ELWATAN-ALHABIB
lundi 26 avril 2010
 



Polygamie, voile intégral, fraude,

immigration et nationalité française

dans le shaker à amalgames

d’Hortefeux : le bouc-émissaire de rêve !

Encore une minable agitation populiste en écran de fumée

par Olivier Bonnet

http:www.plumedepresse.net/spip.php?article1400


niqabBrice Hortefeux a donc trempé sa plume dans le vomi et "a écrit vendredi à son collègue de l’Immigration Eric Besson pour lui demander d’étudier l’éventuelle déchéance de la nationalité française du conjoint de la femme verbalisée en niqab au volant, pour polygamie et fraude aux aides sociales", comme le résume Nice-Matin. En bon chef suprême des procès-verbaux, Il a d’abord "estimé dans son courrier, dont l’AFP a eu connaissance vendredi, que la contravention avait été dressée "à juste titre". Il est plaisant de remarquer que le ministre de l’Intérieur, en Sarkozie, n’a rien d’autre à faire que se prononcer sur la validité d’une contravention à 22 euros ! En outre, le motif dudit procès-verbal est en l’espèce plus que contestable : "circulation dans des conditions non aisées", à cause du niqab qu’elle portait. Or celui-ci, laissant le regard découvert, n’entrave nullement son champ de vision et nous sommes donc clairement face à une amende abusive, excès de pouvoir de la part des policiers verbalisateurs. "L’article 412-6, mentionné sur le procès-verbal, précise bien que la manoeuvre ne doit pas être gênée, explique Libération. Et que la visibilité du conducteur ne doit pas être diminuée par des passagers, des objets transportés et des autocollants posés sur les vitres du véhicule. La visibilité n’étant gênée par aucun des éléments de l’article, Eric de Caumont, avocat pénaliste et porte-parole de l’association Défense du citoyen automobiliste, estime que l’amende repose forcément sur la manoeuvre. Or, selon lui, il s’agit d’une extrapolation du texte. « L’alinéa ne concerne pas les vêtements, précise le juriste pour Libération. C’est une interprétation du code de la route qui n’a encore jamais été faite. Or le droit pénal français est régi par le principe d’application stricte de la loi. L’amende est donc discutable. » Ce qu’appuie une source de gendarmerie citée par l’AFP : « Cette infraction ne peut être relevée à l’encontre d’une personne dont la tenue vestimentaire ne lui cause aucune gêne dans l’exécution de ses manoeuvres." Ajoutons l’argument de Maître Jean-Michel Pollono, avocat de la jeune Nantaise cité par Le Point : "Si ne voir que les yeux constitue une infraction, alors il faudrait interdire au GIGN de conduire avec des cagoules !"

Une

Mais peu importe pour Hortefeux : la femme portait un voile, il convient donc d’agiter le chiffon rouge, comme le titrait fort à propos Le Courrier picard du 21 janvier dernier. Que cette majorité est pitoyable qui, devant le fiasco tous azimuts de sa politique, en est réduite à détourner l’attention de façon aussi flagrante qu’en s’agrippant à sa chère thématique de la burqa - 2000 femmes en France, estime le ministère -, en une litanie obsessionnelle. Quand explosent précarité, chômage, misère et mal-logement, l’UMP répond en criant haro sur le musulman. Rien d’étonnant à ce qu’Hortefeux se permette de prendre position en affirmant la contravention dressée "à juste titre" ; il est parfaitement en phase avec les policiers concernés, comme l’illustre le dialogue suivant, rapporté par Le Point : "Le policier m’a dit : "Je ne sais pas comment cela se passe dans votre pays, mais chez nous, on ne conduit pas comme ça". Je lui ai dit : "Chez vous, c’est aussi chez moi, parce que je suis Française". Ainsi une tenue vestimentaire, certes éminemment condamnable dans son principe, suffit à déchoir de sa nationalité une femme française, réputée ne pas être chez elle dans son propre pays ! Mais parlons-en justement, de la déchéance de la nationalité, avec ce cher Hortefeux : "Dans son petit courrier adressé à Eric Besson, il dénonce (au conditionnel) l’époux de la femme verbalisée, résume le journaliste Bruno Roger-Petit sur Le Post. Selon ses informations, l’époux de cette femme « appartiendrait à la mouvance radicale du Tabligh et vivrait en situation de polygamie, avec quatre femmes dont il aurait eu douze enfants. Au demeurant, chacune de ces femmes bénéficierait de l’allocation de parent isolé (…). J’ajoute, en outre, que ces quatre femmes porteraient le voile intégral. (...) J’ai demandé au préfet de la Loire-Atlantique de faire, sans délai, toutes les diligences utiles, auprès du parquet et des services sociaux, pour réprimer, le cas échéant, les faits de polygamie et de fraude aux aides sociales qui ont été signalées. Je vous serais très reconnaissant, en outre, de bien vouloir faire étudier les conditions dans lesquelles, si ces faits étaient confirmés, l’intéressé (NDLR : l’époux) pourrait être déchu de la nationalité française".

