ELWATAN-ALHABIB
jeudi 27 septembre 2007
 

Algérie : Le système mafieux "militaro-énergétique" prépare le chaos (?)


Par Madjid Laribi

"Les terroristes servent des intérêts étrangers, des capitales étrangères et des dirigeants étrangers ". Mettre cette déclaration du chef de l'Etat algérien sur le compte d' " une réaction émotive ", comme ont tenté de le faire passer certains titres de la presse algérienne, relève de la mauvaise foi et de la manipulation.

De la mauvaise foi, car tout le monde sait que Bouteflika est un vieux routier, un roublard de la diplomatie et un fin connaisseur des arcanes de la politique internationale. Compte-tenu du profil de celui qui les a prononcés, les propos tenus juste après l'attentat de Batna sont loin d'être spontanés. La déclaration est mûrement réfléchie et s'adresse à qui de droit.

De la manipulation évidemment, car les rédacteurs de ces analyses et commentaires, connus pour leur appartenance à des chapelles qui s'activent à l'ombre du pouvoir réel, veulent détourner le vrai sens de la déclaration de Bouteflika et minimiser sa portée, en la présentant comme une réaction à chaud, provoquée par l'émotion.

Les derniers attentats qu'a connu l'Algérie, ceux de Batna et Dellys notamment, inaugurent une situation nouvelle qui s'annonce particulièrement dangereuse. Une situation qui risque d'être encore plus coûteuse pour les algériens, déjà durement et tragiquement touchés. Les luttes au sein des clans dirigeants semblent s'acheminer vers un niveau inédit pour atteindre le point de non retour. La guerre entre les clans de l'armée, habitués à s'exprimer par le sifflement des balles et l'explosion des bombes, s'embrase cette fois-ci sur fond de l'échec total du régime, l'échec de sa politique du tout sécuritaire et de son volet dit de la " réconciliation nationale ", au point qu'aucune initiative pour se perpétuer ne peut être effective. Les tenants du pouvoir réel se sont embourbés dans cette démarche meurtrière, jusqu'à hypothéquer l'avenir de tout le pays, avec comme résultat un solde macabre de plus de 200 000 mille morts et des milliers de disparus, sans citer la déshérence socio-économique et le démantèlement de l'Etat.

Cette situation éminemment préoccupante et porteuse de réels dangers pour le pays, n'a pas trouvé en face une Présidence de la République capable d'arbitrer comme c'était le cas avant les années quatre vingt dix, mais une institution de pure façade, incapable même de désigner ou de démettre un ministre. Mais la nouveauté est que, contrairement à ses prédécesseurs, Bouteflika et son entourage, malgré leur peu de poids, agissent dans l'ombre pour tirer profit des conflits au sein du pouvoir réel, en ajoutant de l'huile sur le feu d'un incendie déjà dévastateur.

L'exacerbation de la situation explique et justifie la réaction de trois personnalités remarquables. En effet, malgré sa concision,la déclaration de Mehri, Ait Ahmed et Hamrouche, en dit beaucoup sur la dangerosité de la situation. C'est en pleine connaissance des réalités que traverse le régime, notamment ces derniers temps, et des conséquences qui ne pourraient être que dévastatrices pour l'Algérie, que les trois hommes politiques se sont déclarés : " Affligés par la situation que vit notre pays et gravement préoccupés par un possible nouvel engrenage de la violence ", comme ils affirment avec " force que terreurs et violences ne sont pas les voies de l'espérance ". Autrement dit que les bellicistes parmi les généraux doivent renoncer à la violence comme moyen de gestion de la société, en leurs montrant la seule et unique voie pour sauver l'Algérie, à savoir " la mise en place d'un processus de démocratisation du pouvoir, de son exercice et de son contrôle [qui] constitue le chemin de la sécurité nationale, de la stabilité et de l'espoir ".

Le regain de la violence en Algérie ne peut s'expliquer par la baisse de vigilance des services de sécurité. Une voix très autorisée, celle de Louisa Hanoune en l'occurrence, même si elle avait zappé le rôle des militaires belliqueux, en a à peu prés tracé les contours lors d'une conférence de presse tenue le 11 septembre à Alger. " il faut comprendre d'abord ce qui se déroule sur la scène internationale pour comprendre les évènements qui secouent l'Algérie " a déclaré Mme Hanoune en soulignant que " c'est l'Etat américain qui met à profit le terrorisme pour réaliser ses objectif " et d'asséner par la suite au sujet des ministres Khelil et Temmar que se sont ''des experts du FMI imposés au gouvernement et qui n'ont pas été désignés par Bouteflika ". (Voir la presse algérienne du 12 septembre).

