Décidément, le troisième mandat de Bouteflika n’est pas un long
fleuve tranquille. Secoué par le « printemps arabe » et obligé à des
concessions qu’il n’aurait jamais pensé faire un jour, le chef de
l’état est quasiment humilié par des « députés » qui n’ont eux-mêmes
aucune légitimité. Une première dans l’histoire de l’Algérie : des
députés de la majorité, « élus » dans le quota de leur parti politique
respectif de l’alliance présidentielle ( autrement dit désignés par le
régime ) ont osé vider les réformes du chef de l’état, adoptés en
conseil des ministres. C’est la première fois qu’un chef de l’état en
exercice est désavoué de cette manière par ses troupes. Le revers est
cinglant et tourne à l’humiliation.
Les chefs de partis politique, de l’opposition comme de l’alliance
présidentielle, ne cachent plus qu’ils sont déjà dans l’après Bouteflika
et chacun aiguise ses armes et affiche ses ambitions. Le chef du
Hamas, Soltani en prenant ses distances avec le clan Bouteflika,
Ouyahia, le patron du RND, en se posant comme le successeur légitime
bénéficiant du soutien de l’armée, Belkhadem, le patron du FLN, en
tentant de se rapprocher de la base islamiste. Alors que les scénarios
multiples sur son départ prématuré du pouvoir fleurissent, Bouteflika
doit avaler cette « rébellion » de députés qui n’ont jamais rien
contesté. Jamais ils ne sont élevés contre aucune violation de la
constitution, ni de lois qu’ils ont eux même voté. Jamais, ils n’ont
dénoncé la moindre violation des droits de l’homme ou les restrictions à
la liberté d’expression. Jamais, ils n’ont dit le moindre mots devant
les affaires de corruption, regardant sans broncher les richesses du
pays pillées par les décideurs. Jamais, enfin, ils n’ont élevé la voix
contre les injustices, les emprisonnement arbitraires. Au contraire,
ils ont toujours levé les mains, bien haut, bien visibles, pour tout
voter, sans aucun état d’âme, ni aucun scrupule. Et les voilà
aujourd’hui qui remettent en cause ses propres réformes. Une giffle !
La lente agonie politique
Bouteflika doit, en effet, se souvenir de l’humiliation vécu par
l’ancien Président de le république, Liamine Zeroual et dont lui même en
a été le bénéficiaire. Alors qu’il était encore président pour
quelques mois, en attendant l’arrivée de Bouteflika coopté par les
généraux, Liamine Zeroual, est pratiquement ignoré par la « classe
politique ». Lors d’une cérémonie officielle, à laquelle assistent, le
sortant et le remplaçant désigné mais pas encore élu, la foule des
courtisans s’empresse autour d’un Bouteflika, fier comme un paon,
redoublant de salamaleks et de chaudes embrassades, ignorant jusqu’à
l’indécence, celui qui est pourtant encore le chef de l’état. Cela
durera jusqu’au départ définitif de Zeroual du palais présidentiel.
Après la défection de Belkhadem, qui a sonné la charge contre ses
réformes, le silence narquois d’Ouyahia qui n’a pas retenu ses
« députés », le lessivage des textes de Bouteflika à l’APN sonne comme
le début d’un long chant du cygne.
Celui qui ne voulait pas être « un trois quart de président » en est
réduit à couper les rubans des réalisations et à se faire filmer, de
temps à autres, par télévision en compagnie d’un étranger de passage à
Alger pour montrer qu’il est toujours en place. Ce troisième mandat,
qui n’en finit plus, s’est transformé pour Bouteflika, notamment depuis
l’éclatement des révoltes arabe et les émeutes de janvier 2011 en
Algérie, en une lente agonie politique.
Yahia Bounouar
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