Si l’épouse du Professeur Ahmed Kerroumi a affirmé, avec autant d’assurance et aussitôt que le corps sans vie de son époux a été découvert, que celui-ci a été assassiné, c’est qu’elle a de sérieuses raisons de le croire. Cette dame, qui a pu surmonter sa douleur, pour prendre des photos de la victime et des lieux où elle a été découverte, s’attendait vraisemblablement à une manipulation de l’enquête qui allait être diligentée.
Son attitude est tout simplement dictée par l’absence de confiance en la justice, et en la police, de son pays. Elle a pris ces photos, et fait ces déclarations fracassantes et sans appel, parce que comme tous ses compatriotes, elle connait la nature du régime, la totale soumission de la justice à ceux qui dirigent ce pays, et l’usage quasi-mafieux que ces derniers font de ce qui est très outrancièrement qualifié de « services de sécurité ».
Il y a peu, avant que le dispositif scélérat d’auto-amnistie, proclamé très pompeusement « Charte pour la paix et la réconciliation nationale », ne soit rendu effectif par un décret présidentiel, l’assassinat d’opposants politiques, voire même d’alliés du régime, par ses propres « services de sécurité », les enlèvements, les séquestrations dans des lieux de détention épouvantables, la torture, d’une bestialité inouïe, et les exécutions sommaires, sur le bord des routes, ou du haut d’hélicoptères, d’où on précipitait ces mêmes personnes qui avaient été enlevées, séquestrées et torturées, était monnaie courante.
Tous les Algériens savaient parfaitement à quoi s’en tenir. Les « honorables agents de l’Etat » tels que spécifiés par la « Charte pour la paix et caetera « ne prenaient même pas la peine de se faire discrets. C’est à peine s’ils n’organisaient pas des visites publiques des endroits où ils faisaient subir l’enfer à leurs victimes. Nous les avons vus dans leurs oeuvres, en ces temps où même certains journalistes caracolaient fièrement sur les pistes de danse des Gasbathèques en exhibant, mine de rien, les pistolets de gros calibres qui leur faisaient des bosses sur le coeur, ou le derrière. J’ai entendu un jour, de mes propres oreilles, une de ces brutes ignobles, un capitaine des « forces spéciales », se vanter d’énucléer ses victimes avec une fourchette, et de les obliger à se sodomiser les unes les autres, avant de leur ôter la vie.
Les seules personnes qui semblaient ne pas croire à ces pratiques massives, systématiques, systémiques et généralisées, étaient les journalistes payés pour mentir aux opinions publiques internationales et Rezzag Bara, le Président de l’Observatoire des Droits de l’Homme, ce ver rampant, qui se sustentait du sang des victimes.
C’était leur boulot de nier l’indéniable, d’étouffer les cris des , de travestir des assassins de masse, sadiques de surcroît, en sauveurs de la république. Ils y étaient grandement aidés par les islamistes armés, qui apportaient de l’eau au moulin de la propagande du régime, en hachant menu des civils innocents, en violant les femmes de la « ghanima », et en égorgeant des jeunes appelés pendant qu’ils appelaient leur maman, et de s’en vanter lors d’interviews accordés à la presse du régime.
Et donc, ces « islamistes » qui faisaient leur djihad en égorgeant des adolescents, et en violant des petites filles, et qui collaboraient très activement avec les « agents honorables de l’Etat », qui assassinaient des recteurs d’université, des journalistes, des artistes et même des généraux, et qui, les un et les autres, amassaient des fortunes colossales, ont commis, dans l’impunité la plus totale, des crimes contre l’humanité, et des crimes de guerre, à une échelle qui aurait provoqué une indignation planétaire, si elle n’avait été confinée au huis clos, grâce à la complicité active de la « presse la plus libre du monde arabe ».
