ELWATAN-ALHABIB
lundi 27 août 2007
 



L’économiste Abderrahmane Mebtoul à El Khabar
45 milliards de dollars auraient pu être investis d’une autre manière



L’aisance financière contribue à la propagation de la corruption /Le remboursement de la dette extérieure a contribué à la hausse de la dette publiqueDans un entretien accordé à El Khabar, l’économiste Abderrahmane Mebtoul a mis l’accent sur la situation économique du pays et a affirmé que l’Algérie était mal gérée en pleine aisance financière ce qui entraîne une propagation de la corruption.El Khabar : l’Algérie connaît une relative aisance financière : où en est le montant des réserves de change ?Abderrahmane Mebtoul : Le constat est le suivant : grâce au cours du Brent, les prix du gaz étant indexé sur celui du pétrole) qui est passé de 17,91 en 1999, 28,50 en 2000, 24,85 en 2001, 29,03 en 2003, 38,66 en 2004, 54,64 en 2005 et plus de 60 moyenne 2006, et une moyenne semblable en 2007 à celle de 2006, l’Algérie connaît une aisance financière qu’elle n’a jamais connue auparavant depuis l’indépendance politique et même durant la période 1983 au moment du programme anti-pénurie. Cette aisance financière explique plusieurs indicateurs économiques positifs, dus à des données essentiellement exogènes et non facteurs de bonne gouvernance interne. Premièrement l’importance de l’excédent commercial depuis plus de deux années, dont 14,30, pour les 7 premiers mois de l’année 2007 contre 17,70 de la même période en 2006. Reflétant à la fois une hausse des importations en valeur et une baisse des exportations, (augmentation de plus de 20% pour la même période, ne signifiant pas hausse physique du fait que nos 2/3 de nos importations se font en euros, et plus de 98% de nos exportations en dollars, l’euros s’étant apprécié par rapport au dollars de plus de 36% des 5 dernières années ( coté fin août 2007 à plus de 1,36 dollar). Dans ce cadre, il est utile de signaler que les différentes lois de finances ont tablé sur un baril de 19 dollars, expliquant le déficit budgétaire qui a atteint 37,5% du PIB en 2006 contre 33,5% en 2005. Mais ce ratio sur le PIB est à corriger si l’on tient compte du cours réel, puisque une fraction du montant du fonds de régulation (3000 milliards de dinars moyenne 2006) a servi de financer le déficit du trésor mais avec obligation de maintenir le solde de ce fonds à hauteur de 740 milliards de dinars. Mais avec ce paradoxe que le taux d’épargne est de 56,3% et le taux d’investissement 31%, 25% des revenus du pays n’étant ni consommés ni investis. Deuxièmement, l’importance des réserves de change qui ont progressé fortement, passant de 4,40 milliards de dollars US en 1999 à 56,18 en 2005 puis de 70 en 2006 et plus de 90 milliards en fin Juillet 2007 allant vers 100 milliards de dollars US fin 2007. dès lors sous réserve d’une bonne gouvernance, de la prise en compte des capacités d’absorption pour éviter le gaspillage, et d’une lutte efficace contre la corruption, cela veut dire que pour une très longue période encore, l’Etat algérien disposera d’une très grande marge de manœuvre en terme de dépenses publiques et qu’il pourra les maintenir à un niveau élevé sans risque de déséquilibre sur les finances publiques, lui permettant d’engager des programmes d’équipement nécessaires dans certains secteurs( infrastructures, éducation, santé et habitat social, administration). El Khabar : L’impact de cette aisance dur le produit intérieur brut ?Abderrahmane Mebtoul : Si l’on prend les données officielles fin 2006, le PIB est de 114.2 milliards de dollars US en 2006, dont plus de 60% provenant des hydrocarbures, les segments hors hydrocarbures accusant une régression en valeur relative, alors que des pays pétroliers plus importants que le notre ont une part en hydrocarbures variant entre 30 et 40%, et ce contre 105 milliards de dollars US en 2005, 84 en 2004, 68 en 2003. Le PIB par tête d’habitant passe de 2136 en 2003 à 3403 dollars en 2006 mais avec plus ou moins de 1600 dollars par tête hors hydrocarbures. Ainsi l’on prend deux références internationales récentes, concernant la liste classée selon la valeur de leur produit intérieur brut (PIB) annuel, en parité de pouvoir d’achat et par tête, le rapport du FMI d’avril 2007, et pour une moyenne des années 2004/2005, la seconde pour la même période, celle de la CIA World Factbook (services de renseignements américain), le classement s’établit comme suit : version