Minable agitation populiste de la part d’Hortefeux : "les conditions requises pour qu’un Français par acquisition soit déchu de sa nationalité, rappelle Le Monde, sont elles-mêmes strictement encadrées par l’article 25 du code civil, qui cite cinq motifs possibles : 1. S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ; 2. S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ("Des atteintes à l’administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique") ; 3. S’il est condamné pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ; 4. S’il s’est livré au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ; 5. S’il a été condamné en France ou à l’étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d’au moins cinq années d’emprisonnement. M. Hortefeux cite deux délits pour justifier sa requête : des "faits de polygamie" et de "fraude aux aides sociales". Les fraudes aux aides sociales n’ayant rien d’exceptionnel, on peut supposer que le délit méritant une déchéance de nationalité dans l’esprit du ministre soit celui de polygamie. L’homme n’ayant, a priori, pas été condamné pour ce superdupontdélit, quatre des cinq motifs cités par le code de la nationalité sont inopérants. Reste à démontrer qu’il s’est "livré au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France". L’anti-France est donc parmi nous ! Peu importe pour nos UMPistes que la déchéance de la nationalité n’ait ici aucun fondement, elle est le symbole de leur croisade et tous se jettent avec avidité sur ce nouvel os à ronger. Les plus fâcheux sont de sortie, cités par L’Express, à commencer par le destinataire de la missive hortefesque : "Si ces faits sont avérés, ils sont insupportables et la justice doit être saisie", a affirmé M. Besson dans un entretien au Parisien/Aujourd’hui en France dimanche. "Si une condamnation intervient, des sanctions pénales seront prononcées et j’étudierai alors avec la Garde des sceaux l’éventuelle déchéance de nationalité de cette personne", explique le ministre de l’Immigration".

drapoAllons bon, voilà la mère Alliot-Marie convoquée, elle qui a encore donné de sérieux gages de sa nullité à l’occasion de l’affaire récente d’ "outrage au drapeau". "Mercredi 21 avril, la ministre de la justice, Michèle Alliot-Marie, a demandé que des poursuites pénales soient engagées après la diffusion d’une photographie montrant un homme s’essuyant les fesses avec le drapeau français", rapporte Le Monde. Mam joue donc elle aussi à Superdupont. "On peut penser qu’il y a déjà en l’état actuel du droit des moyens juridiques pour sanctionner un acte aussi intolérable contre le drapeau français", a déclaré Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la justice. (...) Pour la chancellerie, l’enquête pénale confiée au parquet de Nice devra déterminer si le délit d’outrage prévu par la loi est constitué. Selon l’article 433-5-1 du code pénal, "le fait, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore est puni de 7 500 euros d’amende", ainsi que de six mois d’emprisonnement lorsqu’il est commis en réunion." (...) Eric de Montgolfier, le procureur de la République de Nice chargé d’engager les poursuites, avait déjà été saisi en mars et estimé que le délit n’était pas constitué. "Il y a un mois le préfet m’avait saisi. Je lui ai notifié ma décision de classement le 30 mars. Le Conseil constitutionnel a rendu le 13 mars 2003 une décision affirmant que sont exclues du champ d’application de la loi les œuvres de l’esprit", a expliqué Eric de Montgolfier, mercredi 21 avril. Par ailleurs, "l’outrage doit être commis lors d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, ce qui n’est pas le cas", a-t-il estimé. [La photographie a été primée lors d’un concours photographique organisé par la Fnac de Nice, manifestation privée dont on ne sache effectivement pas qu’elle soit "organisée ou réglementée par les autorités publiques", Nda] "J’ai informé la garde des sceaux de la décision que j’avais prise", a-t-il ajouté." Oeuvre de l’esprit et manifestation privée, deux raisons qui empêchent ici toute sanction : double zéro à la garde des Sots. Qui ne désarme pas : "Pour la ministre, il faut faire « évoluer » la loi si elle ne prévoit pas de sanctionner un « acte aussi intolérable", annonce Libération. En supprimant la liberté artistique ? Ce qui est "intolérable", c’est l’interminable dérive de la minorité présidentielle aux abois, qui s’illustre à merveille dans les suites de l’affaire du PV de Nantes.

