Nous venons d’apprendre que deux kamikazes se sont fait explosé à l’intérieur de l’Académie militaire de Cherchell causant la mort d’au moins 20 jeunes cadets (selon un rapport préliminaire publié par le ministère de la défense aujourd’hui). C’est probablement l’attaque terroriste la plus ambitieuse dirigée contre l’un des établissements les plus sûrs de l’état. La question que chacun doit se poser est pourquoi maintenant. Nous pensions tous que le terrorisme, les groupes et les réseaux terroristes en Algérie ont été complètement décimés ou gravement neutralisés. Pour corroborer ce fait –si bien annoncé par les dispositifs de sécurité algériens– les activités terroristes telles que le financement, le recrutement, la formation, les attaques ont diminué au cours des 10 dernières années, atteignant et maintenant un niveau proche de zéro pendant au moins 5 années consécutives.
Alors, pourquoi avons-nous une soudaine résurgence du terrorisme en Algérie après qu’il a été décimé?
Pourquoi nous avons maintenant une multitude d’activités islamiques terroristes dans la région kabyle, et des attentats suicide très coordonnés et sophistiqués ciblant plusieurs institutions sécuritaires vitales de l’État dans notre pays alors que le terrorisme islamiste dans le monde entier est vaincu sur tous les fronts?
Je crains que la réponse soit très sinistre et très laide. Le terrorisme et les réseaux terroristes en Algérie sont contrôlés par l’État algérien. Le gouvernement algérien utilise le terrorisme islamique et la menace de l’islamisme pour repousser tout soulèvement démocratique possible en Algérie, et pour discréditer tous les mouvements protestataires crédibles et organisés. En utilisant la carte du terrorisme, le gouvernement algérien pourrait légitimement prétendre qu’il est en train de poursuivre la lutte contre le terrorisme islamique, et non pas contre les mouvements pro-démocratie. Cette posture stratégique jouerait le rôle d’un éventail pour protéger le gouvernement algérien des pressions internationales, et de gagner suffisamment de temps pour écraser toutes les demandes légitimes pour plus de démocratie, de transparence et de responsabilisation.
Ce n’est pas une coïncidence que la résurgence des soit-disant activités islamiques terroristes sont arrivées après les révolutions tunisienne et égyptienne. La chute des régimes de Ben Ali et Moubarak (et le succès de la révolution libyenne avec l’effondrement du système Kadhafi) a été littéralement un séisme politique; L’effondrement très rapide de ces deux dictatures a envoyé un message clair à tous les autocrates du monde arabe: leurs jours sont comptés. Ce message a été bien reçu et bien digéré par l’autocratie algérienne.
Les révolutions arabes ont aussi encouragé les jeunes à travers le monde arabe /musulman et les ont réveillé de leur léthargie profonde pour commencer à croire que le changement est non seulement possible, il est également réalisable grâce à un bras-de-fer pacifique avec le pouvoir en place. Cernés par ces événements sans précédent, et cernés par la narrative contagieuse du printemps arabe, la classe politique algérienne composée principalement de l’entourage du dictateur Bouteflika, la célèbre et redoutable agence des renseignements, le DRS, et les hauts gradés militaires, sont terrifiés. Les différents groupes qui composent cette coalition à la tète de l’état algérien ont décidé qu’ils avaient besoin de mettre en place un plan pour: 1) discréditer tous les mouvements de protestation demandant une transition démocratique et des reformes sérieuses; 2) assimiler tous les mouvements de protestation démocratique avec l’islamisme activiste et terroriste; 3) réactiver les groupes terroristes à travers le pays, et particulièrement dans la région kabyle (faussement surnommée comme une région séparatiste), et enfin 4) admonester les demandes et les pressions internationales en même temps que gagner la sympathie des démocraties occidentales en brandissant le spectre du terrorisme islamique, d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), et aussi menacer indirectement les États européens d’une contagion AQMI sur leur sol.
C’est un plan très efficace pour contrecarrer tout mouvement pro-démocratie en Algérie. Sachant que le peuple algérien a été traumatisé par 10 ans d’une des plus sanglantes guerres civiles des années 1990 (autour de 150 000 décès), il est peu probable que ce peuple se rangerait aux côtés des mouvements de protestation qui pourraient ramener toute sorte d’instabilité. Lorsqu’on assimile les mouvements pro-démocratie avec les mouvements islamiques et le terrorisme, le peuple algérien choisirait toujours l’autre option. Ce n’est pas parce que le gouvernement algérien jouit d’un grand soutien parmi la population, pas du tout, le gouvernement de Bouteflika est de loin le gouvernement le plus détesté de l’histoire de l’Algérie, mais parce que le peuple algérien est fatigué de 10 ans de morts, couvre-feu, violence et terreur. Il préfère endurer quelques années de plus d’un des gouvernements les plus corrompus de la planète, que de risquer une légère hausse de terreur et d’attaques aléatoires.
Par ailleurs, la plupart des Algériens savent, dans leurs tripes, que la plupart des groupes terroristes sont sous le contrôle du DRS. En fait, si le DRS voulait exterminer le terrorisme en Algérie, il pourrait facilement le faire d’ici demain. Toutefois, le DRS n’a aucun intérêt à le faire. Le DRS a infiltré, entretenu, nourri et même encouragé un certain nombre de groupes terroristes de rester actifs. Il utilise ces groupes terroristes pour faire avancer son agenda politique et pour se protéger contre toute attaque politique venant des clans rivaux. En contrôlant le terrorisme comme une arme politique, le DRS est littéralement intouchable en Algérie. Et parfois, juste pour rappeler à chacun que le DRS est toujours là, il laisse un de ces groupes volontairement glisser à travers leurs systèmes de surveillance pour mener une attaque sur une cible bien choisie (choix par le DRS bien sur) et très significatif causant la mort de dizaines d’innocents. En fait, les messages politiques en Algérie de tous les groupes politiques rivaux se disputant le pouvoir ces jours-ci, sont livrés de cette manière.
Ceci est la triste et laide vérité du terrorisme en Algérie. C’est le gouvernement algérien qui en est le parrain, qui aide, organise et gère le terrorisme en Algérie. C’est le gouvernement algérien qui assassine de sang froid son propre peuple. Ce gouvernement a le sang de milliers d’innocents sur les mains.
Jusqu’à quand les Algériens toléreront de vivre dans la peur et la terreur organisée par leur propre gouvernement? Jusqu’à quand le gouvernement algérien continuera de massacrer son peuple ? Et jusqu’à quand les pays occidentaux continueront à croire la fable tissée d’Al-Qaïda en Algérie? Jusqu’à quand? Quelqu’un, un jour doit répondre à ces questions.
S’adressant à Cassius, Jules César a dit que «il n’y a pas de terreur…dans vos menaces, car je suis armé si fortement dans l’honnêteté qu’ils passent au-delà de moi comme un vent passif.” Eh bien, la sagesse de Shakespeare est éternelle. Ce qu’il nous a dit dans cette citation, c’est que tôt ou tard, le bon sera victorieux, car au fond, il est plus fort, même s’il a l’air fragile. Ce gouvernement algérien peut tuer, assassiner et terroriser le peuple algérien, mais un jour ou l’autre la peur ne sera plus redoutée; ce jour-là sera un jour rouge, pourpre rouge.
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