ELWATAN-ALHABIB
mercredi 26 octobre 2011
 

L’enlèvement de l’humain

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Salima GHEZALI
Mardi 25 Octobre 2011
In lanation.info


En matière de crimes il est difficile d’établir une hiérarchie qui irait du plus horrible au plus haïssable. Le plus souvent il revient aux seuls médias de hisser ou de baisser la côte des crimes portés à la connaissance du public. Une hiérarchie établie en fonction d’un baromètre complexe qui ne se laisse pas toujours saisir en termes de critères moraux. Entre la torture et le massacre il y a toute l’étendue du crime contre l’humanité. La torture y figure par son caractère ignoble et le massacre par son aspect de meurtre de masse. Aux lendemains des émeutes d’octobre 88 quand les témoignages sur la torture ont fait apparaitre son caractère massif, il s’est trouvé bien plus de défenseurs des droits de la personne humaine pour protester qu’après l’arrêt des élections en janvier 92. Pourtant ce que l’Algérie a vécu durant la sale guerre des années 90 a décuplé l’ampleur et la diversité des crimes commis à une échelle inédite dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Probablement par ce que la condition préalable du crime à grande échelle était de priver les victimes de la possibilité de « faire société ». Ce crime initial est toujours là. Veillant à l’impunité des autres. Si nous ne sommes pas en mesure de nous indigner aujourd’hui, c’est probablement par ce que nous ne sommes plus tout à fait une société capable de « constituer une conscience commune de nature universelle»
Dans son article sur la notion de crime de guerre, Monique Chemillier-Gendreau écrit qu’ « un crime  n’émerge comme punissable qu’en fonction des valeurs d’une société. » Encore faut-il que la société dont il est question dispose des moyens de se constituer en tant que telle. Vaste débat. Tant il est vrai que la domination peut dans certains cas faire reculer les capacités organisationnelles des groupes humains dans un infra-politique qui flirte en permanence avec la barbarie. Il est par contre indéniable que l’Algérie est un Etat qui siège aux Nations-Unies. Ce pays  dispose officiellement d’institutions et de pouvoirs publics. Interrogeons alors le comportement de ces derniers pour savoir si l’enlèvement d’une personne est un  crime punissable ou pas.
Au troisième jour de la disparition de  Noureddine Belmouhoub : Qui parmi les responsables en charge de la sécurité des algériens s’est exprimé sur la question de son enlèvement ? Qui a déclaré qu’une enquête allait être ouverte ? Qui a promis que les criminels seraient retrouvés et poursuivis ? Qui a assuré ses proches de toute la sollicitude de l’Etat ? Qui a rassuré les algériens traumatisés par la sale guerre des années 90 que rien de semblable aux horreurs qu’ils ont vécues n’allait revenir frapper à leur porte ?  Personne ? Alors on peut considérer l’enlèvement des gens comme une pratique ordinaire ? Ou bien faut-il considérer certains enlèvements de citoyens comme relevant du domaine réservé de certains  autres super- citoyens qui ont droit de vie et de mort sur les habitants de ce pays ? Le silence officiel  confère -de fait- l’impunité à ces crimes qui ne sont pas officiellement et publiquement reconnus, dénoncés et poursuivis comme tels.  Les lois ne pèsent pas leur poids de papier mais leur poids de conformité avec les actes. Elles pèsent le poids de leur impact sur la vie des gens. Et de la grandeur que confère leur respect aux nations.
Dans un pays où au plus fort de la sale guerre des années 90 un ministre a pu déclarer qu’il fallait : «  violer les lois scélérates » on peut imaginer le pire. Mais le scandale dont il s’agît aujourd’hui, même si l’actualité semble remettre à l’ordre du jour la décennie 90, n’est pas un énième acte imputable aux autorités qui daterait de cette époque. Le scandale aujourd’hui est qu’un algérien puisse être enlevé en plein centre ville sans que cela n’émeuve outre mesure le moindre responsable  théoriquement en charge de la sécurité des personnes et des biens. Ni le ministre de l’intérieur, ni les chefs des différents corps de sécurité. Personne n’a éprouvé le besoin de dire aux algériens que l’Etat était responsable de l’application de la loi. Pas un député, ni un élu quelconque pour interpeller les pouvoirs publics, rassurer les familles, assurer les citoyens que nul n’est au dessus des lois, que les criminels n’opèrent pas dans ce pays comme bon leur semble…
Bien sur quand les victimes sont européennes, c’est toute l’armada qui s’ébranle pour aller retrouver les personnes enlevées ! Mais quand il ne s’agît que d’algériens…
Et en plus, à chaque fois c’est aux victimes qu’on demandera de faire la preuve de leur patriotisme en taisant leur supplice ! Rarement on a osé porter aussi loin, que dans l’attitude de ce pouvoir à l’égard de son peuple, le divorce entre l’humanité des êtres et leur nationalité.
Allez après ça protester contre la fin ignoble de Kadhafi.
 
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