
Le
général Toufik, ici en compagnie de l'ancien chef du gouvernement, Sid
Ahmed Ghozali, et du général Larbi Belkheir, sur le tarmac de l'aéroport
d'Alger, le 16 janvier 1992, quelques minutes avant le retour en
Algérie de Mohamed Boudiaf.
Par Yahia Bounouar.
Beaucoup en Algérie, du simple citoyen à l’observateur averti, ont du
mal à cerner le niveau d’ingérence de l’armée dans la vie politique.
Bien que tout le monde connaisse le pouvoir sans limite qui se cache
derrière les fameuses trois lettres ( DRS), il leur est difficile de
comprendre l’origine de cette puissance.
D’abord il faut savoir que ces fameuses trois lettres cachent une institution militaire.
Le DRS ( Département du Renseignement et de la Sécurité ), dirigé par
le général Mohamed Mediene, alias Toufik, est un département regroupant
plusieurs services de renseignements. C’est en vérité, un ministère du
renseignement à l’intérieur du ministère de la défense. Sa direction la
plus importante est la direction chargée du renseignement à l’intérieur
(DSI). Elle est dirigée par le général, Abdelkader Kherfi, alias,
général Ahmed. Elle fonctionne comme une véritable police politique,
chargée de quadriller l’appareil de l’état mais également la société
pour assurer la tranquillité du régime. Avec le chef de l’état,
Abdelaziz Bouteflika, lui même choisi par l’armée et imposé au peuple,
ces deux hommes sont les « hommes forts » de l’Algérie.
L’appareil de l’état sous tutelle
Le DRS constitue un état dans l’état. Il est présent dans chaque
Wilaya, et dans chaque Daira, ou l’officier est souvent est plus
puissant que le wali lui même et dans tous les cas, plus craint que ce
dernier. De même, y a t il, un officier du DRS dans chaque ministère,
dans chaque administration, dans chaque entreprise publique et depuis
quelques années, y compris dans les grandes entreprises privées. Là ou
ils sont, il font la pluie et le beau temps. Ces officiers sont plus
craints que les ministres eux mêmes.
La justice bénéficie d’une attention particulière. Appareil de
restriction et d’intimidation par excellence, les juges et magistrats
qui composent le système judiciaire sont suivis scrupuleusement. Leurs
évolutions dépend de leur degré d’obéissance aux injonctions du DRS :
emprisonner des innocents et libérer des coupables, sans remords ni
questions.
De leur « rapports », dépendent, effectivement, les plans de
carrière des fonctionnaires et notamment des hauts fonctionnaires, ceux
que l’on appelle les cadres supérieurs de l’état. C’est le DRS, une
institution militaire, qui décide dans les faits, de l’avancement ou non
de la carrière des hauts fonctionnaires en utilisant la fameuse «
enquête d’habilitation », de laquelle est tributaire toute nouvelle
nomination par décret.
La société civile cadenassée
En ce qui concerne la société civile, La DSI, dispose des différentes
structures pour infiltrer, manipuler, orienter, et déstabiliser toute
organisation qui émerge dans la société. Il en est ainsi, des partis
politiques, des syndicats, des organisations de masses, des unions
professionnelles, des organisations des droits de l’homme et d’une
manière générale de tout citoyen qui s’intéresse à la vie politique dans
son pays.
Comme la justice, les médias bénéficient d’un traitement « spécial ».
Une direction, installée à Ben Aknoun et dirigée par le colonel Fouzi,
scrute en permanence les journaux, fiche les journaliste en deux
catégories : les hostiles et les dociles. Aux uns, le harcèlement, les
tracasseries et aux autres la publicité publique et les « articles »
préparés. Cette direction va plus loin en refusant aux journalistes
professionnels indépendants les agréments pour créer des journaux alors
que dans le même temps, ces agréments sont distribués à des
milliardaires aux fortunes douteuses.
Cette mainmise de la police politique sur l’appareil de l’état et sur
la société, fait qu’aujourd’hui, la simple évocation de ces trois
lettres ( DRS) suscite la terreur au sein de la population.
Tout cela se fait, bien entendu, en toute illégalité et en violation
flagrante et permanente de la constitution, qui reconnaît aux algériens
le droit de participer librement à la vie publique dans leur propre
pays.
Une configuration d’un autre âge
L’Algérie est un des très rares pays ou la police politique est
dirigée et est constituée exclusivement de militaires. En Tunisie et en
Egypte, par exemple, les équivalent du DRS existaient mais ils
dépendaient du ministère de l’intérieure et non pas de l’armée. Cette
ingérence directe de l’armée dans la vie publique, à travers ses
services de renseignements ( DRS) est un héritage de dictatures qui
n’existent plus, ( l’URSS, Le Chili de Pinochet, la RDA, la Roumanie de
Causcescu etc….).
Cette configuration qui n’existe que dans les dernières dictatures
les plus féroces ( Birmanie, Corée du Nord,,,,) revient à faire, dans
les faits, du responsable du DRS et de celui du directeur du
renseignement intérieur, les hommes fort du régime. Voilà comment
d’obscurs officiers, inconnus du peuple, élus par personne, ne rendant
compte à personne, se retrouvent avec un quasi droit de vie et de mort
sur les citoyens. Voilà comment des officiers de renseignements, ne
disposant que de compétences en matière de répression et de gestion
policière, sans aucune connaissance ni vision politique se retrouvent
avec un pouvoir politique inégalé qui engage la destinée de tout un
pays.
Ceci dit, l’histoire récente, l’histoire même de ces dictatures, nous
montre que lorsque les peuples ont décidé d’en finir, aucune police
politique, militaire soit-elle, n’ a pu les sauver. Le DRS ne fera pas
exception !
Y.B