ELWATAN-ALHABIB
samedi 11 août 2007
 
L'affaire étouffé d'Hiroshima

Par Amy Goodman et David Goodman, le 7 août 2007
​​​Une histoire que le gouvernement US espérait ne jamais voir à la lumière du jour a finalement a été publiée, après 60 ans de mise à l'index par les censeurs militaires. La découverte d'un reportage de première main du journaliste George Weller sur les conditions dans le Nagasaki post-nucléaire jette la lumière sur l'une des grandes révélations journalistiques du siècle dernier : la dissimulation des effets du bombardement atomique sur le Japon.
​​​​Le 6 août 1945, les USA laissèrent tomber une bombe atomique sur Hiroshima ; trois jours plus tard, Nagasaki fut frappé. Le général Douglas MacArthur déclara rapidement le sud du Japon interdit, proscrivant les médias. Plus de 200.000 personnes sont mortes dans le bombardement atomique des villes, mais aucun journaliste occidental n'a été témoin des répercussions et n'a raconté l'histoire. À la place, les médias mondiaux se sont entassés avec obéissance sur le cuirassé Missouri au large du Japon pour couvrir la reddition japonaise.
​​​​Un mois après les bombardements, deux journalistes défiant le général MacArthur se prirent eux-mêmes en charge. M. Weller, du Chicago Daily, pris une série de bateaux et de trains pour atteindre Nagasaki dévastée. Le journaliste indépendant Wilfred Burchett voyagea en train pendant 30 heures et marcha dans les restes carbonisés d'Hiroshima.
​​​​Les deux hommes ont trouvé un monde de cauchemar. M. Burchett s'est assis sur un morceau de ruine avec sa machine à écrire Baby Hermes. Sa dépêche commençait : « À Hiroshima, 30 jours après que la première bombe atomique ait détruit la ville et secoué le monde, les gens meurent toujours, mystérieusement et de façon abominable -- de manière inconnu, des gens que le cataclysme avait laissés indemnes, quelque chose que je ne puis décrire que comme une peste atomique. »
​​​​Il a continué, tapant des mots qui hantent encore à ce jour : « Hiroshima ne ressemble pas à une ville bombardée. Il semble qu'un monstrueux rouleau compresseur soit passé dessus et l'ait broyé hors de l'existence. J'écris ces faits aussi impartialement que je le puis dans l'espoir qu'ils agiront comme un avertissement pour le monde. »
​​​​L'article de M. Burchett's, intitulé « La peste atomique, » a été publié le 5 septembre 1945, dans le London Daily Express. L'histoire causa un sentiment mondial et fut un fiasco de relations publiques pour les militaires US. Le récit des responsables des bombardements atomiques minimisait la valeur des victimes civiles et écartait catégoriquement comme de la « propagande japonaise » les rapports sur les effets mortels prolongés du rayonnement.
​​​​Ainsi quand l'histoire de 25.000 mots, du journaliste George Weller gagnant du Pulitzer, sur l'horreur qu'il avait trouvée à Nagasaki a été soumise aux censeurs militaires, le général MacArthur a ordonné d'étouffer l'histoire, et le manuscrit n'a jamais été rendu. M. Weller a plus tard résumé sommairement son expérience avec les censeurs du général MacArthur : « Ils ont gagné. »
​​​​Récemment, Anthony, le fils de M. Weller, a découvert une copie carbone des dépêches interdites parmi des papiers de son père (George Weller est mort en 2002). Incapable de trouver un éditeur US intéressé, Anthony Weller a vendu le reportage à Mainichi Shimbun, un grand journal japonais. Maintenant, au soixantième anniversaire des bombardements atomiques, le reportage de M. Weller peut enfin être lu.
​​​​« Les squelettes ratatinés ou aplatis dans les usines d'armes Mitsubishi révèlent ce que la bombe atomique peut faire à l'acier et à la pierre, mais ce que la fission de l'atome peut faire contre la chair et les os humains se trouve caché dans deux hôpitaux du centre de Nagasaki, » écrivait M. Weller. Un mois après que les bombes soient tombées, il observait, « Une singulière '' maladie '' de la bombe atomique, non soignée parce que non traitée et non traitée parce que non diagnostiquée, emporte toujours des vies ici. »
​​​​Après les récits de destruction de M. Weller's, les autorités US tentèrent de contrecarrer les articles de M. Burchett's en attaquant le messager. Le général MacArthur ordonna d'expulser du Japon M. Burchett (l'ordre fut annulé plus tard), son appareil photo disparut mystérieusement pendant qu'il était dans un hôpital de Tokyo et des officiels US l'accusèrent d'être influencé par la propagande japonaise.
​​​​Alors les militaires lâchèrent une arme secrète de propagande : Ils déployèrent leur propre homme du Times. Il s'avéra que William L. Laurence, journaliste scientifique du New York Times, était aussi sur la liste d 'émargement du Ministère de la Guerre.
​​​​Pendant quatre mois, tout en travaillant toujours pour le Times, M. Laurence écrivait des communiqués de presse diffusés par les militaires, qui expliquaient le programme d'armement atomique ; il a aussi écrit des déclarations pour le président Harry Truman et le Secrétaire de Guerre Henry L. Stimson. Il fut récompensé en obtenant un siège dans l'avion qui avait lâché la bombe sur Nagasaki, une expérience qu'il décrivit dans le Times avec un effroi religieux.
​​​​Trois jours après la publication de la dépêche choquante de M. Burchett's, M. Laurence avait en première page dans le Times une histoire qui contestait la notion selon laquelle les affections des radiations tuaient les gens. Son reportage incluait ce remarquable commentaire : « Les Japonais continuent toujours leur propagande visant à créer l'impression que nous avons gagné la guerre déloyalement, et tentent donc de créer la sympathie pour eux-mêmes et pour adoucir les clauses [des accords de reddition]. ... Ainsi, au début, les '' symptômes '' décrits par les japonais ne sonnaient pas vrai. »
​​​​M. Laurence gagna le Pulitzer pour son reportage sur la bombe atomique, et sa répétition fidèle comme un perroquet de l'histoire gouvernementale fut décisive dans l'inauguration d'un demi-siècle de silence sur les effets mortels prolongés de la bombe. Il est temps pour le conseil du Pulitzer de dépouiller l'apologiste d'Hiroshima et son journal de ce prix immérité.
​​​​Soixante ans plus tard, le reportage censuré de M. Weller's se lève comme un réquisitoire brûlant, non seulement contre l'inhumanité de la bombe atomique mais aussi contre le danger des journalistes intégrés au gouvernement pour tromper le monde.
Original :
http://www.commondreams.org/views05/0805-20.htm
 
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