Avant de digresser sur les effarouchements virginaux de Mam, nous étions sur le point de passer en revue les réactions du côté de l’UMP à l’encontre de l’époux de la voilée verbalisée. "Les plus fâcheux sont de sortie", commentions-nous en commençant par la vile figure de traître, Eric Besson. Poursuivons le casting : "le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, a salué "la démarche du ministre de l’Intérieur" qui "exprime la nécessaire fermeté dont notre société doit faire preuve à l’encontre de ceux qui méprisent nos règles, détournent nos procédures et profitent de manière inqualifiable de l’hospitalité française", écrit L’Express, qui ne nous épargne ensuite pas la saillie de l’ancien petit vendeur d’assurances : Le secrétaire général de l’UMP Xavier Bertrand a également estimé que "ce qu’a dit Brice Hortefeux est frappé au coin du bon sens et rappelle qu’en France, il y a des droits et des devoirs". Bonne réaction du député PS Jean-Marc Ayrault, qui proteste : "La situation de cet homme est connue depuis un bon moment par les services de l’Etat, la Caisse d’allocation familiales. Pourquoi rien n’a été fait ? Pourquoi feint-on aujourd’hui de découvrir cette situation ?" Mais parce que c’est vendeur, ça, coco ! La technique classique de la droite, et singulièrement des sarkozystes, consiste en la fabrication de bouc-émissaires pour dresser les gens les uns contre les autres et voiler, c’est vraiment ici le cas de le dire, les vrais problèmes. Pensez alors si l’affaire de nos fondamentalistes nantais représente une aubaine pour ces manipulateurs d’opinion ! brpLaissons la conclusion à Bruno Roger-Petit : "Jouant des astuces de l’ultra-médiatisation que son initiative ne peut manquer d’entraîner, le ministre de l’Intérieur réussit l’exploit d’amalgamer en quelques lignes musulman-intégriste-radical-polygame-fraudeur. C’est l’équation parfaite que Jean-Marie Le Pen lui-même n’était jamais parvenu à obtenir en cinquante ans de carrière. Je vous le dis : un modèle." Ajoutons enfin que cet homme-là a été convaincu d’ "injure raciale" par le ministère public lui-même lors de son procès du 16 avril dernier, dans une grande discrétion médiatique. Et qu’à la tête du ministère de l’Intérieur de la République française, malgré cette marque d’infamie, il persiste plus que jamais à souffler sur les braises de l’islamophobie. On ne peut même plus l’accuser de multiplier les provocations : Hortefeux lui-même n’est qu’une énorme provocation vivante ! Reprenons donc la conclusion de notre précédent billet à lui consacré (Hortefeux-la-honte, démission !), qui tombe aujourd’hui encore à point : "Hortefeux et ceux qui le confirment à son poste - François Fillon et Nicolas Sarkozy - déshonorent la France bien plus sûrement qu’en s’essuyant les fesses sur son drapeau".

Mise à jour : un fâcheux manquait à l’appel, le voilà ! "Alors que l’on commence à mettre en doute la légitimité du gouvernement de demander la déchéance de la nationalité française au mari de la conductrice voilée, Jean-François Copé, chef de file des députés UMP, apporte son soutien au ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, mentionne Le Post. Invité ce dimanche du Forum J, Jean-François Copé juge "que le ministre de l’intérieur a raison de mettre les pieds dans le plat". Il défend son propos en déclarant : "Je le soutiens tout à fait. Dans une société démocratique, il y a des choses qu’on peut faire et d’autres qu’on ne peut pas faire". Comme par exemple déchoir quelqu’un de sa nationalité quand aucun texte ne l’y autorise ! Or c’est exactement ce que propose Hortefeux... Est-ce digne d’une "société démocratique" ?

Le dessin représentant Hortefeux en Superdupont provient du blog de Kamel
 
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