FMI, l’Algérie est classée 83ème contre 71ème pour la Tunisie sur un total d de 179 pays, les derniers étant respectivement le Burundi et le Malawi. En termes de PNB global l’Algérie en prix courants est classée 49ème contre 68ème la Tunisie sur un total de 224 pays par les deux organismes. Si l’on prend le PIB hors hydrocarbures le classement change notablement puisque l’Algérie serait classée selon le FMI PIB/PPA à la 119ème position sur 179 pays et selon la CIA 125ème sur 194, les données étant sensiblement différentes pour la masse du PIB/PPA. Et pour le PNB elle passerait de la 49ème place à la 61ème position.El Khabar : L’Algérie a également procédé à des remboursements par anticipation de sa dette extérieure ?Abderrahmane Mebtoul : En 20 ans, l’Algérie a payé 117.9 milliards de dollars dont près de 84 milliards de dollars de remboursement du principal et 34 milliards de dollars pour les intérêts. Dans la conclusion d’un accord multilatéral en mai 2006 avec le club de Paris suivi de celui de septembre 2006 avec le club de Londres l’Algérie a remboursé une dette rééchelonnée de 805 milliards de dollars US. Ces dettes selon les accords signés en 1994/1995 devraient être remboursés le 30 novembre 2011. Ces remboursements étaient précédés dès l’année 2004 par le règlement à l’avance de tous les crédits contractés auprès des institutions financières internationales (banque mondiale, banque africaine de développement) pour 3.107 milliards de dollars soit un total de 11.607 milliards de dollars. En ajoutant les 4.737 milliards de dollars de la dette russe entre 2004/2006 l’Algérie a réglé 16 milliards de dollars US. De 30 milliards de dollars US en 1999 (tout en rappelant la cessation de paiement et le rééchelonnement de 1994), de 15.5 milliards de dollars en 2004, le stock de la dette extérieure tombe à 5 milliards de dollars fin 2006 soit environ 4% du PIB et 12% des recettes d’exportation de 2006. Mais pour les remboursements par anticipation de la dette de rééchelonnement, il importe de souligner que le Trésor a recouru aux avances exceptionnelles de la Banque d’Algérie dont, selon les données officielles, le montant s’est élevé à 627.8 milliards de dinars à la fin décembre 2006 et qu’une partie de la dette extérieure de rééchelonnement a été transformée en dette inférieure du Trésor à l’égard de la Banque d’Algérie, sans ponction sur le Fonds de régulation. Ce qui augmente la dette publique intérieure composée essentiellement de valeurs du trésor détenues par le secteur bancaire, évaluée à 1200 milliards de dinars fin 2006, qui a tendance à croître paradoxalement proportionnellement avec l’inefficacité des services publics (gaspillage au niveau des administrations et services collectifs alors que l’on se focalise surtout sur les entreprises publiques posant la problématique de l’efficacité des dépenses publiques).« El Khabar » : toujours dans ce cadre, l’Algérie aurait placé 45 milliards de dollars de ses réserves de changes en bons de trésor américain ?Abderrahmane Mebtoul : Egalement, dans les banques internationales, très bien cotées, appelées 3AAA. La constatation, si le montant est vérifié est que cela représenterait la moitié de nos réserves de change. Selon les déclarations officielles, elles produiraient entre 1et 2 milliards de dollars US du fait que ces intérêts sont de 5% pour la partie dollars US, 3% pour la partie euros. Cela pose également l’urgence d’une plus grande transparence de son utilisation. Par ailleurs, en cas de très grave crise économique, cela ne constitue-t-il pas un risque tout en se posant cette question : l’Algérie ne contribue-t-elle pas indirectement comme les pays du Golf à la croissance des pays développés et pourquoi vouloir attirer les capitaux arabes alors que nous sommes dans l’incapacité d’utiliser nos ressources financières du fait de la faiblesse de la capacité d’absorption (divorce entre les objectifs et les moyens). En fin, pour ces placements l’Algérie ne peut retirer cet argent à court terme même en cas de crise grave de l’économie américaine. L’avantage est que ce placement est garanti par l’Etat américain même si le taux d’intérêt est fixe et faible.