Si les généraux détenteurs du pouvoir manipulent le terrorisme pour s'y maintenir et, partant, s'accaparer les richesses du pays, il n'en demeure pas moins qu'ils sont liés à des groupes d'intérêts internationaux, comme ils sont d'ailleurs étroitement liés à des services secrets de plusieurs pays étrangers. Ces derniers leurs apportent leur soutien pour rester aux commandes. Mais à quel prix ? Pour assouvir leur soif de pouvoir et amasser des fortunes colossales, ces militaires dévoyés offrent l'Algérie, les algériens compris, sur un plateau d'argent à des puissances étrangères.

Tout le monde sait que l'Algérie, par sa situation géographique et les richesses de son sous-sol , ne peut échapper aux affrontements géostratégiques que se livrent les grandes puissances, les Etats-Unis en tête. En tant qu'important pays d'Afrique et axe du Maghreb qui ouvre toutes les voies vers le Sahel, l'Algérie représente incontestablement un intérêt particulier pour les puissances qui n'ont d'yeux que pour les ressources énergétiques de l'ensemble de la région.

Et le terrorisme, dans ce nouveau front, après l'Irak et en attendant l'Iran, n'est qu'un élément tactique, dans un ensemble stratégique pensé et élaboré dans le seul et unique but de mettre la main sur cette région, de l'océan atlantique jusqu'au (Darfour) Soudan, que les experts militaires américains " boostés " par les lobbies du gaz et du pétrole, ont identifié comme l'avenir énergétique des USA. Dans les dix années à venir, les Etats Unis d'Amérique " prendront " environs 25% de leur énergie de cette région, et non plus du Moyen Orient comme c'est le cas aujourd'hui.

Pour les faucons américains, il n'est pas question de s'installer dans la région du Sahel, de faire main basse sur les ressources énergétiques, sans arrimer au préalable l'Algérie à leur projet. Ce dernier consiste à s'accaparer en plus du pétrole, dans leur opération " militaro-énergétique ", les réserves abondantes de gaz qu'enferme le sol de plusieurs pays de la région. Ce gaz dont ont tant besoin - et dont ils ne peuvent désormais se passer- les groupes de pression liés à l'industrie de l'armement américaine. Une deuxième mer en parallèle de la méditerranée, mais faite de sables et d'ergs, allant de Al-Aâyoune jusqu'en Somalie, voici le projet cher à l'oncle Sam. Avec bien sûr le plus grand port méthanier au monde sur les côtes atlantiques de la capitale sahraouie. Et le commandement militaire que l'administration Bush compte installer dans l'un des pays de la région, en Algérie de préférence comme le souhaitent les USA, permettra aux compagnies américaines d'asseoir définitivement leur hégémonie.

Dans cet imbroglio où le terrorisme bat son plein, même les Touaregs, ces hommes libres de l'immensité du Sahara, n'échappent pas à la manipulation. Ils se trouvent embarqués dans une opération dont ils ne maîtrisent ni les tenants ni les aboutissants. La France qui se bat pour tirer profits de son ancienne relation avec ces pauvres transhumants millénaires, tente d'arracher sa part des griffes du lion yankee. La Françafrique se débat tous azimuts comme une pieuvre affolée, essayant en vain de maintenir une place prépondérante dans la région : une union méditerranéenne tuée dans l'œuf ; une fusion au forceps entre EDF et SUEZ après l'échec d'un rapprochement avec SONATRACH ; un jeu trouble avec l'un des plus malades et non moins dangereux dictateur maghrébin … Bref, la République donne l'impression d'être dépassée, comme il y a de cela quelques années dans la région des grands lacs, mais avec un plus lourd ratio d'échec cette fois-ci et des conséquences géoéconomiques bien plus significatives.

L'arrivée du dragon chinois dans la région, dont les besoins en énergie augmentent d'une manière fulgurante, ne cesse de faire grincer des dents et suscite les inquiétudes de ceux qui exploitaient à moindre coût les ressources de la région. Après avoir mis la main sur 90% environ du pétrole soudanais, le Chine avance sûrement au Niger, piétinant les plates bandes d'Areva.