Lorsque le sang des innocents a fini par déborder le black-out, et par interpeller les consciences, le spectre de poursuites pénales internationales a commencé à planer au dessus des certitudes. C’est le moment qu’a choisi le Président Boutelflika pour évacuer son concurent Benflis, en promettant aux généraux qu’il leur apporterait leur amnistie sur un plateau d’argent, s’ils lui permettaient de violer la constitution, qui limitait à deux le nombre de ses mandats présidentiels. Tout ce beau monde se mit donc d’accord sur cette grosse arnaque. Toi et tes frères, et ton clan d’Oujda, et tes agents américains, et tes émirs chasseurs, et tes businessmen égyptiens, et toute ta smala vous gardez les clés de la maison, et nous les chwakars, les vampires, les bouffeurs de caviar à la louche, après avoir été les goinfrés de méchouis bédouins, nous gardons les clés de votre liberté. Et la populace, le ghachi, les brosse à reluire, et les lécheurs en tout genre, on les laisse se trucider les uns les autres. Il n’y a pas plus cruel tortionnaire, ni pire assassin, que celui qui vient de la populace. A-t-on jamais vu un général faire la sale besogne ? Non, bien sûr. Il y a suffisamment de chiens dans la foule, pour qu’on mette nous-même la main à la pâte.
Et c’est à peine si le dispositif honteux qui fut imposé aux Algériens, n’exigea pas de ceux-ci de demander pardon à leurs propres tortionnaires. Islamistes « dihadistes » et « agents honorables de l’Etat », furent donc lavés des « accusations ignobles » qui pesaient sur eux, et ils purent, enfin, se consacrer à d’autres activités que le meurtre et le carnage, celles surtout qui consistaient à gérer les fortunes qu’ils avaient amassées sur des tas de cadavres.
Nombreux, qui se voulaient pratiques, et qui usèrent de leur capacité à agiter l’épouvantail de la terreur si le peuple n’acceptait pas la seule issue qu’on lui laissait, de ne pas demander de comptes à ses bourreaux, ont pu convaincre que cette amnésie honteuse et injuste pour toutes ces victimes qui avaient été taillées en pièces, qui avaient été énucléés avec des fourchettes, qui avaient été violées, dont on avait violés les filles et les fils sous leurs yeux, et qui avaient été réduits en charpie, était la seule issue possible. Un vrai chantage: Accepter de tourner la page, sans la moindre question, soit continuer à subir l’horreur.
Et le peuple n’eut pas d’autre choix que d’accepter cette honteuse compromission. Hormis quelques voix d’hommes et de femmes d’honneur, personne ne se dressa contre cette ignominie. Ni les démocraties occidentales, ni les partis politiques algériens, ni les défenseurs des Droits de l’Homme, et encore moins les journalistes algériens, hormis ceux qui se confinèrent à rejeter l’amnistie des seuls islamistes, comme si l’on pouvait dissocier des auteurs d’un même crime, juste parce que les uns portaient une barbe, et d’autres une casquette.
Aujourd’hui, avec cet assassinat du Professeur Kerroumi, les clients de la paix publique à tout prix, et les béats de toute sorte, découvrent que rien n’a changé dans la nature profonde de ce régime criminel. Les dispositifs sur l’auto-amnistie n’y changeront rien, si ce n’est une impunité institutionnalisée.
Ceux qui ont assassiné des dizaines de milliers de nos compatriotes, qui ont torturé, violé, et commis des exactions aussi nombreuses qu’elles sont inqualifiables, et qui se vautrent publiquement dans cette impunité officielle et officialisée, qui continuent de convoquer des patrons de presse pour leur dicter des lignes de conduite, et qui vont jusqu’à déborder des frontières du pays, pour voler au secours d’un Kadhafi, ces gens là, ces assassins là, ne cesseront de nous hanter, et de répandre le sang de nos compatriotes que si nous les traduisons devant la justice, que nous leur demandions des comptes, sur tous leurs crimes, sur leurs avoirs financiers, sur leurs complicités, et même sur les cas de haute trahison dont ils se sont rendus coupables. Pour cela, nous devons nous révolter, chasser ce régime odieux, créer une justice qui n’obéissent au’au Peuple algérien, des services de sécurité qui n’obeissent qu’à la Loi, et des Institutions qui sont au service du peuple. Ce jour là, des hommes comme notre cher disparu, le Professeur Ahmed Kerroumi, pourront vaquer à leurs devoirs civiques sans être assassinés par des chiens.
Il ne nous reste plus qu’à nous hisser à notre responsabilité, à recouvrer notre nature d’Hommes et de Femmes dignes de ce nom, ou à nous taire à jamais, et à rentrer dans notre niche.
D.Benchenouf
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