre le Maroc du PJD et la
Tunisie d'Ennahda, l'Algérie a ce
beau rôle par défaut d'un régime stable, solide et pragmatique et qui
n'est ni
une démocratie ni une dictature, mais une grosse malice
institutionnelle. De
quoi séduire l'Occident en crise.
Du coup, paranoïaque de fond, on se met à imaginer ce deal :
je couvre tes « réformes » à l'international et tu internationalises tes puits
et tes chantiers à mon profit. Au peuple, on sert l'hymne et le culte des
martyrs, à l'Occident et ses chancelleries, on fournit des rapports, des
explications et des garanties et on répond à des auditions.
D'ailleurs, vu d'un café maure, l'équation s'explique
aisément par la logique ANSEJ. Face à la menace d'une révolution de la rue dès janvier
dernier, le régime a payé, grassement, beaucoup, à la folie, des milliards et
des banques. Que pourra-t-il faire face à la pression occidentale ? La même
chose, répond la logique : de l'ANSEJ, version
internationale. Clientéliser les tuteurs et les pays
proches d'en face. Remplir les bouches qui s'ouvrent pour réclamer la
démocratisation, donner du travail à l'Occident menacé par le chômage. Version
locale d'une loi de chimie : tout se paye pour que rien ne se transforme. Chez
nous, les architectes de la solution algérienne l'ont compris : l'humain est
partout pareil : un Etat de l'Europe est sensible aux mêmes offres qu'un
chômeur de Aïn nulle part. L'opération com' algérienne est une réussite. Provisoire.
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