L'Algérie est au cœur de ces luttes géostratégiques. Les généraux algériens, de part leur savoir-faire dans la manipulation du terrorisme depuis le conflit opposant en Afghanistan Najibullah (communiste) et les Talibans menés par Ossama Ben Laden, soutenus et financés par les américains, sont devenus les alliés objectifs des néoconservateurs de l'administration Bush. Le plan d'action pour la décennie de ces théoriciens de la domination consiste à contrôler de bout en bout les ressources énergétiques en voie de raréfaction à travers le monde. Incapables de s'attaquer aux réserves russes, la Fédération de Russie disposant de l'arme nucléaire, les américains justifient leur interventionnisme au Moyen-Orient et en Afrique en exhibant le danger du terrorisme islamiste.
Ce sont d'ailleurs ces mercenaires envoyés par l'armée algérienne pour infiltrer les islamistes armés au profit de l'URSS qui sont revenus, durant les années quatre vint dix, encadrer les maquis des groupes armés qui commençaient à se multiplier en Algérie.

Lors de l'éclatement de l'affaire BRC, dont les fuites ont été organisées par l'entourage de Bouteflika, le Maghrébin avait, dans un article intitulé ''que cache l'affaire BRC'' (voir la rubrique archives), mis l'accent sur le deal passé entre les généraux algériens et l'administration Bush. En contre partie du soutien des américains, les militaires algériens avaient offert la gestion du terrorisme dont ils contrôlent le moindre mouvement, sans parler des contrats passés sur le pétrole et l'armement. La gestion du terrorisme par le DRS, n'a pas seulement permis au système de se maintenir, mais il a été instrumentalisé dans bien des situations, dont l'une des plus surprenante a été les attentats du RER et métros parisiens en 1995. C'est grâce malheureusement à ces attaques que le régime algérien, en cessation de payement à l'époque, a amené la France à imposer au club de Paris un deuxième rééchelonnement en l'espace d'une année pour l'Algérie. Du jamais vu dans l'histoire de cette institution !
Et ce n'est pas un hasard si le GSPC, donné pour moribond et traqué sans relâche au nord, a étonnamment élargi ses opérations ces dernières années au grand sud algérien, enlevant des touristes allemands, s'attaquant à une caserne en Mauritanie, s'alliant aux pauvres touaregs qui ne cherchent qu'à sortir de l'océan de misère dans lequel ils sont confinés.

Toutes ces manœuvres ont été menées dans le but de justifier l'implantation d'une force américaine dans la région pour soi-disant affronter le péril vert. Ce genre d'opération machiavélique n'est pas nouveau, puisque les GI's avaient toujours fini, les exemples ne manquent pas, par s'installer dans le sillage de la société Halliburton de Dick Cheney, vice-président des Etats-Unis. C'est justement Kellog Brown Root, filiale d'Halliburton, qui s'associe avec Sonatrach, pour former Brown Root Condor - BRC -, qui s'accaparera l'essentiel des contrats d'engineering et réalisera - mais de quelle manière (?)- pratiquement tous les projets d'infrastructures de l'armée. Dans un précèdent article intitulé ''BRC : une holding militaro-énergétique'' (voir dans la rubrique archives), le Maghrébin avait révélé l'information sur les fameuses mallettes de communication achetées par BRC pour le compte de l'armée. Ces systèmes de télécommunication se sont avérés être par la suite directement connectés aux services d'écoute de la CIA. Comme il avait dévoilé également l'existence d'une société écran israélo-américano-sud africaine qui a eu pour mission de " traficoter " et modifier l'armement acheté chez les Russes.

Aujourd'hui, au vu des derniers événements qui ont ensanglanté l'Algérie et qui semblent, malheureusement, partis pour s'inscrire dans la durée, les Algériens doivent prendre leur destin en main. Il n'y a plus rien à attendre du système et la société civile - les citoyens - se doit de s'organiser de manière à arrêter l'effusion du sang des innocents qui continue de couler malgré la politique dite de réconciliation nationale. Le mouvement de libération national, interrompu sans atteindre les autres objectifs qu'il s'était assigné en plus de l'indépendance, à savoir une démocratie sociale et la construction d'un grand Maghreb, est de tout urgence interpellé pour reprendre ses combats qui s'inscrivent ici comme ailleurs dans le sens de l'Histoire.

Les signes d'espoir ne manquent pas. L'opinion algérienne n'est plus dupe du mensonge dont elle a été bercée depuis des décennies. Les fausses contradictions et les manœuvres de diversion ne fonctionnent plus, et, quand elles sont encore tentées, ne suscitent que l'indifférence méprisante. La population est, comme souvent, bien en avance sur ceux qui prétendent la diriger. Au plan international, Le mouvement démocratique et social qui souffle aujourd'hui sur les pays latino-américains est justement le prolongement des luttes pour achever la libération des peuples. Avec la prise de conscience de la vraie nature du régime algérien, ce mouvement est un signe annonciateur et l'élément précurseur de la dynamique de libération du peuple algérien.
 
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