« El Khabar »: cependant, concernant le placement d’environ 45 millions de dollars de ses réserves de change en bons de trésor américain, le problème qui se pose est le suivant ; est-ce que l’argent de l’Algérie peut être utilisé autrement ?Abderrahmane Mebtoul : Cela pose la question de l’urgence de la réorientation de toute la politique économique et sociale afin de débloquer la réforme globale en panne renvoyant tant à des aspects sociopolitiques qu’économiques solidaires. Dans la pratique des affaires il n’y a pas de sentiments. Je place mon argent là où le taux de profit (l’Algérie n’est pas seule dans le monde où la concurrence internationale est vivace) est maximum, en fonction bien entendu de bon nombre de facteurs à la fois politiques et socio-économiques afin de limiter les incertitudes. Il est démontré que le taux de profit est supérieur au taux d’intérêt dans certains segments qui sont d’ailleurs inducteurs de croissance et de création d’emplois pour le pays. Tout dépend de la visibilité et la cohérence dans la démarche gouvernementale, non plus comme par le passé en tant qu’Etat gestionnaire, mais comme Etat régulateur, ce qui suppose de l’intelligence et de la compétence. En Algérie, comme je l’ai démontré dans une contribution « l’Armée algérienne face à la problématique de la défense et de la sécurité en Méditerranée » disponible sur site international de l’organisation mondiale américaine, Watch- www. Alegria-Watch. Org/fr/aout 2007 et sur le site de l’OTAN, c’est toute la problématique de la sécurité nationale qui est posée. Car faute de visibilité, de cohérence, liées à la mauvaise gouvernance et à la l’inefficacité gouvernementale, la société reposant sur la rente des hydrocarbures (brut et semi brut) qui a engendré malheureusement une corruption socialisée, les hommes d’affaires préfèrent les actions de court terme, sans risque sachant qu’ils seront payés avec l’importance des réserves de change. D’où les activités de ces hommes d’affaires dans l’importation et les segments d’infrastructures (qui ne sont qu’un moyen de développement), sachant par ailleurs que le maitre d’œuvre, c'est-à-dire l’Etat contrôle mal les réalisations, d’où des réévaluations à répétition et des ouvrages mal faits, délaissant les investissements porteurs à moyen et long terme qui font la force de toute l’économie. Oui l’argent de l’Algérie peut être utilisé autrement mais pour cela il faut une vision stratégique à moyen et à long terme afin de garantir l’avenir des générations future, cela étant la responsabilité de tout gouvernement, une autre politique reposant sur l’entreprise et son fondement, le savoir être du XXI siècle. Car tous ces indicateurs globaux sont des indicateurs tout peu fiables pour une politique devant concilier les principes d’efficacité et d’équité, car voilant les disparités importantes par couches sociales. C’est pourquoi la plupart des organismes internationaux y compris la banque mondiale et le FMI lui préfèrent depuis les années 1990 celui de l’indice de développement humain (IRH). En effet la première critique au PIB par tête d’habitant est que l’intégralité n’était pas perceptible tant intersectorielle que sur la répartition des revenus entre catégories socioprofessionnelles, où cette concentration profite beaucoup plus aux spéculateurs qu’aux entrepreneurs mus par création de richesses. La seconde critique est qu’il ne tient pas compte de certaines sphères non comptabilisables, en particulier le travail domestique. La troisième critique est que l’on comptabilise positivement des activités négatives : un exemple, plus on met des activités de lutte contre la pollution pour la protection de l’environnement, plus ces activités sont comptabilisées comme valeur ajoutée gonflant le PIB sans tenir compte des coûts négatifs de l’environnement et également certaines dépenses publiques contre les maladies engendrées par cet environnement qui gonflent artificiellement le PIB. Ainsi existe une différence entre le classement du PIB par tête d’habitant où l’Algérie est mieux classée, et l’indice du développement humain plus fiable introduisant l’éducation et la santé qui sont inefficients, ce qui explique que l’Algérie est classée dans le rapport 2006 du PNUD à la 102eme position sur un totale de 177 pays, améliorant timidement sa position par rapport à 2005(103ème, la Tunisie 87eme et le Maroc 123ème). Si l’on prend que le ratio PIB comptabilisé pour 1/3 dans le calcul de cet indice, les deux autres tiers étant des indicateurs sociaux, le classement de l’Algérie reculerait d’environ de 20points la ramenant à la 153ème position sur 177 soit parmi les pays les pauvres de la planète.
 
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